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Crédit photo : Mathieu Pothier
Les petites scènes… quelles petites scènes?
Ceux qui aiment arriver tôt sur le site d’Osheaga ont sans doute constaté à quel point les petites scènes se confondent avec les plus grandes.
Pendant que le groupe canadien Monowhales réchauffait la journée avec son rock énergique devant une foule éparse et peu attentive sur la Scène de la Montagne, un groupe pas mal impressionnant de festivaliers s’était réuni devant la plus petite Scène des Arbres pour entendre Pierre Kwenders.
«Wow, vous êtes vraiment nombreux!» a lancé d’emblée l’artiste québécois né à Kinshasa.
Visiblement très heureux d’être là, Kwenders ne s’attendait certainement pas à attirer autant de monde. L’artiste a fêté ça avec des mouvements de danse sensuels et, surtout, une énergie hautement contagieuse.
Venu nous interpréter des chansons massivement tirées de son nouvel album José Louis and the Paradox of Love, dont «L.E.S.» et «No, No, No», l’auteur-compositeur a littéralement transformé la Scène des Arbres en party afropop et bigarré, où tous dansaient sans aucune gêne ni complexe.
Parions que l’artiste a su gagner quelques adeptes au passage!
Bref, mission accomplie, en ce qui le concerne.
Sampa the Great: une rappeuse à mettre sur votre radar
Après le Congo, c’était à la Zambie d’être à l’honneur avec Sampa the Great et ses (excellents) musiciens.
D’ailleurs, si vous ne la connaissez pas encore, je vous invite à bien retenir son nom, car on n’a certainement pas fini de la voir passer.
Les amateurs de hip-hop ont pu s’en rendre compte lors de son spectacle sur la Scène de la Vallée en fin d’après-midi.
Première artiste zambienne à jouer à Osheaga, la rappeuse à la voix rauque et au flow ravageur a offert une grosse performance aux festivaliers, malheureusement pas si nombreux (probablement massivement parti entendre Tove Lo qui s’exécutait en même temps sur la Scène de la Rivière).
Tant pis, ceux-ci n’ont pas boudé leur plaisir avec ses morceaux «ENERGY», «Final Form» et, surtout, son excellente reprise de «Fugee-La» des Fugees qu’elle a dédié à Lauryn Hill, l’une de ses idoles musicales.
Une belle dose de body positivity avec Tove Lo
Comme de fait, une foule plutôt dense s’était agglomérée devant la Scène de la Rivière pour voir l’auteure-compositrice-interprète suédoise y fouler les planches.
À 16 h 05 précise, celle qui milite pour le mouvement de body positivity sur les réseaux sociaux est arrivée, resplendissante de confiance dans son haut de bikini scintillant et ses jambières westerns étoilées, pour entonner les paroles de «Bikini Porn» sous les acclamations de la foule.
Elle a ensuite enchaîné ses succès (qui cumulent, cela dit, plusieurs dizaines et parfois même des centaines de millions d’écoute!) comme «Glad He’s Gone» et «Cool Girl».
La chanteuse nous a également fait cadeau de sa toute récente chanson «2 Die 4», sortie il y a tout juste quelques semaines, où elle échantillonne «Popcorn», un hit des années 1970 de Hot Butter, ce qui amène une dimension eurodance à sa musique.
Cela va sans dire, ce nouveau son, plus complet que ce à quoi elle nous a habitués, lui sied à merveille, et elle semble avoir pris un véritable plaisir à ramener des vibes de la bonne vieille Tecktonik sur la piste de danse.
Toujours en pleine possession de ses moyens, elle a même devancé le nip slip qui se préparait sournoisement en pleine performance de «Talking Body» en soulevant carrément son bikini. No biggie! De nombreux autres crop tops, bikinis et autres gaminets se sont levés, faisant de cette performance un festival des auréoles émancipées, du disco tits à son meilleur.
Sa performance s’est terminée avec Habits, de loin sa plus populaire, et No One Dies From Love, un single paru récemment.
Pour sa troisième présence à Osheaga, Tove Lo a livré une solide performance énergique, un brin provocatrice et, surtout, émancipatrice.
Men I Trust: de la dream-pop et un peu de fraîcheur
De l’autre côté du site, le groupe montréalais Men I Trust livrait une performance beaucoup posée sur la Scène Verte.
Fraîchement imbibée de l’énergie de Tove Lo, je me suis frayé un chemin pour voir ce qui se tramait de l’autre côté du Chemin du Tour de l’isle. L’ambiance y était beaucoup plus chill avec la dream-pop bien groovy d’Emmanuelle Proux, Jessy Caron et Dragos Chiriac.
