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Crédit photo : Jean-François Brière
Nichée au sous-sol du MBAM, la petite exposition, composée de seulement deux salles, marque l’acquisition du musée d’une nouvelle œuvre à sa collection permanente.
La première, «Le rapt / La jeune fille et la mort» de Hans Makart s’inspire de la pièce musicale du même nom du compositeur Franz Schubert. À l’encre grattée, le réalisme du drapé et l’éclat terne du décor rendent la fin de la jeune fille aux griffes de la mort d’autant plus terrifiante. Le spectateur hésite entre l’interprétation d’un cauchemar dans lequel la mort triomphe ou la soumission tranquille d’une pure et innocente jeune fille laissée à son destin.
Les sources d’inspiration des artistes sont multiples: «Le paradis perdu» de John Milton, «Les contes de Canterbury» de Geoffrey Chaucer, «La divine comédie» de Dante, de même que plusieurs récits bibliques ayant attisé l’imagination des graveurs. Gargouilles et anges rebelles se partagent la vedette dans des scénarios brumeux ou des portraits effroyables. Sur fond pourpre, les paysages sont inquiétants, les figures, mystérieuses, voire terrifiantes. Certaines silhouettes ou créatures évoquent l’esthétique et l’iconographie du Moyen Âge tout en préservant une modernité déstabilisante.
Dessinée pour la majorité en noir et blanc, les pièces choisies pour l’exposition discernent les zones grises de la condition humaine. La plaque à l’aquatinte «Macbeth consultant les sorcières» du célèbre peintre romantique Eugène Delacroix est hypnotisante. La tourmente du protagoniste shakespearien se sent dans l’épaisseur et le chaos des traits de crayon de son environnement.
Pièce marquante, la série «Les disparates» de Francisco de Goya est ici présentée pour la première fois dans son intégralité. Chaque illustration montre des personnages qui s’adonnent à un vice. L’enchaînement est intéressant parce qu’il traite les anti-héros davantage comme des caricatures noires et des stéréotypes que comme des monstres assoiffés de crime.
Aussi percutant, «Le déluge» de John Martin donne le vertige tant la scène biblique est monumentale. L’ampleur du cataclysme nous aspire pratiquement dans l’œuvre du peintre et graveur britannique. Comme plusieurs autres gravures de l’exposition, la lumière qui se reflète sur l’eau envahissante a la qualité d’une photographie.
En fin de parcours, on présente quatre lithographies de la série «Hommage à Goya» d’Odilon Redon. L’artiste français emprunte non seulement à celui à qui il dédicace son œuvre, mais aussi aux idées de Bresdin, Baudelaire, Flaubert, Poe et même au symbolisme hindou et à la mythologie classique. Cette diversité d’influences donnent lieu à des figures aussi originales que la créature hybride de «La fleur du marécage une tête est triste».
Au-delà de l’horreur, Le soleil noir de la mélancolie: Monstres inconscients, de Goya et Blake à Redon et Munch le voile sur la part d’obscurité de l’être humain à travers son imperfection, sa mortalité, sa solitude et le chaos de son existence et du sens qu’il lui donne.
À défaut d’y aller plus tôt, c’est une petite sortie toute indiquée pour la fête de l’Halloween!
L'événement en photos
Par Jean-François Brière
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de la rédaction