«Le Petit Prince» au TNM: un voyage au coeur de l’innocence

Sans attente particulière, je me demandais comment le TNM et l’Orchestre Métropolitain feraient pour réinventer un classique aussi intemporel. Du haut de mes 25 ans, c’est avec naïveté et allégresse que j’ai été à nouveau charmée par l’œuvre ayant bercé mon enfance.

Comment peut-on rester indifférent face à la sensibilité du Petit Prince? Sous l’apparence d’un conte pour enfants, l’adaptation se veut en fait une remise en question du monde moderne, communément appelé celui des «grandes personnes».

Malgré les limitations occasionnées par la pandémie, les deux institutions ont su démontrer une fois de plus que l’art peut s’adapter à n’importe quelle situation, aussi exceptionnelle soit-elle. En effet, la mise en scène de Sophie Cadieux, haute en couleur, transporte le spectateur d’une planète à une autre, jusqu’à ce qu’il se perde dans l’immensité de la galaxie.

Quant à la direction bien singulière de Yannick Nézet-Séguin, elle rend hommage de belle façon à la création musicale d’Éric Champagne, l’un des compositeurs les plus en vue de sa génération. Cette fois-ci, c’est le jeu de lumière flamboyant et le montage vidéo original qui m’ont le plus séduite durant mon visionnement. La qualité de l’image et du son ont contribué à faire du Petit Prince une performance artistique réussie.

À la fois poétique et philosophique, l’œuvre de Saint-Exupéry rappelle la bêtise humaine en cette époque déroutante que nous vivons tous actuellement. Après un écrasement d’avion, le pilote, interprété par Jean Fayolle, entame un long dialogue avec le Petit Prince, joué par Renaud Lacelle-Bourdon. À travers le récit, on suit le jeune garçon qui vagabonde entre différentes planètes, représentant chacune une facette unique de notre humanité. Ces rencontres singulières recèlent des subtilités et provoquent, de façon implicite, des réflexions intimes.

J’ai particulièrement adoré la rencontre poignante entre le personnage principal et l’artiste, incarné par Benoît Brière, seul habitant de sa planète, qui réclame toujours plus d’applaudissements. Hormis cette scène qui en dit long sur l’avarice humaine, le personnage du businessman, qui ne fait que calculer des chiffres toute la journée, amène une réflexion intéressante sur la société de performance.

Les dialogues, simples et dépouillés, agissent comme une plume à l’oreille. En effet, Sophie Desmarais, dans le rôle du renard, réapprend à une audience complète la signification du verbe «apprivoiser», une tâche ambitieuse qui requiert beaucoup d’humilité.

Ainsi, la pièce nous invite sagement à retrouver notre enfant intérieur.

Étant simplement assise dans mon salon, sans attentes particulières, je ne pensais pas que j’allais redécouvrir un classique de mon enfance à ce point-là! Après Pierre et le Loup, la programmation automnale du TNM continue de me surprendre et s’adresse d’ailleurs à toutes celles et ceux qui souhaitent réfléchir sur les dérives de notre monde, tout en s’offrant un divertissement artistique de qualité.

J’espère que la prochaine adaptation originale du roman de Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés, nous réservera de belles surprises également! Après un franc succès à Avignon et à Paris en 2018, le TNM propose, dès le 17 novembre prochain, la mise en scène intime de Lorraine Pintal, pour célébrer une œuvre marquante du répertoire québécois.

C’est un autre rendez-vous!