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Crédit photo : Emmanuel Gagné
En fait, même si l’on peinait à distinguer le chanteur (qui était à l’arrière de la scène, à gauche de la batterie), nous pouvions constater qu’il était vêtu tel un joueur aguerri de paintball; le corps était complètement couvert d’équipement de protection; il portait un casque et des lunettes fumées. Un costume imposant qu’il n’a jamais retiré. Pourquoi un tel habillement? Keenan a parlé à deux reprises au public, la première fois pour s’excuser de l’état de son pays (États-Unis), affirmant «we’ll fix it».
Lors de la deuxième intervention, il avance que le chaos est désormais à l’échelle mondiale et que des changements s’ensuivront inévitablement. Il demande aux gens de ne pas croire les nouvelles (dont Fox!), de penser par soi-même et de s’éduquer. Sentiment sombre qui tombe dans l’ère du temps et des fausses nouvelles, mais aussi qui rappelle 1984 de Georges Orwell… Est-ce pour cette raison que le chanteur s’est vêtu de la sorte? Les musiciens, pour leur part, sont restés discrets, seul le bassiste a bougé à quelques reprises, celui-ci étant le membre le plus expressif du quatuor.
Ce n’était pas une surprise pour les habitués de voir Keenan se dissimuler dans l’ombre, car c’est ainsi qu’il entre dans sa zone. Le fait qu’il n’ait pas retiré ses lunettes, ne serait-ce qu’un instant, illustre bien le fossé que le groupe a voulu créer avec l’auditoire. Les visuels utilisés et le jeu de lumière pendant le concert constituaient le point d’intérêt. Les images sombres, reprenant les vidéoclips que la formation a utilisés pour les extraits promotionnels, cadraient parfaitement avec l’esthétisme glauque que l’on associe avec Tool et qui nous obnubilait.
Les musiciens ont foulé les planches sous les cris de joie. Le chanteur a fait son apparition peu après, seul, et la clameur a redoublé. La dévotion pour ce groupe était palpable. Dès les premières notes de la très rock «The Grudge», les spectateurs étaient prêts et pleinement absorbés par ce qui se passait sur la scène et sur l’écran. Les membres étaient tous très solides et habiles dans leur jeu, spécialement le bassiste.
Tool poursuivit avec «Parabol» et la rythmée «Parabola», ce qui fit grimper l’excitation. L’extrait «Schism», jouée avec brio, a été la chanson qui a transporté la foule à un autre niveau et, dès ce moment, les cris d’encouragement et les applaudissements se sont intensifiés. La formation semblait très concentrée sur l’interprétation, peu attentive à ce qui se passait dans l’amphithéâtre. Et, bien que le Centre Bell ait disposé des chaises sur le parterre, les spectateurs ont préféré rester debout pendant le concert.
«Opiate» a réellement touché les admirateurs du groupe, certains ont même chanté, bien que ce fut difficile de les entendre tellement le son était fort. Le chanteur semblait plus calme et avait abandonné, du moins momentanément, sa position plutôt sur la défensive, comme s’il était prêt pour l’attaque. «Ænema» fut l’occasion d’entendre Keenan employer un ton légèrement plus lointain et caverneux, illustrant le côté obscur de l’identité de Tool. «Descending» fut interprétée de façon magistrale, et ce, même si le public a réagi de manière plus contenue. Pour sa part, «Jambi» a été imprégné d’une vigueur singulière et le batteur a su marteler le rythme avec exactitude et robustesse. La formation a conclu la première partie de ce concert avec l’excellente «Forty-Six & 2» où les musiciens se sont réellement illustrés par leur dextérité. Tool a pris soin d’avertir, par le biais d’une enseigne lumineuse, l’intermission (accompagnée par un chronomètre).
Leur retour pour le deuxième segment fut triomphal. Après un solo de batterie où le batteur Danny Carey a eu l’occasion de prouver son talent, un morceau qui a véritablement plu à la foule et qui n’a pas été trop long, Tool marqua l’imaginaire avec «Vicarious», ce qui donna un coup de fouet aux spectateurs: la prestation recommença avec une énergie incroyable et le public fut subjugué et émerveillé. Malheureusement, la fin se dessinait; après avoir joué avec intensité le titre «Sweat», le groupe présenta la dernière pièce, «Stinkfist», magnifiquement interprétée. La foule et la formation vivaient à l’unisson le moment présent, ressentant la chanson et vibrant tous ensemble. Ce fut une excellente façon de terminer le spectacle, l’auditoire était époustouflé.
Malheureusement, il n’y a pas eu de rappel. Keenan a quitté précipitamment la scène, Jones, Chancellor et Carey ont pris le temps de saluer le Centre Bell, distribuant aux admirateurs amassés à l’avant-scène des plectres et des bâtons de batteries.
Ce fut un très bon concert. Les musiciens de Tool ont joué avec virtuosité et passion. Cependant, même si le tout est très bien orchestré (il y a eu un peu de réverbération), il manquait une étincelle. Nous avions l’impression que malgré le fait que nous assistions à quelque chose d’intime, le fait de pénétrer dans l’univers funeste et secret de Tool, nous n’étions pas en train de partager une émotion réciproque. De plus, quelques admirateurs furent déçus de n’entendre aucune nouvelle chanson ni aucune pièce d’Undertow.
Once and Future
Ce groupe aux racines psychédéliques et progressives, grandement inspiré par Pink Floyd, a vu le jour en 2013 et possède un album homonyme à son actif. Les longues chansons progressives que le groupe a présentées ne semblaient pas convenir au public de Tool. Les spectateurs ont davantage applaudi les premières pièces jouées que les dernières, un peu comme s’ils avaient perdu l’intérêt en cours de route. De plus, leur son manque d’originalité, on n’entend que les influences des années 1970, un peu comme si la formation n’avait pas encore atteint sa maturité sur le plan musical.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. The Grudge
2. Parabol
3. Parabola
4. Schism
5. Opiate
6. Ænema
7. Descending
8. Jambi
9. Third Eye
10. Forty-Six & 2
11. Improvisation à la batterie
12. Vicarious
13. Sweat
14. Enregistrement - Ions
15. Stinkfist