La Saguenéenne Marcie et le Suisse Marc Aymon au Cabaret du Lion d’Or – Bible urbaine

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La Saguenéenne Marcie et le Suisse Marc Aymon au Cabaret du Lion d’Or

La Saguenéenne Marcie et le Suisse Marc Aymon au Cabaret du Lion d’Or

Énergie brute

Publié le 13 novembre 2013 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Louis-Charles Dumais

Pour avoir jumelé la fougue contenue d’une Québécoise inspirée par Brel et le dynamisme assumé d’un Suisse qui a traversé les États-Unis pour jouer de la musique, les organisateurs du 27e Coup de cœur francophone peuvent être fiers de leur coup. C’est une soirée aux influences et aux sonorités diverses qui a eu lieu au Cabaret du Lion d’Or hier soir, grâce à deux artistes engagés dans leur musique et passionnés par la scène.

Toute de noir vêtue, Marcie s’est bien positionnée devant son micro, les deux pieds bien ancrés mais les bras tels des électrons libres, pour interpréter d’abord «Sous le réverbère», pièce qui ouvre son premier album homonyme. Elle offrait mardi son premier spectacle en formule band depuis un bon moment, puisqu’à la suite de la sortie de l’album, en mai dernier, Ludo Pin et elle ont sillonné le Québec en formule duo.

Avait-elle perdu l’habitude de ce genre de spectacle, ce qui expliquerait le blanc de mémoire qu’elle a eu après seulement quelques strophes de «Poème», devant arrêter la musique pour tenter de se souvenir? Qu’à cela ne tienne, l’adorable façon dont elle s’est reprise, avec humour, a parfaitement sauvé la mise et elle n’a pas baissé les bras, recommençant la chanson, quitte à compléter certaines phrases par des «lalala». «Ça m’apprendra à écrire des chansons qui commencent par ‘‘J’écris pour oublier’’!» a-t-elle lancé, avec un sourire, faisant rire les spectateurs qui lui avaient déjà tout pardonné.

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Mais ce qui ajoute au charme indéniable de Marcie, outre ses prises de paroles d’une timidité comique, c’est certainement sa façon théâtrale d’incarner ses chansons. Avec de si bons musiciens pour la supporter – Ludo Pin (guitare électrique, ukulélé), Mathieu Vézio (batterie, ukulélé baryton) et Simon Dolan (basse, contrebasse) –, l’auteure-compositrice-interprète peut laisser de côté sa guitare et se concentrer sur son interprétation. Faisant aller ses bras allègrement au gré de l’émotion et des escalades d’intensité de la musique, Marcie est belle à voir aller, notamment pendant l’électrique «Une rose». De plus, en prenant le micro dans ses mains pour «Fais-moi pleurer», Marcie s’est donné la liberté de bouger autre chose que ses bras, pour une fois, ce qui lui a servi à vivre sa chanson comme jamais auparavant.

Si certaines pièces comme «Avant l’aube» ont semblé encore un peu prises dans leur cadre rythmique bien établi, empêchant la chanteuse de trop déroger de la voie habituelle, d’autres, au contraire, ont montré une Marcie plus mature et plus en contrôle de sa voix, de ses émotions et de ses mouvements, et qui pouvait se permettre davantage de libertés dans son interprétation. Ce fut le cas lors de «Prends garde aux sirènes», durant laquelle de nombreuses subtilités vocales ont pu être entendues, allant même jusqu’à changer la ligne mélodique d’un couplet entier, jouant dans les tonalités, et modifiant les notes qu’on peut entendre sur l’album.

Dans les autres belles surprises que Marcie a réservées au public du Coup de cœur francophone, notons l’apparition de «Pluie d’automne» dans sa liste de morceaux, une pièce issue de son EP Les choses de la vie selon Marcie qu’elle ne joue habituellement pas en spectacle. De plus, la reprise de «Dans la maison où j’ai grandi», originalement en italien mais chantée dans la version de Françoise Hardy, aura donné des frissons à plus d’un, avec la musique minimaliste pour accompagner la douce voix de l’artiste.

