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Crédit photo : Melika Dez
L’expérience commence dès l’arrivée en salle: le Théâtre Maisonneuve est transformé en un espace plus intime, où des gradins montés sur scène rapprochent le public de l’action. Les interprètes occupent déjà le plateau délimité par des toiles de projection, prêt.e.s à partir le bal.
Peu à peu, l’intensité augmente. Les états de corps s’affirment et s’emballent, mus par une force invisible.
On remarque rapidement que chaque artiste arbore ses propres couleurs et les fait vivre pleinement. L’œuvre semble conçue pour que les individualités cohabitent et se mettent en valeur les unes et les autres. Bien que cet aspect constitue une force de la composition, il vient ajouter une pointe de chaos à certains passages.
On ne saurait croire si la confusion est intentionnelle ou accidentelle. Cela dit, ces accrocs sont brefs et on les oublie facilement.
L’effet du témoin
L’interdisciplinarité au sein de l’œuvre est rafraîchissante. L’utilisation de projections vidéo sur les trois toiles entourant la scène, ou encore l’emploi de théâtralité et d’humour vient renouveler le propos dont il est question, à savoir «l’effet du témoin» ou «Bystander effect». En effet, plusieurs types de témoins sont suggérés à travers la création: le témoin qui imite, celui qui ignore, le témoin complice, celui qui résiste… toutes des variations laissées libres à l’interprétation des spectateur.ices. En effet, le sens de chaque «rôle» de témoin peut varier selon les perceptions, enrichissant ainsi la réflexion sur le thème.
Et dans tous les scénarios, on assiste à la relation de cause à effet que les actions des témoins entraînent. Il est important de mentionner que la mise en mouvement de la thématique demeure écartée du cliché, ce qui est louable si on considère le risque impliqué lorsqu’on aborde un sujet issu du concret.
Le rythme de la pièce fait montre d’un agréable flux de progression. Les tableaux mutent vers d’autres et transportent le public avec eux, créant un effet de vague enveloppant. Quelques longueurs s’immiscent et étirent un peu trop certains d’entre eux, mais on apprécie tout de même l’intention d’amener une idée jusqu’au bout.
Il est important de souligner l’implication des interprètes. L’investissement de Nindy Banks, Ja James «Jigsaw» Britton Johnson, Jaleesa «Tealeaf» Coligny, Kosisochukwu «Kosi» Eze, James-Lee «Kiddy» Joseph, Christina «Hurricane Tina» Paquette, Alexandre «Bibiman» Philippe-Beaudoin et Elie-Anne «Rawss» Ross captive et émeut.
On les sent dans l’incarnation et non dans la démonstration de l’œuvre qu’iels portent.
En bref
La Probabilité du Néant explore la thématique du témoin dans une création alliant à la danse une touche d’effets visuels et de théâtre. Avec sensibilité et intelligence, on aborde un sujet sérieux sans lourdeur, mais sans légèreté non plus.
Landé a visé juste en trouvant un sweet spot permettant au public d’accueillir l’œuvre sans y résister. Elle invite par la bande à l’introspection: quel genre de témoin êtes-vous?
L'avis
de la rédaction