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Crédit photo : Jean-Joseph Benjamin Constant © Washington, National Gallery of Art
L’orientalisme se traduit dans la littérature, la musique et les arts visuels du XIXe siècle par un attrait pour l’ailleurs fastueux et coloré des cours d’Orient. Allant de pair avec l’esthétisme romantique, cette fascination moderne porte toutefois les traces de l’impérialisme. Est et Ouest échangent rarement d’égal à égal: le culte de la raison européen se mesure aux charmes des superstitions orientales, la démocratie colonisatrice, aux despotismes barbares des sultanats et la pudeur chrétienne, à la luxure du harem.
L’exposition explore trois endroits emblématiques de l’époque: l’Espagne mauresque, les cités blanches du Maghreb et le mystérieux harem ottoman. Les artistes s’inspirent de l’art byzantin et de scènes bibliques pour peindre dans une palette étincelante leur propre expérience des destinations. D’autres œuvres de Constant sont également exposées. Le portrait d’Emma Calvé qui aurait inspiré à Hergé le personnage de la Castafiore et une représentation du masque mortuaire de Beethoven témoignent entre autres de l’amour pour la musique du peintre.
Dans la redécouverte de l’Espagne musulmane appelée «l’antichambre de l’orient», on retrouve des trésors de l’art romantique comme La mort de Cléopâtre de Jean-André Rixens. Le lendemain d’une victoire à l’Alhambra de Constant frappe également par le détail des mosaïques et les couleurs chatoyantes qui nimbent les personnages. On peut également voir des pièces des élèves du maître, dont la sublime pièce Salomé dansant devant le roi Hérode de George Rochegrosse. Le peintre prouve sa grande dextérité en capturant l’instant dans le vol de colombes et le mouvement lancinant de la danseuse.
Le visiteur débouche ensuite dans la blancheur grandiose de Tanger, la porte du Maroc. Les scènes du Maghreb à la Lawrence d’Arabie sont empreintes de réalisme puisque Constant et ses collègues y tenaient des ateliers desquelles ils pouvaient entrevoir plusieurs scènes quotidiennes.
C’est d’ailleurs dans les vapeurs du hammam turc que l’imagination prend toute la place. Les scènes du gynécée donnent un prétexte au nu érotique tout en présentant une hiérarchie sociale et raciale. Ces architectures closes ont longtemps frappé l’imaginaire du monde européen chrétien et masculin où la bigamie est condamnée.
Finalement, l’exposition se termine par des visions plus modernes. Le travail de Lalla Essaydi, est particulièrement intéressant. L’artiste new-yorkaise d’origine marocaine défend dans ses œuvres le droit des femmes arabes d’avoir une voix dans leur propre représentation. Elle s’inspire de la beauté des pièces orientalistes pour mieux en dénoncer la condescendance occidentale.
Somme toute, Mirages et Merveilles fait définitivement rêver et réfléchir. L’exposition gagne à être appréciée pour ce qu’elle enseigne sur la perception de l’Autre et les illusions de la perception. La richesse esthétique et politique des pièces ainsi que leur agencement intelligent font de la visite un incontournable de ce printemps.
Mirages et Merveilles de l’Orientalisme est une production du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Musée des Augustins, Toulouse, dans le cadre de l’organisme de coopération franco-américaine FRAME (French Regional American Museum Exchange). À l’affiche jusqu’au 31 mai 2015.
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de la rédaction