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Crédit photo : Martin Morissette
Victoriaville avait des allures de Mecque de l’avant-garde musicale ce jeudi 14 mai lorsqu’un public averti commençait à s’entasser dans l’édifice du Colisée, agencé pour l’occasion en véritable lieu de culte. Tous étaient là pour assister à une messe abyssale en guise de première présentation de l’album du collectif montréalais d’art-rock Suuns + Jerusalem In My Heart avant leur tournée canadienne.
Tel un muezzin lançant son appel à la prière, Radwan Ghazi Moumneh a plongé l’assistance dans les arabesques d’un orient convoité, chantant magnifiquement dans sa langue natale la première chanson d’un projet sorti chez Secret City Records. À ses côtés, silencieux, les membres de Suuns attendaient leur instant alors qu’un soleil ardent était projeté en toile de fond non loin de l’ombre du Libanais. L’image saisissait, le ton donné et dès lors que les musiciens entonnaient leurs premières notes, l’audience est resté bouche bée devant cette maîtrise instrumentale proche de la perfection.
Quand a débuté la deuxième chanson «Metal», la dimension majestueuse de la prestation a pris tout son sens grâce au génialissime batteur Liam O’Neill. Dès lors, le public s’est embarqué très haut, très loin dans les dédales brutaux, organiques et électroniques d’une virée instrumentale et mentale.
Difficilement accessible pour le profane, la complexité musicale formatée propre à Suuns a laissé place dans les morceaux suivants à une musicalité plus âpre, plus endurcie, entre un psychédélisme ambiant et un vrombissement infini très «godspeedien». En une heure de temps, les sept titres de Jerusalem In My Heart se sont enchaînés, nous ont effrayé jusqu’à nous pousser au bord d’un trou noir cosmique.
Et, sans être abasourdi, ni même décontenancé, le public a poursuivi ce trip psycho-spatial jusqu’au terme du dernier morceau «3attam Babey», qui a fait probablement écho dans de nombreuses têtes jusque tard dans la nuit. La faute à un solo possédé du guitariste et chanteur Ben Shemie et de Liam O’Neill sur une cymbale Charleston alors qu’une nouvelle fois Radwan Ghazi Moumneh prenait son étrange mandoline pour nous pousser aux confins du Proche-Orient.
Les derniers bourdonnements s’entendaient, chaque musicien laissant son instrument et presque hâtivement, ils ont quitté la scène, reconnaissant mais sans remerciements. Il était peut-être là le bémol de cette soirée, l’absence d’interaction avec le public. On les excusera, la présentation cohérente en bloc de leurs morceaux laissant peu de place à des cassures répétées.
Un rappel fut espéré timidement par l’assemblée qui savait pourtant que cette messe de minuit s’achevait, chaque morceau de l’album collaboratif ayant été joué. Alors, les lumières se sont rallumées, la foule a quitté les lieux, impressionnée, un peu étourdie mais certainement conquise par le phénomène Suuns, qui a confirmé là son statut d’un des groupes les plus attractifs de l’ère moderne.
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de la rédaction