Le trio a charmé la foule avec ses pièces «Sugar», «Show Me How», et «Tailwhip», notamment. Leur performance un peu minimaliste, jumelée aux mélodies plus smooth de leur répertoire, a résulté en un spectacle un peu monotone, mais ponctué de solos de guitare impressionnants qui ont valu de nombreuses acclamations et sauvé la mise.
Les membres de Men I Trust ont néanmoins charmé la scène secondaire, se trouvant dans leur élément avec la végétation et une ambiance plus fraîche et détendue.
Les prouesses de Jessy Caron à la guitare et à la basse, jumelées aux talents de Proulx et aux drums de Dragos, font de leur musique une signature unique.
C’est à ajouter à votre liste de lecture des journées chill d’été, sans aucun doute!
Arkells: parfait pour les festivals
Juste après Bleachers, un autre groupe qui proposait des chansons taillées sur mesure pour les festivals, c’était au tour de la formation canadienne Arkells de reprendre le collier.
Roulant sa bosse depuis 2006, le groupe ontarien a su, après six albums, gagner un lot d’adeptes fort respectable au fil des années.
Leur plus récent long jeu Blink Once et sa suite Blink Twice (à paraître bientôt) étaient d’ailleurs à l’honneur sur scène avec des morceaux comme «Past Life», «Reckoning» ou «Years in the Making». Mais Arkells n’avait pas oublié ses anciennes chansons, puisqu’il a proposé quelques morceaux tirés de son album High Noon (2014) tels que «11:11» ou «Leather Jacket».
Ça ne réinventait rien, mais ce fut une performance agréable qui a ravi un bassin assez impressionnant d’adeptes qui connaissaient chacune des paroles.
Une belle façon de terminer l’après-midi!
Freddie Gibbs n’aime pas la police
Et ce n’est pas une façon de parler.
Le rappeur originaire de l’Indiana veut vraiment que vous sachiez à quel point il n’est pas un partisan des forces de l’ordre (c’est définitivement un euphémisme de le dire comme ça!)
En effet, si j’avais eu à boire un shooter chaque fois que le rappeur a lancé «Fuck police» après chaque chanson, j’aurais sans doute fait un coma éthylique (et je me serais probablement ruiné avec le prix exorbitant de l’alcool sur le site!)
D’ailleurs, parlant d’alcool à prix déraisonnable, j’ai aperçu Les Louanges se prendre une Coors Light pendant la prestation de Freddie. Je me demande s’il doit payer 10 $ + taxes et pourboire, lui aussi.
Mais revenons-en à la prestation de Freddie Gibbs.
Ce dernier a laissé son DJ réchauffer la foule avec plusieurs classiques old school de hip-hop, puis il s’est exécuté au micro, interprétant notamment plusieurs morceaux tirés de ses albums collaboratifs avec Madlib («Fake Names» et «Thuggin’», pour ne nommer que celles-ci).
C’était correct, mais pas vraiment mémorable. Et encore maintenant, en écrivant ses lignes, je me demande encore ce que foutaient les deux personnes qui restaient immobiles derrière Freddie sur scène (son entourage, peut-être?)
Mais bon, au moins le message est passé: Freddie Gibbs n’aime pas la police. Tenez-vous-le pour dit!
Pendant ce temps, dans un tout autre registre, la chanteuse nippo-américaine Mitski s’exécutait sur la grande Scène de la Montagne.
Mits…qui? MITSKI. M-I-T-S-K-I!
Et ce fut enfin le tour de Mitski! L’auteure-compositrice-interprète américaine d’origine japonaise a foulé la Scène de la Montagne où l’attendait ses fans pour le moins fébriles. L’artiste, qui s’est éclipsée de la sphère musicale entre 2018 et 2021, a fait son apparition dans son style éclaté qui allie ses deux cultures.
Elle a ouvert son spectacle avec «Love Me More», le single de son plus récent album. Du gros indie-rock interprété avec des mouvements de danse inspirés du butō, une danse née au Japon dans les années 1960.
En tout cas, la précision et la puissance de la chorégraphie de Mitski allaient de pair avec l’énergie de ses musiciens, qui étaient prêts à casser la baraque!
Elle a enchaîné avec «Working for the Knife», nous offrant des mouvements de danse à la fois sensuels et assumés avec son micro. Décidément, il y a un vent d’émancipation de la sexualité et du corps féminin sur le site d’Osheaga cette année et cela fait du bien à voir!
Avec un contrôle parfait sur sa voix, la chanteuse a livré une performance au pacing parfait et qui était théâtrale à souhait, avec l’énergique «Washing Machine Heart» et «Nobody».
De longs silences entrecoupaient ses pièces, où elle semblait se recueillir pour mieux incarner son art dans toute sa splendeur.
J’avais eu vent des performances impressionnantes de Mitski, et quel bonheur de découvrir une telle artiste en live!
