«L’entrevue éclair avec…» Claire-Marine Beha, créatrice et réalisatrice du balado Sous la fibre – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Claire-Marine Beha, créatrice et réalisatrice du balado Sous la fibre

«L’entrevue éclair avec…» Claire-Marine Beha, créatrice et réalisatrice du balado Sous la fibre

Une immersion sonore sincère dans l'univers créatif des artistes en arts visuels

Publié le 28 janvier 2021 par Vincent Gauthier

Crédit photo : Christophe Joannides

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd’hui, nous avons jasé avec Claire-Marine Beha, une journaliste indépendante et aussi la créatrice et réalisatrice de Sous la fibre, un balado qui donne la parole aux artistes en arts visuels. On a jasé de son amour pour ce médium, de sa curiosité insatiable pour le sujet et du défi qu’est celui de lancer un balado... à l’ère des balados!

Claire-Marine, tu es la créatrice et réalisatrice de Sous la fibre, un balado qui offre la chance aux auditeurs de se plonger au cœur de l’univers d’un.e artiste en arts visuels afin d’en savoir plus sur sa démarche artistique. Qu’est-ce qui t’a motivée à te lancer dans le monde des balados? Parle-nous brièvement de ton parcours!

«Je suis journaliste indépendante et gestionnaire de contenus. Originaire des Alpes, j’ai vécu et fait mes études à Lyon, avant de m’expatrier à Toronto, puis à Montréal, en 2014. J’ai un intérêt très assumé pour les sujets sociaux et culturels, l’art de vivre, les arts visuels et le design notamment.»

«Ça aura pris environ deux ans avant que je fasse exister Sous la fibre ailleurs que dans ma tête. Je ne savais pas trop par quel bout commencer; j’avais complètement le syndrome de l’imposteur, mais j’étais convaincue que j’aurais du plaisir à donner la parole aux artistes visuels.»

«Je m’étais rendu compte, dans le cadre de mes fonctions journalistiques, que les entrevues avec les artistes visuels étaient celles qui me captivaient le plus. Elles me laissaient toujours inspirée et sur la piste de nouvelles réflexions. Je voulais donc rendre leurs voix, leurs mots et leurs idées accessibles à plus de gens encore!»

«J’adore écrire, et je continue de donner la parole aux artistes de cette façon sur mon site souslafibre.com, mais le format audio me semblait propice à une intimité plus riche encore. La voix d’une personne et la façon dont cette dernière se raconte et confie des bribes de sa vie nous en dit beaucoup sur ses émotions et intentions.»

«Éventuellement, j’ai pris mon courage à deux mains: je suis allé chercher quelques compétences supplémentaires et je me suis lancé officiellement à la fin de l’année 2019!»

Peux-tu nous brosser un portrait de ton quotidien et nous décrire tes diverses tâches, de l’idéation jusqu’au dévoilement d’un épisode? On est curieux de connaître les rouages de ton travail!

«Créer un épisode me prend plusieurs dizaines d’heures. Emphase sur *plusieurs*!»

«Malheureusement, je ne tire aucun revenu de Sous la fibre pour le moment, alors j’y consacre autant de mon temps libre que possible, selon mon énergie. Tout d’abord, c’est de façon intuitive que je sélectionne les artistes à qui je vais consacrer un épisode. Ça part souvent d’un coup de cœur à la fois artistique et humain; une ou plusieurs œuvres m’interpellent, les thèmes qui y sont abordés me semblent audacieux et intéressants, l’artiste veut partager sa vision, le premier contact est positif, etc.»

«J’essaie aussi de tendre mon micro à des voix que l’on entend moins. Une fois que l’artiste accepte, il y a bien sûr l’enregistrement dans son atelier; ma partie préférée! Je l’incite et l’aide à se confier en profondeur, à aborder les thèmes centraux de sa pratique et les sujets qui le ou la constituent en tant qu’artiste et humain. On prend le temps nécessaire pour se faire confiance mutuellement.»

«Juste avant de partir, je prends un portrait de l’artiste à l’aide de mon vieux Polaroid: ce sera le visuel de l’épisode. Puis vient la construction de l’épisode, le montage, la recherche des musiques, l’enregistrement de ma voix, etc. Ça, c’est long, intense et assez laborieux, mais je rentre vraiment dans une zone créative le fun où j’essaie de sublimer la voix de l’artiste et de concevoir une immersion sonore sincère et représentative de l’énergie du créateur ou de la créatrice. Ça m’arrive parfois de passer une journée entière à faire du montage sans m’arrêter!»

«Enfin, il y a la diffusion. C’est pas mal une job de gestion de communautés et de promotion. Je partage les épisodes à travers des images ou des vidéos sur les réseaux sociaux, je sélectionne aussi plusieurs œuvres des artistes invités.es et je prends également le temps de répondre aux messages des auditeur-ices, et je partage aussi chaque semaine mes suggestions artistiques, etc.»

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À gauche: Franco Égalité/Francorama. À droite: Marin Blanc

Et plus spécifiquement, pourquoi avoir choisi de te spécialiser dans les arts visuels? Dis-nous d’où part cette passion, en fait!

«Je pense que je suis surtout une grande curieuse. Ma quête de compréhension des autres est insatiable. J’adore lire, écouter des podcasts, des documentaires aussi, et c’est encore plus enrichissant quand on se confronte à des réalités très différentes des nôtres. Et quoi de plus diversifié que les arts?»

