L'expo «Ragnar Kjartansson» au Musée d'art contemporain de Montréal – Bible urbaine

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L’expo «Ragnar Kjartansson» au Musée d’art contemporain de Montréal

L’expo «Ragnar Kjartansson» au Musée d’art contemporain de Montréal

Façonner le temps et l'espace

Publié le 17 février 2016 par Elise Lagacé

Crédit photo : Mathieu Pothier et Elisabeth Davids

A Lot of Sorrow (2013)

Dans les trois installations présentées au Musée d’art contemporain, la question du temps cyclique est largement débattue, réfléchie et entendue par ce grand spécialiste du brouillage des pistes et des genres. Sur l’écran de la première, une vidéo de six heures, «A Lot of Sorrow» présente le groupe américain The National qui exécute la chanson Sorrow (qui elle ne dure que 3 minutes 35 secondes) en boucle pendant six heures. Kjartannsson y est présent comme technicien pour nourrir et abreuver les musiciens. Au fil du temps que dure la performance, vont se modifier la pièce musicale et son exécution, mais elle demeurera toujours reconnaissable.

World Light – The Life and Death of an Artist, (2015)

Dans une deuxième salle, quatre écrans pointant vers les quatre points cardinaux se font face, et sur ceux-ci est projetée l’intégralité de 20 heures de tournage d’une pièce de théâtre filmée in situ, inspirée du roman de l’écrivain islandais nobélisé Halldór Laxness, «World of Light». On y raconte la quête parnassienne d’un artiste qui tend vers un idéal de beauté. Le père de Ragnar a lui aussi travaillé sur cette œuvre lors de trois mises en scène, le travail s’inscrit donc dans une continuité, une temporalité extérieure à l’installation elle-même.

The Visitors (2012)

Le clou de l’exposition (qui vaut à lui seul le déplacement) voit se déployer neuf écrans sur lesquels s’expose l’intimité de huit musiciens qui chantent tous la même rengaine à l’unisson, isolés dans des pièces d’un immense manoir. Dans chaque espace du manoir new-yorkais où a été tournée la vidéo de 64 minutes filmée en une seule prise, les acteurs-musiciens reliés les uns aux autres par des casques d’écoute racontent l’histoire de cet enregistrement par leur seule présence. Car il existe bien un récit qui se dévoile au fil des 64 minutes.

Si les deux installations précédentes, de par leur durée, ne sont pas propices à l’engagement du spectateur, on retrouve ici tout l’inverse. Le spectateur entre dans la salle, est intrigué, se questionne, circule, s’assoit, s’applique à voir et à écouter puis s’implique. Il serait dommage de trop décrire cette installation vidéographique au détriment du plaisir du spectateur. Les textes de présentation ne nous en disent que peu sur ce qui se déroulera et l’on entre de plain-pied dans l’expérimentation sans a priori et sans barrière.

Mais on peut, sans risque de gâcher le plaisir, souligner la fluidité et la paix qui émane des ensembles, alors que l’on se trouve confronté à ce qui n’est pas fait pour être montré, l’intimité. Celle des acteurs mais aussi la nôtre. Car justement, la décontraction des musiciens dont le «jeu» semble inexistant force sur le public un sentiment de voyeurisme et génère un amusant malaise. À la dérobée, les spectateurs s’observent dans leur expérimentation de l’œuvre.

C’est là que le titre prend son sens et nous renvoie vers nous-mêmes. Nous sommes les visiteurs, nous faisons partie de l’installation en participant à notre manière, par l’expérience que nous en faisons. La manière dont les ponts se construisent entre les écrans est tributaire des mouvements des spectateurs qui, tels des monteurs, créent leur propre montage de ce film qui se découvre strate par strate.

Un leitmotiv dont nous vous laissons le plaisir de découvrir la superbe finalité. Oui, attendez la 64e minute et surtout, n’attendez pas au 22 mai, car il y a fort à parier que vous voudrez retourner vous y baigner une seconde fois.

L’exposition «Ragnar Kjartansson» est présentée au Musée d’art contemporain de Montréal jusqu’au 22 mai 2016.

L'événement en photos

Par Mathieu Pothier et Elisabeth Davids

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  • L’expo «Ragnar Kjartansson» au Musée d’art contemporain de Montréal
    © Ragnar Kjartansson; Avec l'aimable permission de l'artiste, Luhring Augustine, New York, et i8 Gallery, Reykjavik. Photo : Elísabet Davids
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    © Ragnar Kjartansson; Avec l'aimable permission de l'artiste, Luhring Augustine, New York, et i8 Gallery, Reykjavik.

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