On m’avait vanté son talent, et je n’ai pas été déçue.
slowthai: quelques moshpits et un gros conflit d’horaire
Qui dit Osheaga dit parfois conflits d’horaire. Et cette année n’y fait évidemment pas exception.
Initialement prévue à 17 h 30 sur la Scène de la Vallée, la prestation du rappeur slowthai a été déplacée à 19 h 05, créant ainsi un conflit d’horaire avec la formation Khruangbin qui s’exécutait à 19 h 35 à l’autre bout du site.
Heureusement, la nouvelle configuration du site d’Osheaga permet de se déplacer avec fluidité d’une scène à l’autre en moins de 10 minutes! Ainsi, malgré les conflits d’horaire, je n’ai raté aucun début de concert. Ce n’était pas le cas il y a quelques années…
Chapeau bas aux organisateurs, la différence est vraiment notable cette année!
Mais puisqu’il faut tout de même faire des choix, j’ai dû rater la majeure partie de la performance du rappeur anglais. Je n’ai donc pas pu le voir interpréter la très accrocheuse «feel away», ni brasser la cabane avec «Doorman» (de loin son morceau le plus connu et agressif). J’ai néanmoins pu avoir un bon avant-goût de ce que le jeune prodige du rap pouvait nous offrir sur une scène.
Contrairement à Freddie Gibbs, qui le précédait sur la scène voisine, slowthai n’a pas attendu une seule seconde avant de partir la machine. Sans DJ ni entourage pour l’accompagner, le rappeur de 27 ans est demeuré seul sur scène, ce qui ne l’a pas empêché d’animer la foule pour autant en entamant coup sur coup «ENEMY», «45 SMOKE», «MAZZA» et «Psycho», qui a particulièrement enflammé le public.
Flanqué de bobettes aux couleurs du drapeau anglais et d’un chandail antinazi qu’il enlèvera après seulement deux minutes de prestation, le rappeur rebelle et rentre-dedans n’a pas eu beaucoup de difficulté à causer de petits moshpits près de lui.
Et je présume que ça devait se pousser pas pire pendant «Doorman»!
Pendant ce temps, j’étais cependant déjà parti pour l’un des clous de la soirée: le concert de Khruangbin.
Khruangbin: un cr*** de bon spectacle
S’il y avait bien un set que je ne voulais pas manquer, c’était bien celui de Khruangbin. Et visiblement, je n’étais pas le seul: des milliers d’autres festivaliers (dont la comédienne Julie Le Breton) ne voulaient pas rater ça non plus.
Rien d’étonnant quand on sait à quel point ce trio originaire du Texas bénéficie d’une popularité plus que méritée depuis quelques années.
Proposant une musique souvent instrumentale, Khruangbin déploie le rock sous pratiquement toutes ses formes: tantôt psychédélique, tantôt plus surf, funk ou dub. Le groupe propose ainsi une belle mosaïque musicale, alternant entre des rythmiques chill ou plus dansantes au sein des mêmes morceaux.
Même les compositions les plus calmes se voyaient ici remaniées dans des versions rapides et survitaminées, la recette parfaite pour faire danser une foule de festival.
En parlant de compositions, le groupe nous avait préparé toute une setlist, composée de leurs pièces les plus mémorables, comme «Maria Tambien», «Evan Finds the Third Room», «Pelota» ou «So We Won’t Forget», mais aussi d’un incalculable nombre de reprises, servies dans un jam des plus mémorables: «Let’s Dance» (David Bowie), «Bennie and the Jets» (Elton John), «Got Your Money» (Ol’ Dirty Bastard), «Nuthin’ But a G Thang» (Dr. Dre), «Regulate» (Warren G), «Footsteps in the Dark» (The Isley Brothers), «Gypsy Woman (She’s Homeless» (Crystal Waters) et plusieurs autres se sont succédé dans un grand pot-pourri musical dont on se souviendra longtemps.
Il fallait voir les sourires sur les visages et les pas de danse des adeptes massés devant la Scène de la Rivière pour comprendre à quel point la formation a probablement offert l’un des meilleurs concerts de cette 16e édition du festival.
C’était aussi une belle façon de mettre la table pour d’autres prestations plus dansantes qui allaient suivre plus tard, dont celle très attendue de Polo & Pan.
Un voyage au pays des nénuphars et des arcs-en-ciel
Tout juste après la sublime performance de Khruangbin, de l’autre côté du site, sur la Scène de la Vallée, l’ambiance était au feel good et l’espèce de fond d’étable mouillé sur lequel la foule se tenait s’est rapidement transformé en dancefloors des plus colorés pour la performance de Polo & Pan.
«On vous souhaite un excellent voyage», s’est exclamé Paul Armand-Delille en début de spectacle.
