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Crédit photo : Cynthia Rondeau
L’animateur chéri de CBC a ouvert la séance en posant à ses auditeurs cette question qui apparaissait appropriée dans le contexte du festival Pop Montréal: comment mesure-t-on la richesse culturelle et le caractère unique d’une ville? Si l’idée ici n’était pas de démystifier la problématique pendant l’émission, trop brève pour ce que la question infère de toute façon, l’animateur avait pour intention évidente de formuler une assertion: Montréal est une ville très spéciale, une ville où foisonne la culture et qui valorise sa culture. Le commentaire flatteur allait rallier, à la cause de Q, la foule rassemblée devant lui, qui fut aussitôt conquise.
L’hôte a enchaîné en invitant la troupe de Patrick Watson pour une première performance musicale. Pour l’occasion, le chanteur vedette avait rassemblé ses dix musiciens, «his whole family» comme il l’a affirmé par après, pour livrer la chanson titre de son dernier album Adventures in the Backyard. Le rendu s’est avéré absolument impeccable, les multiples instruments à cordes, la trompette, les percussions et les voix s’harmonisaient parfaitement, l’ensemble sonore réveillant même quelques frissons d’émotion chez le public attentif. Au moment de son bref entretien avec Ghomeshi, le chanteur a révélé qu’il pensait qu’une des raisons pour laquelle Montréal se portait si bien musicalement était que les artistes d’ici demeuraient très ouverts à la collaboration et ne tombaient pas dans le piège d’une compétition malsaine. Aussi, a-t-on appris que Patrick Watson pouvait être mauvais perdant dans les sports, comme au ping-pong, lorsqu’il se faisait battre à plate couture. Mais, dans ce cas particulier, il a précisé que la concurrence était acceptable!
Puis, Jian Ghomeshi a rencontré l’écrivaine et ex-journaliste de CBC, Louise Penny, dont le plus récent polar How the Light Gets In a débuté en tête de la New York Bestseller List cette année. La célèbre auteure paraissait au sommet de sa forme. Elle a d’abord joué la carte de l’assurance en déclarant avec son plus beau sourire: «I’m pretty damn fabulous»! Aussitôt redevenue sérieuse l’instant d’après, elle a avoué avec modestie qu’elle ne considérait jamais son succès acquis d’avance. Par ailleurs, le public a appris qu’elle était incapable d’écrire des romans avant d’atteindre l’âge de la quarantaine, car l’opinion d’autrui, trop importante à ses yeux, l’avait longtemps paralysée. Aujourd’hui, Louise Penny affirme qu’elle ne se repose plus tellement sur les «qu’en-dira-t-on» quand il est temps de sortir sa plume, même si elle n’est absolument pas insensible aux succès de ses parutions.
Évidemment, Ghomeshi a aussi profité de son passage à Montréal pour amener un sujet chaud, celui qu’on retrouve partout en manchettes au Québec: le projet de la Charte des valeurs québécoises proposé par le gouvernement du Parti Québécois. Il a réuni autour de sa table les chroniqueurs Marc Cassivi du quotidien La Presse, Bernard St-Laurent de CBC radio et Lise Ravary du Journal de Montréal. D’entrée de jeu, les trois journalistes ont fait ressortir que la question identitaire divisait tous les camps traditionnels. Étonnamment, il n’y avait pas de consensus nulle part, ni au sein des partis politiques et des élites, ni au sein des féministes ou autres groupes de pression. Ils ont rapporté que les Québécois éprouvaient de la difficulté à trancher, apparaissant pour la Charte sur certains de ses aspects et contre sur d’autres. Les chroniqueurs ont également abordé les questions du «Quebec bashing» chez les éditorialistes anglophones, les visées électorales du Parti Québécois et les propos racistes tenus par un certain nombre de personnes au cours des dernières semaines.
C’était ensuite au tour de la formation Braids d’entrer sur scène pour présenter la chanson «In Kind» du récent album Flourish//Perish. La chanteuse Raphaelle Standell-Preston a eu l’occasion de mettre en valeur sa belle voix, poussant quelques notes très hautes… une fois que son problème de microphones fut subtilement réglé pendant la chanson. Puis, l’animateur de Q a demandé au jeune groupe d’où venait le titre du double album, saisissant bien la première partie Flourish, étant donné les triomphes rencontrés suite au premier album, Native Speaker. La chanteuse a répondu qu’elle faisait allusion à la vie, tout simplement, composée de naissances et de morts perpétuelles. Le batteur Taylor Smith a ensuite ajouté que le titre référait aussi aux tourments essuyés par le band lorsque la guitariste Katie Lee a choisi de quitter.
Le très charismatique Sugar Sammy est venu lui aussi passer le test de l’entrevue. Bien au fait de ses positions fédéralistes, Ghomeshi a cherché à connaître son opinion sur le projet de la Charte. En guise de réponse, l’humoriste a rappelé, en rigolant, ses origines indiennes et le quartier où il a grandi, c’est-à-dire Côte-des-Neiges, l’un des quartiers les plus multiculturels de tout le Québec. La conversation a pris une tournure plus légère ensuite. L’humoriste qui parle quatre langues (l’anglais, le français, l’hindie et le punjabi) a diverti la salle en évoquant son récent succès en Inde. Aussi, a-t-on appris que son spectacle bilingue You’re gonna rire faisait un tabac avec ses 100 000 billets vendus jusqu’à présent. Très fier de ce dernier accomplissement, le jeune humoriste s’est dit heureux d’être parvenu à rejoindre autant les publics francophone qu’anglophone. Sugar Sammy a quitté la scène sous les applaudissements d’un public ravi, un brin amusé par le fait que ce dernier habitait encore chez ses parents!
Ne restait plus qu’Antoine Bertrand, qui avait la place de choix du dernier entretien avec Gomeshi pour présenter le film Louis Cyr. D’emblée, le comédien n’a pas cherché à cacher sa nervosité plus grande qu’à l’habitude. Mais son humour à tout casser a tôt fait de réduire son stress. En effet, après s’être moqué gentiment de l’animateur qui avait prononcé «Les Boujons» au lieu de «Les Bougons» en introduction, Antoine Bertrand a lui-même commis un superbe lapsus qui a suscité les éclats de rire: «Maybe you don’t know but Enguish is not my first language!» Le comédien a ensuite littéralement volé le show, avec tout juste les dix minutes qui lui étaient allouées, enfilant blague après blague. L’animateur semblait avoir complètement perdu le contrôle sur son invité, même s’il s’amusait autant que le public. Bref, si Antoine Bertrand était a priori venu raconter l’histoire du héros Louis Cyr, il a surtout vendu son côté très comique à la salle!
Finalement, pour conclure la soirée en beauté, Patrick Watson est revenu sur scène pour interpréter «Man Like You», chanson qui se trouvait sur son précédent album Wooden Arms. La troupe s’étant réduite à cinq musiciens, c’est dans une ambiance plus intimiste que l’émission s’est close. Les spectateurs sont repartis satisfaits, sans doute bien au-delà de ses espérances initiales.
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de la rédaction