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Crédit photo : Phile Deprez (à la une: Ode to the Attempt)
«BIS», un corps vulnérable aux yeux de tous
Chorégraphié pour Truus Bronkhorst en 2012, ce premier solo puissant de trente minutes est venu surprendre le spectateur dès le départ; une entrée très fracassante de l’interprète accompagnée d’une musique assourdissante. Comme le calme après la tempête, un souffle de soulagement de la part des spectateurs une fois le silence installé dans la pièce. Devant nos yeux, un corps fort et fragile à la fois, un visage charismatique et chargé d’émotions, la mise à nu d’une âme habitée par ses démons et ses combats.
«Bis est l’œuvre la plus sombre de Jan Martens», sous l’œil du chorégraphe et des spectateurs, la danseuse nous partage ses cris de douleurs dans un justaucorps qui laisse paraître ses formes, déposant l’auditeur comme s’il était un voyeur. Ses gestes minimalistes suffisent à garder l’intensité de ses mouvements.
En passant par une course effrénée à des envolés de bras hypnotisant, les états de corps changent passant d’une dynamique à l’autre. De très engagée à un corps plus léger laissant transparaître la douleur du fond de sa gorge, elle nous soumet son combat contre elle-même.
Elle se tient-là, debout sur sa chaise, dans une telle simplicité et neutralité qui la rende si touchante.
Jan Martens joue avec la création sur l’imperfection, en travaillant sur ce type de corps qu’il n’est pas habituel de voir sur scène; il crée tout un état de fascination envers ce corps et cette personne qui amène de l’indulgence et une certaine forme de douceur. Cette douceur dans le corps et dans l’interprète est en contraste avec le côté violent et agressif de la pièce, qui se définit par d’autres médiums, comme la musique qui oppresse, ou encore par la scénographie, avec des mots écrits à la craie qui peuvent être vus comme une sorte de démence ou un appel à l’aide.
«Ode to the Attempt»: treize tentatives de connexion avec un public
Comme dans chacune de ses pièces, Jan Martens laisse une grande place à l’observation, l’appréciation et la réflexion du spectateur. Ce solo qu’il interprète lui-même, dévoile sans pudeur et en toute authenticité, une partie de son intimité. Il laisse le pouvoir au spectateur de le juger, de l’analyser, de rentrer dans une partie son existence. On retrouve dans ce solo, un danseur à l’aspect ironique, mais aussi touchant par son côté naturel et véritable.
Le concept scénographique est simple et permet encore une fois de former une certaine proximité avec le spectateur comme si nous étions chez Jan Martens et qu’il se tenait là, assis en face, à nous parler de tout et de rien à la fois, nous présentant des photos tout en écoutant de la musique. L’interprète chorégraphe est assis sur une chaise, devant son ordinateur portable, dont l’écran est projeté sur le mur du fond de la scène. Il se met à présenter ce solo en treize étapes, comme s’il donnait une conférence sur lui-même.
Il va chercher à créer des liens avec le public en essayant de le provoquer, de le faire rire, de le faire réfléchir, de l’attendrir, de le surprendre, de le rendre mal à l’aise… Par ces treize «tentatives», le public passe par treize états différents.
C’est comme une relation de jeu entre les deux interlocuteurs, Jan Martens et son public, qu’il manipule à sa manière, le rendant observateur et à la fois acteur de ce qu’il se passe sur scène. Le chorégraphe se sert de cette relation pour modifier sa pièce, puisqu’à chaque représentation elle n’est pas exécutée de la même manière.
Au niveau sonore, rien de plus simple que de la musique que Jan Martens gère depuis son ordinateur qui se situe sur scène. Il est concepteur lumière également, car c’est lui-même qui gère l’éclairage de la salle, en passant par la luminosité au sein du public à une partie de la scène. Il devient également l’homme à tout faire en étant interprète, chorégraphe, technicien et pourrait-on dire aussi présentateur. Cette simplicité et originalité sont efficaces. Il se dévoile à nous dans son intimité.
Cette pièce pourrait donc nous amener à nous questionner sur la pression qu’exerce le public face à l’artiste vulnérable qui se situe en face de lui. Le public aurait-il des attentes concernant le spectacle?
Par ces deux représentations, Jan Martens a su faire passer le spectateur par différentes émotions tout en restant simple et honnête. C’est cette vérité et cette honnêteté qui rendent ces histoires plaisantes et finalement pleines de douceur.
Son côté imparfait rend l’artiste unique et étonnant.
«BIS» et «Ode to the Attempt» de Jan Martens en images
Par Anna Van Kooij (Bis) et Phile Deprez (Ode to the Attempt)