«Je suis persuadée que la culture nous permet de bâtir des ponts, d’abreuver notre esprit critique. Jusqu’à présent, mon projet ne fait que valider mes croyances, puisque les artistes qui sont passés à Sous la fibre ont abordé tellement de sujets universels: la santé mentale, le racisme, le courage, la résilience en temps de crise, le syndrome e l’imposteur, l’entraide, l’adoption, etc. Quand les auditeur-ices prennent le temps de m’écrire pour me dire qu’ils ont connecté avec les artistes grâce au podcast, c’est le plus doux des compliments.»

«Pour ce qui est de mon intérêt pour les arts visuels, depuis que je suis enfant, je me pose toujours mille et une questions lors de mes visites aux musées ou dans des galeries d’art! J’ai toujours envie d’interroger les artistes: pourquoi créent-ils.elles? Quelle est l’impulsion qui les mène à se donner corps et âme dans un sujet et un médium? Par qui et quoi sont-ils.elles influencé? Quels enseignements aimeraient-ils.elles nous offrir?»

«Par contre, je ne suis pas une spécialiste des arts visuels. Je laisse ça aux excellents travailleurs culturels qui font ça chaque jour, aux historien-nes de l’art, aux galeristes et aux autres expert.es du domaine. Je suis juste une journaliste qui a envie de donner plus de place aux artistes visuels en tant qu’individus qui témoignent de notre époque et qui pensent le monde. Je l’assume directement dans la présentation de mon projet: ce n’est pas un podcast qui parle juste aux initié.es, aux connaisseurs.»

«Oui, je questionne mes invité.es sur leurs techniques, leurs parcours, leurs projets marquants, parfois même leurs récompenses, mais je veux surtout me faire le porte-voix de leurs intentions, de leurs singularités et de leurs démarches.»

Ça doit être tout un défi, tout de même, de sortir un balado… à l’ère des balados! D’après toi, qu’est-ce qui fait la particularité de ton projet et qui permet à ce concept de se démarquer des autres déjà disponibles sur les plateformes d’écoute en ligne?

«Premièrement, ce sont des épisodes basés sur des conversations, mais pas dans un style conversationnel traditionnel. Je passe beaucoup de temps en postproduction où je coupe et colle les propos des invités afin de construire un récit le plus captivant possible et accompagné de mes narrations. Je pense donc que le style est un peu différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre.»

«Je voulais évacuer le small talk qu’on entend souvent dans les entretiens enregistrés, j’haïs pas ça, mais ça ne résonnait pas pour le concept que j’avais en tête. Deuxièmement, je suis très (trop) perfectionniste, et même si je suis toute seule à tout fabriquer, je choisis aussi les musiques et les ambiances sonores avec soin. Par chance, ma cousine est designer sonore et c’est elle qui a conçu la musique originale de l’émission, en plus de m’épauler pour le mixage!»

«Enfin, le dernier et principal atout est, selon moi, le pouvoir de l’intime qui se dégage des témoignages… Ça, c’est grâce aux artistes, par contre! Et en effet, c’est un défi de sortir un balado, notamment quand on est indépendant, sans producteur ni service marketing! Mais c’est assumé: je voulais être libre dans tous mes choix, construire moi-même et petit à petit ma communauté d’auditeur.ices, quitte à ne pas avoir d’énormes chiffres d’écoute au départ. Après un an, le bilan est vraiment positif!»

Si tu avais la chance d’interviewer un.e artiste visuel.le que tu admires lors d’un épisode de ton balado – qu’il ou qu’elle soit toujours vivant.e ou décédé.e –, et ce, dans le but évident de mieux comprendre ses intentions derrière ses œuvres, qui choisirais-tu, et pourquoi?

«Jean-Michel Basquiat. Il me fascine, m’émeut et m’intimide depuis toujours. C’est la violence vive qui émane de ses traits, des couleurs qu’il choisit, et des états dans lesquels il a pu peindre… Mais aussi toute la complexité de son identité, l’accomplissement d’être devenu l’un des artistes les plus célèbres du XXe siècle, alors qu’il a connu la précarité extrême. Il est décédé très jeune à cause de problèmes de consommation de drogues – et sans aucun doute de dépression – et trente-deux ans après son décès, on parle encore de lui; c’est devenu une icône.»

«Je trouve aussi qu’on a popularisé et «marchandisé» son travail (merci le capitalisme), en passant à côté de toute une panoplie de sujets sociaux qui l’ont touché directement, qu’il a abordés frontalement dans son art et qui sont sans doute moins vendeurs: la violence policière envers les personnes noires et racisé.es, les injustices systémiques, la pauvreté, le street art contestataire, la santé mentale, etc.»

«S’il était encore vivant, j’aurais adoré parler avec lui et essayer de démystifier l’artiste. J’ai toutefois fait une entrevue avec le photographe new-yorkais Richard Corman qui l’avait pris en photo en 1984… C’est mieux que rien!»

«Sinon, pourquoi ne pas retourner en 1930-1940 et jaser avec la peintre surréaliste américaine Dorothea Tanning, dont le travail a été très éclipsé par celui de son chum Max Ernst. Je l’aurais laissé s’exprimer et on aurait fait briller sa représentation du surréalisme à elle, pour une fois! Enfin, concernant les vivant.es, je préfère me laisser surprendre.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

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