Killer Mike et El-P de Run the Jewels au Métropolis de Montréal

Sans attendre plus longtemps, Killer Mike s’attaque tout de suite à «Talk to Me», le premier extrait de l’excellent Run the Jewels 3, sorti le jour de Noël. Il n’en fallait pas moins pour ravir le public, qui connaissait déjà les paroles. À ses côtés, le rappeur et producteur El-P, plus effacé, canalise bien l’énergie du duo.

Après l’accrocheuse «Legend Has It» et la très dansante «Call Ticketron», les deux comparses ont ressorti des morceaux de Run the Jewels 2, qui s’est imposé dans les dernières années comme un chef d’œuvre du hip-hop contemporain. «Oh My Darling (Don’t Cry)» a littéralement enflammé le parterre, qui contrastait avec les spectateurs plus loin, lesquels semblaient un peu endormis.

D’ailleurs, on n’a pas senti que la foule montréalaise affichait autant d’énergie qu’elle aurait pu. Killer Mike et El-P, normalement en fusion avec leur public, semblaient quelque peu sur le pilote automatique par moments. Les interactions étaient rares et, même si l’énergie et le savoir-faire y étaient, on a déjà vu le duo plus mordant sur scène, notamment lors de leur passage à Osheaga en 2014.

Après une très bonne prestation de «Nobody Speak», le morceau qu’ils ont enregistré avec DJ Shadow l’an dernier, le duo a enchaîné quelques pièces un peu moins réussies de leur récent album. Ainsi, «Don’t Get Captured» et «Panther Like a Panther» sont un peu tombées à plat. Heureusement, le très bon morceau «Akinyele (Love Again)», issu de Run the Jewels 2, a ravivé la flamme, et l’apparition de Gangsta Boo sur scène pour entamer son verse sur le morceau a enchanté la foule: «Pussy is power!», a lancé la rappeuse à la fin du morceau, pour ensuite se lancer dans un discours féministe fort bienvenu.

Pince sans rire, El-P a profité du moment pour faire une annonce-choc: il quitte Run the Jewels pour faire des performances de slam dans des cafés locaux. La boutade n’a pas semblé faire rire la foule autant qu’il l’aurait espéré, mais c’était tout de même bien tenté. Heureusement, le duo avait plus d’un tour dans son sac et nous réservait ses meilleurs morceaux pour la fin: «Lie, Cheat, Steal» est celui qui aura le plus fait réagir, le public ne se faisant pas prier pour chanter le refrain avec le duo. Puis «Early», plus tranquille, a habilement mis la table pour l’irrésistible morceau «Run the Jewels» du premier album, qui aura été le moment climax du spectacle.

Après un rappel qui n’en était pas vraiment un (la foule n’aura pas eu le temps d’en réclamer un avant que Run the Jewels ne revienne sur scène), on a eu droit à l’excellente «Close Your Eyes (And Count to Fuck)», et il ne manquait que Zack de la Rocha (le chanteur de Rage Against the Machine) pour être entièrement comblés. Par la suite, Killer Mike s’est attaqué aux premiers vers de «Down» , le très bon morceau d’ouverture de Run the Jewels 3, pour conclure la performance, tandis que la plupart des spectateurs commençaient à récupérer leur manteau au vestiaire.

Au final, le duo aura offert un spectacle assez court d’à peine 90 minutes, rappel inclus, ce qui aura peut-être été décevant pour plusieurs, alors qu’il manquait certains moments d’énergie brute qu’on retrouve sur les albums du duo. Il manquait de moments coup-de-poing pour les amateurs de crowdsurfing ou de moshpits. Une pièce comme «Banana Clipper» aurait été parfaite pour ce faire.

Malgré cette performance somme toute assez sage, on ne peut qu’admirer tout le savoir-faire technique de El-P et Killer Mike, deux rappeurs d’expérience au flow diablement efficace. Ce n’est toutefois pas avec ce passage à Montréal qu’un néophyte de Run the Jewels aura su saisir toute l’essence et toute la magie de cet excellent duo.