SortiesDans la peau de
Crédit photo : Dominique Malaterre (photo à la une)
1. Avant de faire ton entrée à l’Agora de la danse comme commissaire invitée, tu couvrais, à titre de journaliste critique, le secteur de la danse pour le quotidien Le Devoir. Depuis quand exactement te passionnes-tu pour cette discipline et qu’est-ce qui t’attire particulièrement dans la danse?
«J’ai dansé intensément depuis la jeune adolescence jusqu’à la mi-vingtaine. J’adorais le contact de mes pieds nus sur le plancher de bois, l’odeur de ce plancher usé par les corps, et surtout la sensation d’être dans son corps – dans une forme de symbiose avec les autres–, de dire des choses à travers le corps. La danse a une puissance qui va au-delà des mots et des idées. En leur donnant chair, elle ouvre à toute la complexité humaine des sensations, perceptions, émotions, du doute, bref, à une intelligence du corps. Ce n’est donc pas un hasard si ma maîtrise en philo portait sur Nietzsche, qui aimait à dire: le philosophe est un danseur…»
«J’ai eu la piqûre pour la communication autour de la danse en co-animant l’émission spécialisée Concordanse à la radio de CISM 89,3 FM de 1997 à 1999. Ce qui m’a amené à faire de la pige d’abord pour La Presse, en 1999, puis à être journaliste et critique au Devoir, de 2002 à 2014.»
2. Après 15 ans de vie journalistique, tu obtiens le poste de commissaire à l’Agora, que tu occupes depuis deux ans. Que signifie, professionnellement parlant, cette transition?
«Comme on dit dans le milieu, j’ai sauté la clôture et plongé dans un milieu que je devais maintenir à une certaine distance en tant que critique et journaliste. Cela dit, j’ai vu à peu près tous les spectacles de danse à Montréal depuis 1997 (moins deux années de maternité). Je connaissais donc pas mal la scène chorégraphique pour faire la transition. Mais j’ai beaucoup appris sur le quotidien d’un théâtre (et, qui plus est, sur toutes les nouvelles salles de spectacles), les possibilités et les contraintes de programmer sous une direction artistique ayant une belle et longue histoire de plus de vingt-cinq ans.. Le poste de commissaire n’existait pas à l’Agora; je l’ai façonné un peu à mon image, en fonction aussi de la structure organisationnelle propre à l’Agora de la danse. Comme je travaille avec Francine Bernier, directrice artistique, et Marie-Josée Beaubien, qui contribue à la programmation, en plus de ses fonctions aux communications, je m’occupe donc, aussi, de la programmation des activités de rayonnement et développement de public, en plus de rédiger le contenu du nouveau blogue et les demandes de subvention.»
3. Comme tu travailles à la programmation danse tout au long de l’année, peux-tu nous parler un peu des aléas de ce travail? Comment on bâtit de A à Z une programmation qui a du panache et, bien sûr, quels enjeux ça représente, pour vous, de présenter trois spectacles lors d’un même soir!
«Programmer, ça veut dire voir beaucoup de spectacles et, surtout, des œuvres en studio, en cours de création. Ça implique de nombreuses rencontres avec les artistes, de faire le pont avec l’administration, la technique et les communications de l’Agora, d’articuler un calendrier complexe (car on programme dans trois salles de spectacles, dont une partagée avec Tangente). C’est fascinant mais exigeant de bâtir une programmation «qui a du panache» quand elle est quasiment et essentiellement composée de nouvelles créations (mandat de l’Agora). Car au moment de programmer, l’œuvre à venir n’existe que sur papier, voire dans la tête de l’artiste. Elle vit pour la première fois sur nos scènes.»
«La série Résistances plurielles, qui ouvre la saison dès le 24 janvier, est un bel exemple de ce que j’essaie d’apporter. J’avais envie de rassembler des oeuvres qui reflètent, selon moi, un des développements de la danse contemporaine. Par définition, celle-ci questionne ses propres codes et va jusqu’à exprimer une forme de résistance aux conventions et conformismes de la société. Les trois pièces le font de manière très différente, parfois en incarnant un personnage aux multiples visages socioculturels (Icône Pop de Mélanie Demers), parfois en invitant le public à un jeu collectif (Instant Community de Peter Quanz et Montréal Danse), ou à une expérience sensorielle polyrythmique (Recurrent Measures de George Stamos). Pour les réunir en une soirée, il fallait que ce soit des oeuvres courtes. Et toutes trois ont en commun de questionner aussi les modes de représentation scénique, ce qui donne une cohérence à la série.»
4. Justement, comment cette série de trois spectacles, à savoir Icône Pop de Mélanie Demers, Instant Community de Peter Quanz et Montréal Danse, Recurrent Measures de George Stamos, présentée à l’occasion de Résistances plurielles, questionne-t-elle les modes de représentation scénique?
«Les trois expériences évacuent la configuration scénique à l’italienne. Icône Pop se déroule dans un stationnement, et le public peut circuler librement dans Recurrent Measures, de même que dans Instant Community. Pour moi, c’est une manière de résister au spectacle-spectaculaire (c’est pourquoi j’aime parler d’expériences) et surtout d’inviter les gens à aborder les œuvres autrement, à s’impliquer plus activement dans leur interprétation – en mettant à contribution leur propre bagage d’expériences, de connaissances et de perceptions.»
5. Pourrais-tu nous parler, en quelques mots, de tous les spectacles de la saison printemps-hiver qui seront présentés à l’Agora de la danse et surtout nous dire pourquoi ils méritent tous d’être vus?
L’esprit de résistance traverse aussi quelques autres œuvres de la saison. Le théâtre du corps de Jérémie Niel explore la façon dont l’individu résiste parfois au collectif dans Elle respire encore. Dana Gingras questionne l’image de la femme que charrie la publicité et le discours dominant en présentant un autre visage de la femme dans sa performance-concert anOther. Running Piece de Jacques Poulin-Denis fait danser Manuel Roque sur un tapis roulant pour aborder la tension entre la course du quotidien et l’essentiel besoin humain de se projeter en avant. En complément, il y a le retour de la grande dame de la danse, Margie Gillis, qui invite à une communion avec les éléments. Et, en finale de saison, le Français Thomas Lebrun livre un délirant défilé de personnages tirés des discothèques des années 80 dans Les rois de la piste, qui épingle au détour l’éternelle obsession humaine de séduire et de se mettre en scène…
À mettre à votre agenda:
- Icône Pop de Mélanie Demers (www.agoradanse.com/icone-pop)
- Instant Community de Peter Quanz + Montréal Danse (www.agoradanse.com/instant-community)
- Recurrent Measures de George Stamos (www.agoradanse.com/recurrent-measures)
Présentés dans le cadre de la série Résistances plurielles, du 24 au 26 janvier 2018 à 18h30, 19h30 et 20h30, et le 27 janvier 2018 à 15h, 16h et 17h à l’Agora de la danse (1435, De Bleury). Tarifs: la semaine du spectacle: 35 $ (prix régulier) ou 29 $ (prix réduit pour aînés et 30 ans et moins). Groupe (15 personnes et plus): 20 $. Profitez du tarif spécial en achetant 3 billets pour 45 $! Billetterie: 514-525-1500 ou visitez le www.agoradanse.com.
Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…
*Cet article a été produit en collaboration avec l’Agora de la danse.
L'événement en photos
Par Brianna Lombardo, Montreal-Danse et Véronique Mystique