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Mais le clou du spectacle – véritablement, car il s’agissait du numéro de rappel – a été sa reprise de «Sous le réverbère» en allemand! Inspirée par les chanteurs des années 60 qui, c’était la mode, traduisaient leurs chansons en allemand («Tous les garçons et les filles» de Françoise Hardy est ainsi devenue «Peter und Lou» ou «Pierre et Louise»), Marcie a fait traduire sa propre pièce dans la langue des frères Grimm. Chantée pour la toute première fois devant public, la version allemande s’est avérée plus sentie, seule à la guitare, qu’avec les sonorités électriques du groupe.

Le morceau le plus réussi du spectacle aura toutefois été celui qui a suivi «Pluie d’automne»: «Parlant d’automne, voici ‘‘Novembre’’». Dans une ambiance intime semblable à celle audible sur l’album, c’est seule avec Simon Dolan et sa  contrebasse sur laquelle il frottait de sublimes longues notes graves que Marcie a offert une performance à l’image de ce qu’elle est et de ce qu’elle a démontré tout au long de cette soirée au Cabaret du Lion d’Or: sensible, incarnée, passionnée et bouleversante.

Marc Aymon

Accompagné de Sacha Ruffieux à la guitare électrique et de Nicolas Pittet à la batterie, c’est un Marc Aymon confiant qui est entré sur scène, débutant ce concert de façon percutante avec «Vendre son âme au diable» (L’Astronaute, 2006). Présentant une chanson pop-rock à la jolie poésie, Aymon a autant chanté «Nous qui étions si fiers d’être différents d’un monde qui tourne un peu de travers» que «Quelques litres d’acide sulfurique, c’est toujours pratique», preuve que l’artiste d’origine suisse a l’imagination fertile mais la plume aguerrie.

«J’ai toujours cru que j’étais un mec dépressif dans la vie, et un jour, quelqu’un m’as dit ‘‘T’es le mec le plus marrant que je connais!’’ Ça change ta vie ça!», s’est exclamé Marc Aymon lors de ses rares interventions auprès du public. Le public a ainsi pu voir le côté comique du chanteur à quelques reprises durant la soirée, comme lors de «Le coup parfait» (Un amandier en hiver, 2009), un duo habituellement avec Mr. Roux, mais cette fois-ci chanté seul. Sa chanson écrite pour sa copine, qu’il avait d’abord  intitulée «La planche à repasser» – «Ce titre est nul, j’en veux un autre!» aurait été sa réaction – mais qu’il a modifiée pour qu’elle devienne «Le Ballon», a également fait rire l’audience avec des paroles comme «T’aurais le ventre tellement rond que si tu jouais de l’accordéon, ce serait plus possible».

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Mais ce qui frappe surtout chez Marc Aymon, c’est son énergie. Se promenant sur scène constamment, balançant son corps au rythme des coups de plectre qu’il porte à sa guitare, il possède dans son répertoire de nombreuses chansons entraînantes qui ont pu être entendues mardi, dont «Adolescent», durant laquelle sa performance était si incarnée qu’il en criait presque les paroles. «Un amandier en hiver», livrée dans une interprétation sentie et habitée, a aussi présenté une belle finale instrumentale où la guitare électrique de Ruffieux et le rythme inhabituel mais captivant de Pittet à la batterie se sont joints à la guitare acoustique d’un Aymon déchaîné. Mais la plus intense des interprétations est sans contredit «Je voudrais pas crever», durant laquelle il s’est emporté en listant ce qu’il ne voudrait pas manquer de faire et de voir avant de mourir, ce qui a donné un numéro poignant, malgré la voix qui tremblait par moments.

Des ambiances plus planantes ont également pu être entendues, et des pièces plus senties ont aussi ponctué la soirée, comme la reprise de «L’herbe tendre», de Michel Simon et Serge Gainsbourg, et son adaptation du poème de Guillaume Apollinaire, «Si je mourais là-bas», qu’Aymon qualifie de «la chanson la plus tendre du monde». Increvable, l’artiste suisse a clôturé son spectacle avec un numéro unplugged au milieu de la foule, seul avec sa guitare, après avoir interprété pas moins de quinze pièces. Ce faisant, il a certainement démontré qu’il possédait une énergie hors du commun, faisant participer la foule à quelques reprises durant la soirée, leur criant même «On se réveille!», sans doute pour bien préparer la venue de sa collègue Marcie qui visitera son pays, la Suisse, au printemps prochain.

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