Et si le duo français est capable de nous faire voyager avec ses trois albums studio, on n’en attendait pas moins lors d’une performance live. Ça n’a pas pris les trois premières notes de «Côme», jouées avec son acolyte Alexandre Grynszpan, que le ton était donné. Polo & Pan nous ont transportés dans leur univers «électro-tropical»!
Ensemble, les gars ont entonné «Feel Good», enchaînée avec «Attrape Rêve», où leur «sirène», Victoria Lafaurie, est arrivée sur scène pour chanter. Quel bonheur de voir cette voix féminine naître sous nos yeux! Sa voix claire et enfantine qui les accompagne sur leurs chansons est un incontournable lors des performances. Toute de blanc vêtue avec un look des années 1980, Lafaurie a effectué des pas de danse et a ondoyé sur scène avec toute l’allégresse qui émane de la musique du duo.
Les couleurs étaient au rendez-vous avec «Arc-en-ciel», et les deux DJ derrière leur console avaient un gros set à nous présenter.
La piste de danse était en feu, la foule sautait et était emparée d’une bonne humeur contagieuse.
Solides du début à la fin, les membres du groupe ont joué leurs hits dans des mix électrisants. Ainsi, «Ani Kuni» et «Canopée» ont été des highlights de la soirée avec les projections colorées, un son parfait, et Lafaurie qui est revenue sur scène, transformée en oiseau de paradis dans son kimono pour enfiler quelques élégantes steppettes de balai.
Le spectacle s’est terminé sur «Magic», puis sur «Nanã», qui a été repris en choeur par les festivaliers et festivalières.
Pour leur sixième fois à Montréal, Polo & Pan a encore une fois réussi à nous faire voyager dans son univers coloré, tropical et dans lequel on aurait envie de vivre en permanence!
Caribou: l’énergie au plafond
Les adeptes de musique électronique qui voulaient éviter le spectacle de Future en ont eu pour leur argent hier avec Porter Robinson sur la Scène Verte et Caribou sur la Scène de l’Île, tout de suite après Polo & Pan.
Pour ma part, cela faisait trois fois que je ratais le concert de Caribou à Osheaga, et cette fois-ci, il était hors de question de le rater encore une fois!
Si les spectateurs étaient évidemment pas mal plus nombreux sur la grande scène pour la prestation de Future, Caribou a néanmoins su attirer une foule très respectable et enthousiaste (surtout lorsque les premières notes d’«Odessa» se sont fait entendre en début de concert).
Le groupe, mené par le musicien électronique canadien Dan Snaith (qu’on a pu voir aussi en tant que Daphni sur la même Scène de l’Île plus tôt dans la journée), a développé une formule gagnante sur scène, avec claviers, programmation, percussions et guitare basse.
Pas besoin de plus que ça pour mettre le party dans la place!
Pendant 75 minutes, le groupe a proposé des versions survitaminées des meilleurs morceaux de Swim («Odessa», «Sun» et «Bowls» étaient toutes trois très bien rendues), du nouvel album Suddenly («New Jade», «Home», «Ravi» et «Never Come Back») et, bien sûr, d’Our Love avec la fameuse «Can’t Do Without You» pour clore ce concert hautement efficace.
Bref, si vous n’étiez pas à ce spectacle, vous avez raté quelque chose!
D’ailleurs, voyons voir comment c’était pendant ce temps-là à l’autre bout du site.
When Future calls
Place à la tête d’affiche de la soirée, Future, qui est venu en remplacement d’A$AP Rocky, lequel a dû annuler sa performance à Osheaga pour des raisons judiciaires.
Si les souliers à chausser étaient grands, il a fait ça à merveille le rappeur américain de 38 ans!
Avec ses méga hits hip-hop et ses nombreuses collaborations avec les plus grands noms de la scène américaine actuelle, dont Drake, Travis Scott et Young Thug, Future a fait sauter une foule compacte qui a attendu patiemment son arrivée.
Malgré un certain retard, le rappeur a fait son apparition en sortant du plancher au bout de la scène, avec une cascade de flammes et de jets de CO2. Rapidement pardonné grâce à cette entrée fracassante, Nayvadius Dumun Wilburn, de son vrai nom, a entonné «Life Is Good» et «King’s Dead» avec des effets lumineux et des visuels impressionnants.
Tout charmant dans sa veste rose et ses lunettes bleues, il était plein d’énergie et il a même invité la foule à maintes reprises à lever les bras en l’air et… à enlever son chandail! Les fans ont donc fait virevolter leurs chemises fleuries, camisoles, et t-shirt fluo en hauteur!
Après ses plus gros hits «Mask Off» et «Way 2 Sexy», la foule a semblé s’essouffler un brin, certaines personnes quittant déjà les lieux.
Après une telle journée à Osheaga, on peut comprendre que l’énergie n’était plus à son comble à 22 h 50!
Mais Future a mis le paquet pour finir sa performance en beauté avec un beau show de boucane et de flammes…