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Crédit photo : Mathieu Pothier
La Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, remplie à pleine capacité ce soir-là, dégageait un parfum de beauté raffinée, de luxe et de plaisir délicat que se partageaient, avec une joie manifeste, les heureux convives réunis pour cette fête du ravissement des sens.
Car c’est en effet l’objet même de l’opéra: réunir en une seule représentation artistique la quintessence de l’art lyrique, la beauté magique de la musique et l’opulence des couleurs et du raffinement des costumes et des décors. Tous nos sens éclosaient de volupté lors de cette soirée à l’opéra!
Roméo et Juliette, cet opéra en cinq actes créé en 1867, et dont l’histoire a traversé les siècles depuis sa création, a amené pour la première fois à l’Opéra de nombreux néophytes qui y reviendront certainement. Chanté en français et accompagné de surtitres en français et en anglais, il a tout pour plaire au public montréalais. Cette oeuvre magistrale, originellement écrite sous la forme d’une pièce de théâtre par William Shakespeare en 1595, a été adaptée pour l’opéra par les librettistes Jules Barbier et Michel Carré au XIXe siècle.
Mis en scène par Tom Diamond, ce spectacle à grand déploiement réunit à lui seul soixante-quatre musiciens, quarante-six choristes, douze solistes, six figurants, en plus des très nombreux créateurs dédiés à l’œuvre! Parmi ceux-ci, on retrouve le chef d’orchestre italien Giuliano Carella, qui dirige ici l’Orchestre Métropolitain, le chef de choeur du Choeur de l’Opéra de Montréal, Claude Webster, dans une production conjointe de l’Opéra et de l’Atelier lyrique de Montréal.
Ce qui frappe surtout le spectateur ici, c’est la clarté et l’efficacité de la mise en scène. Aucune étape de l’histoire n’a été escamotée, comme dans plusieurs versions filmiques où l’on cherche à réduire certaines scènes à grand coup d’ellipses, et ce, dans le seul but de sauver du temps. Le résultat, c’est qu’il ne subsiste aucune ambiguïté quant au déroulement de l’histoire, et que chacune des péripéties reste clairement gravée dans les mémoires. De plus, le style romantique classique qu’il a tenu à conserver pour cet opéra est tout à fait indiqué. Pari réussi, donc, pour celui qui a signé de très nombreux opéras à travers le monde.
On nous avait annoncé que la cantatrice principale, Marie-Eve Munger, était «indisposée» ce soir-là, mais qu’elle allait tout de même chanter. Or, force fut de constater qu’elle s’en est très bien tirée, car rien n’a paru, et ce, tout au long de sa prestation. Son acolyte, le ténor Ismael Jordi, a réussi, quant à lui, et avec sa voix chaude et sa prestation impeccable, à envoûter les spectateurs et à nous faire croire à cette belle histoire d’amour tragique et passionnée. Tous les autres chanteurs, pour la plupart issus de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, ont démontré un grand talent et une grande versatilité dans leur jeu.
Comme c’était la toute première fois que je venais à l’opéra, ce qui m’a davantage frappée, c’est la beauté et l’opulence des costumes. Que de couleurs, de riches teintes chatoyantes, de tissus raffinés, de robes exquises, de magnifiques pourpoints et de beaux masques vénitiens, respectant en tous points les costumes de l’époque! Ce fut un véritable festin pour le regard!
Habitués que nous sommes aux restrictions budgétaires, qui se font surtout sentir dans les coupes au niveau des costumes et du décor, cela fait beaucoup de bien de voir, qu’ici, ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, aucun détail n’a été ménagé pour nous faire entrer de plain-pied dans l’histoire et le romantisme de l’époque.
Les décors n’étaient pas en reste. Sobres dans leur somptuosité, ils donnaient le ton à l’époque dans laquelle l’histoire se déroule. Selon les scènes jouées, plusieurs décors ont été mis en place tout au long de l’opéra. Cela contribue également à faire en sorte que la magie opère.
L’éclairagiste Eric Champoux a réussi à donner beaucoup de relief à cet opéra en éclairant de tons chauds les scènes romantiques et de lumières bleues les scènes tragiques. Pour la scène de la fin, lorsque les deux amants reposent, pour l’éternité, dans les bras l’un de l’autre sur l’autel de la discorde, il a choisi une lumière blanche, intense et pure – presque surnaturelle – qui suggère la transcendance de l’au-delà.
Ajoutons à tout cela la prestation à point des musiciens de l’Orchestre Métropolitain, sous la baguette du maestro Giuliano Carella, qui ont réussi un parfait accord avec les chanteurs et comédiens sur la scène. Quoi de plus réussi qu’un orchestre qui réussit presque à se faire oublier pour accorder toute la place à l’histoire qui se déroule sous les yeux des spectateurs. Un signe évident de réussite.
Roméo et Juliette achève la saison sur une note pleine de poésie et de romantisme.
L’opéra Roméo et Juliette est présenté à l’Opéra de Montréal jusqu’au 26 mai 2018.
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de la rédaction