SortiesL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Jacques Robert @ Orchestre symphonique de la francophonie
Jean-Philippe, vous êtes le directeur artistique et le chef d’orchestre principal de l’Orchestre de la francophonie. Cet orchestre, que vous avez fondé depuis bientôt 20 ans, a subi de récentes transformations suite aux contraintes imposées par la COVID-19. Pouvez-vous nous en dire plus, et aussi nous partager comment cette vision vous est venue?
«Tout d’abord, il faut mentionner que s’il y a eu transformation, c’est avant tout d’adaptation qu’il faut parler. Retournons en février dernier si vous le voulez bien: les auditions viennent à peine de se terminer, les candidats retenus sont invités, et la programmation de l’été est presque complétée. Quelques journées ont passé et pof!, la COVID-19 est officiellement parmi nous. Et cette épidémie vient de mettre toute notre planification sur la glace. Qu’allons-nous faire? Seulement deux choix se détachaient du lot: tout annuler, ou bien trouver une alternative intègre pédagogiquement. La deuxième option m’intéressait plus! Surtout que je ne voyais pas comment annoncer à nos stagiaires que nous fermions boutique.»
«J’ai donc consulté des collègues professeurs, dont notre directeur pédagogique Pace Sturdevant, et rapidement nous avons imaginé une académie virtuelle maintenant une grande partie de nos cours via le Web. La vie étant pleine d’heureux hasards malgré toutes ces mauvaises nouvelles, une rencontre avec Maurizio Ortolani (que je connaissais comme le grand manitou de l’enseignement à distance au Centre National des Arts) début février m’est revenue à l’esprit et, tout de suite, j’ai eu envie de cogiter avec lui sur la faisabilité d’une version en ligne de l’OF et des coûts et ressources nécessaires. Il m’a confirmé que c’était possible, et notre administration a alors décidé d’aller de l’avant. Notre formidable (et tout nouvellement arrivée) directrice générale, Sylvie Rosenthal, a mis le cap sur cette nouvelle aventure et toute l’équipe a été stimulée. Ce qui est génial, c’est que l’intégrité de l’apprentissage sera au centre du développement de cette édition spéciale.»
En tant qu’orchestre symphonique, qui devient chaque année une académie orchestrale pour les jeunes musiciens professionnels, pourriez-vous nous dire comment vos trois grands axes (l’innovation, l’apprentissage et le partage) se sont transformés dans ce contexte d’activités pédagogiques?
«L’innovation est certainement au cœur de notre saison 2020: création de nouvelles plateformes web pour acheminer les cours en direct, lancement du site web revisité, et diffusion de contenu pour le grand public. Cet aspect de notre mission a été le centre névralgique de la conception de l’OF, édition pandémie, et il a été le fil conducteur de l’apprentissage de nos stagiaires. Classes de maîtres, cours individuels, classes de préparation aux auditions, concerts web, conférences en ligne et projets de transformation numérique ont été au menu de tant nos stagiaires que du grand public.»
«Pour ce qui est du partage, cette saison, c’est à distance, aux côtés des jeunes musiciens de Sistema Nouveau-Brunswick, et les stagiaires de l’OF ont même pu agir comme mentors. Aspect important de la mission de l’OF: tout le monde en sort gagnant en nouvelles amitiés, en nouvelles connaissances musicales, et humainement aussi.»
Quels ont été les plus grands défis de cette récente saison?
«Sans aucun doute celui d’apprivoiser tous les aspects technologiques entourant cette édition. Il a fallu s’assurer de la qualité sonore et visuelle, en plus de coordonner l’ensemble des différentes plateformes utilisées. Au départ, la distance nous séparant tous aurait pu sembler un défi en soi, mais ce fut vite oublié grâce à la qualité incroyable du corps professoral, des maîtres invités et des conférenciers.»
Et de quoi êtes-vous le plus fier alors que la saison 2020 se termine?
«Je suis tellement fier de nos stagiaires! Ils ont su être ouverts d’esprit, travaillants, généreux et humainement splendides! Certainement, c’est tout aussi grâce à l’équipe de l’Orchestre de la francophonie et les enseignants, qui auront offert le meilleur monde musical possible à ces jeunes.»
Croyez-vous que cette expérience a modifié positivement l’Orchestre de la francophonie, et ce, de manière définitive?
«Tout à fait. Et modifié est le terme exact. Tout ce nouveau programme en ligne demeurera avec nous et nous permettra, dans les prochaines années, de bonifier notre formation en mode «physique» par un prélude virtuel de deux semaines, et ce, afin de préparer l’arrivée des musiciens et de maximiser notre corps professoral. Et qui sait, pourquoi ne pas garder une présence annuelle et une offre pédagogique plus soutenue durant les moments hors-saison!»
«Parce qu’avant tout, il ne s’agissait pas de «se réinventer» ou de prendre un «virage numérique», comme c’est à la mode actuellement, mais d’évoluer, voire de bonifier en maintenant notre force principale: la musique qui rassemble des humains dans une même salle devant un public avec qui la communication directe ne pourra jamais être remplacée!»