«Soul Chain» de tanzmainz présenté au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts

En vérité, ce serait mentir que de dire que la présence de tanzmainz au sein de la programmation de Danse Danse n’a pas éveillé mon intérêt! Cette compagnie, qui se distingue par la création d’œuvres issues de collaborations entre des artistes de renom et qui vise à élargir les langages chorégraphiques, m’a toujours intriguée.

Animée par la curiosité et l’enthousiasme de découvrir leur travail, j’ai assisté à la première montréalaise du spectacle Soul Chain mardi dernier, et je dois vous dire que j’ai été agréablement vitalisée par cette proposition artistique!

Photo: Andreas Etter

Créer de l’émotion à travers une chorégraphie ingénieuse

L’œuvre Soul Chain a débuté sur une scène épurée, sans décor, baignée dans une lumière minimaliste. Alors que les notes de musique techno composées par le musicien, batteur et DJ créatif Ori Lichtik s’éparpillaient à travers la vaste salle, trois danseurs vêtus de maillots couleur peau et de bas longs jusqu’aux genoux ont traversé la scène en diagonale, et ce, avec grande distinction.

J’ai tout de suite été captivé par leur démarche qui m’a paru particulière. Les danseurs se déplaçaient avec des demi-pointes (en danse, on appelle demi-pointes la position du pied soulevée qui repose sur les phalanges), avec leurs genoux pliés, leur torse bien droit, une légère inclination vers l’arrière et un regard qui dégageait plein de sensualité. Leurs cheveux bien coiffés et lisses ajoutaient une touche d’élégance à cette marche qui, à plusieurs reprises, m’a fait penser à un défilé de mode unique, authentique et réussie, notamment au niveau de la posture.

Après avoir effectué quelques va-et-vient sur scène, les dix-sept danseurs se sont rassemblés au centre afin de présenter une chorégraphie d’une durée de 60 minutes au cours de laquelle ils ont progressivement évolué à travers leur danse, leur interprétation et leurs mouvements vigoureux.

Il ne s’agissait pas ici d’une chorégraphie spécifique où l’on observe les danseurs bouger avec amplitude et liberté. Au contraire, les interprètes ont plutôt présenté une œuvre arborant une signature unique et exquise, exposant la rigidité du corps d’une manière bien différente. Celle-ci laissait toute la place à une expression particulière où le spectateur pouvait être libre de ressentir diverses émotions telles que l’amour, la curiosité, l’admiration et l’émerveillement.

Les mains et les visages des interprètes semblaient détachés du corps, lequel dansait avec grâce, tandis que les jambes restaient solidement ancrées au sol, pour répéter des mouvements rythmiques.

Je ne peux pas nier que, par moments, la musique me poussait à vouloir apprécier une danse moins contrôlée, comme si j’aurais aimé voir les danseurs sauter et tourner. Cependant, j’ai rapidement été emportée par leur danse exigeante en technique et en contrôle, et je me suis donc abandonnée à l’appréciation de leur interprétation artistique, à la fois généreuse et vigoureuse qui, d’ailleurs, m’a transmis une énergie fantastique.

Danser pendant 60 minutes sans interruption sur des demi-pointes, en effectuant des mouvements tantôt saccadés, tantôt accomplis avec un contrôle absolu, exige une force mentale et physique indéniable, surtout pour un spectacle d’une telle envergure.

Un autre aspect de l’œuvre qui a retenu mon attention, c’est la simplicité du décor: aucun objet matériel n’a été visible sur scène, et ce, à aucun moment de la prestation!

Les costumes confectionnés par Rebecca Hytting mettaient en valeur chaque muscle des interprètes, la musique, avec ses rythmiques énergiques et originales, et surtout la chorégraphie soignée et authentique, sont des éléments qui ont contribué à m’offrir, en tant que spectatrice, une expérience d’une grande richesse.

Cela m’a fait réaliser que la grandeur d’une œuvre ne dépend pas toujours d’une scénographie élaborée ou de costumes sophistiqués. Parfois, la simplicité réfléchie et la création intentionnelle peuvent constituer des cadeaux majeurs pour le spectateur, formant ainsi une grande œuvre.

Je tiens à souligner également la diversité des images offerte tout au long de la chorégraphie. À certains moments, j’avais l’impression d’observer des danseurs de flamenco avec une posture droite, les mains sur le ventre, les doigts ouverts, les jambes bien pliées et une marche (el zapateado) réussie, puissante et précise.

À d’autres moments, la prestation des danseurs évoquait des flamants déplaçant leurs longues jambes avec élégance, étirant leurs ailes (les bras des danseurs) et leur tête avec dextérité. Certains mouvements semblaient même physiquement impossibles à réaliser, presque comme des exploits en soi, tout en étant interprétés magnifiquement. Chaque mouvement portait une intention toute particulière, et la beauté de cette œuvre réside dans le fait que chaque spectateur était libre de voir et de ressentir les images qu’il souhaitait évoquer.

Soul Chain a indéniablement représenté un marathon physique pour les danseurs, et moi j’ai été conquise par leur performance qui témoigne d’un grand travail technique, mais aussi artistique! Cette proposition s’est avérée un excellent ajout à la programmation de Danse Danse, et j’espère vivement avoir l’occasion de revoir la compagnie se produire à nouveau dans les prochaines années, ici à Montréal.