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Crédit photo : Stéphane Najman
L’art du discours physique
Avant même de rentrer dans la salle, la pièce est déjà commencée. Les danseurs sont sur scène et incarnent les rôles d’hommes et de femmes qui, on le sent déjà, ont mal à l’âme. Certains, bière à la main, la sirotent en fixant le vide. D’autres semblent chuter, lutter contre la gravité qui tranquillement les tire vers le sol… Ou est-ce peut-être la réalité qui les pousse vers le bas et éventuellement fait céder leurs corps sous son poids.
Frédérick Gravel sait comment montrer le désespoir sans feindre d’émotions. Une sorte de physicalité volubile exprime habilement ce que même l’homme a de la difficulté à dire avec des mots. De paire avec la musique composée par Philippe Brault, l’action transcende l’image. Elle suscite une empathie kinesthésique chez le public, qui tape du pied ou bouge la tête au rythme des pulsations de la mélodie et des gestes.
L’œuvre ne serait rien sans les neuf interprètes se démenant sur scène. Sensibilité explosive, passion déchaînée, états de corps ressentis; des caractéristiques de la signature de Gravel qui ébahissent le spectateur à tout coup. La capacité des danseurs à s’abandonner dans le contrôle, à se surprendre par les mouvements d’un phrasé connu et déjà maîtrisé, voilà une virtuosité rare et qu’il fait bon à voir.
Some Hope For the Bastards présente un amalgame d’images puissantes et liées de manière fluide. Plusieurs éléments sont repris durant la pièce, souvent sous différentes formes. Tantôt le bassin bat la mesure, tantôt la tête prend la relève. Les danseurs chutent, se relèvent, tombent et sautent dans l’épuisement ou l’agressivité. Ils se battent entre eux ou contre eux-mêmes. Bien que les idées soient pertinentes, elles deviennent parfois lassantes en raison de leur durée et du nombre de fois où on les revoit. Tous les éléments servent le propos, mais avec une emphase devenant à un certain point superflue.
En bref
Cette dernière œuvre de Frédérick Gravel partage adroitement une réflexion actuelle, toutefois avec des longueurs nuisant légèrement au rythme du spectacle. On y voit du talent, du dévouement et une parcelle de ce qui fait de l’art ce qu’il est; une chose mystérieuse et unique créant une connexion parmi les gens.
On peut certes lui reprocher une certaine redondance, mais Some Hope For the Bastards est un «symptôme», pour reprendre les mots de Gravel, de notre société au bord du précipice. C’est une œuvre nécessaire dont l’engagement inspire au changement.
L'événement en photos
Par Stéphane Najman et Volker Derlath
L'avis
de la rédaction