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Crédit photo : Clément Dietz
Marine, tu affirmes avoir eu la piqûre pour la mode dès ton plus jeune âge, notamment grâce à ta mère, qui est une véritable passionnée, elle aussi, de mode et de couture! Peux-tu nous parler plus spécialement du moment où tu as eu le déclic pour cette discipline artistique? On est curieux!
«Je suis vraiment tombée en amour avec la mode grâce à elle. J’étais sa poupée qu’elle adorait habiller. Elle aimait mixer des vêtements de designers avec ceux de seconde main. En grandissant, notre passe-temps est devenu une chasse au trésor perpétuelle. On parcourait les sous-sols d’églises et les friperies pour y dénicher des trouvailles (que l’on accumule beaucoup trop avec les années.)»
«L’envie d’étudier la mode et d’exercer un métier dans le milieu des arts m’a toujours habitée. Seulement en France, quand on s’oriente, on maximise davantage les chances de trouver un emploi post-études, donc j’ai choisi l’immobilier, puis la communication. C’est au Québec que j’ai décidé de reprendre des études en design de mode lorsque mon visa en communication et événements philanthropiques ne s’est pas renouvelé.»
«J’ai fait confiance à la vie et à mon cœur (et je ne le regrette pas). Mon virage professionnel s’est amorcé par la suite lors de ma participation à un festival de courts-métrages où je réalisais les costumes et les décors. Deux semaines plus tard, on me proposait une pub en tant que styliste. Au cours des mois suivants, des photographes ont voulu collaborer. Mon portfolio s’est dessiné, puis les rencontres et les contrats se sont présentés. Depuis, je suis la vibe dans ce même esprit.»
Ta signature visuelle semble être imprégnée d’un équilibre harmonieux entre modernité et esprit vintage, et accorde une place importante à l’élaboration d’une histoire et à la conceptualisation des vêtements. Où trouves-tu tes inspirations, et comment passes-tu du balbutiement à la finalisation d’un look?
«Tout dépend du concept que l’on me propose et/ou celui que je souhaite créer. L’inspiration peut venir d’un morceau dans mon costumier, d’une création que j’ai repérée chez un designer, ou d’une boutique, d’une coiffure ou d’un make-up que je trouve beau, voire d’un détail stylistique ou d’une matière.»
«Être éprise d’un certain néant peut m’arriver également. J’aime ça aussi, car l’attrait d’une recherche approfondie m’anime. Je fouille alors dans les courants qui ont marqué l’histoire de la mode, j’y recherche les icônes et artistes inspirants, et j’étaye ma culture documentaire, cinématographique et musicale. C’est vraiment un plaisir pour moi.»
«Le balbutiement commence au moment où je visualise et dessine le concept. Ensuite, je fais confiance à ma créativité. Je choisis des vêtements et accessoires qui me font vibrer par leurs détails, leurs textures et leurs couleurs, qu’importe si c’est moderne ou vintage. La mode est un cycle constant où histoire et nouveauté se lient. Ça serait dommage de ne pas jouer et de rester figée dans une époque.»
«Finaliser un style, c’est m’amuser avec des pièces qui s’harmonisent entre elles, celles qui peuvent casser un look parfois trop classique, voire assumer une certaine excentricité aussi. J’ai une personnalité colorée avec plusieurs facettes, mes émotions se transcrivent souvent dans mes styles.»
On peut dire que tu touches à presque toutes les facettes du domaine de la mode et du stylisme en travaillant pour de grands magazines, des pubs, des films et des vidéoclips, en plus d’être la styliste de plusieurs artistes de renom! Est-ce que tu as une préférence pour un milieu en particulier, et si oui, lequel?
«Découvrir les différents domaines liés à la mode était pour moi important afin de savoir lequel je préférerais si un seul il y aurait. De nature curieuse et créative, j’ai préféré ne pas fermer de portes et m’offrir l’opportunité de les explorer.»
«Les projets sont tellement éphémères que c’est stimulant et complet pour une artiste d’œuvrer sur plusieurs sphères, de rencontrer de nouveaux collaborateurs et de se dévoiler autrement. En cinéma et en publicité, mon métier est de répondre au mieux à l’idée présentée, tout en y intégrant une petite touche personnelle. Avec les artistes, la mode commerciale et éditoriale, l’empreinte peut être plus forte et on peut distinguer sa signature stylistique plus facilement.»
«Papillonner de projet en projet est selon moi un atout professionnel et personnel, tant pour diversifier son travail, varier les styles, collaborer avec différents partenaires et s’ouvrir à de nouvelles visions.»
«Mais pour vous avouer, mon petit crush, vous l’aurez sûrement deviné, reste l’amour inconditionnel que je porte pour la mode éditoriale. J’adore voir un style s’immortaliser dans un concept et s’ancrer dans l’œil d’un photographe. Quand tous les départements artistiques ne font qu’un et que l’image transcende le regard, l’accomplissement d’un travail d’équipe se dresse.»
Tu as déjà plusieurs années d’expérience derrière la cravate en tant que spécialiste de la mode. Selon toi, quels sont les principaux enjeux et les défis pour une artiste comme toi, spécialement dans le milieu de la mode au Québec?
«Dans les milieux de la mode et des arts, les enjeux restent nombreux, et ce, tant en freelance qu’en tant qu’artiste représentée en agence. Un enjeu crucial est celui de la reconnaissance du travail accompli auprès des clients et des collaborateurs. La valorisation peut être banalisée sur le résultat final qui est, quant à lui, la symbiose de plusieurs départements.»
«Cette considération peut s’avérer faible également, car le temps de recherche alloué, le budget à gérer, les accords d’emprunts styliste à respecter, les retours à effectuer et le stress des contrats dernière minute ne se ressentent malheureusement pas pour certains de nos partenaires. Pourtant, un travail souvent sous pression est mené en amont et aval d’un mandat. Et cet œil artistique est important, car il parfait une image et sublime un modèle ou un artiste.»
«Être payée à sa juste valeur et fidéliser ses clients sont aussi des challenges afin d’assurer la pérennité de son métier. Du côté de l’image, les réseaux sociaux relèvent autant d’un enjeu important que d’un défi personnel. Choisir ou non de se mettre en scène et révéler son quotidien de travail en plus de communiquer sur son art, c’est propre à chacun, en sa confiance en soi et en sa stratégie marketing.»
«Tout comme le talent, l’assurance et la foi en soi évolue avec le temps. Un artiste doit sans cesse se renouveler, créer et collaborer sur divers projets pour se différencier des autres. Je pense que dans le milieu, rien n’est jamais acquis. On surfe sur des vagues comme la vie. Si on accepte cette réalité, on est moins surpris et on rebondit plus facilement.»
Qu’est-ce qui te rend la plus heureuse avec ton métier de créatrice, et de quels accomplissements es-tu le plus fière à ce jour?
«Vivre de ma passion est un accomplissement en soi. Quand j’étais petite et que je parcourais les magazines, je rêvais du métier de styliste. Jusqu’à ce que le métier vienne à moi, je n’avais aucune idée de comment y parvenir ni même que c’était considéré comme un art.»
«C’est gratifiant et vibrant d’exercer une passion qui nous anime et nous surpasse. Évoluer positivement dans le milieu, respecter ses valeurs et s’écouter complètent ce cheminement.»
«L’épanouissement vient aussi en travaillant de concert avec des partenaires qui vous font confiance. Je fais le lien avec un accomplissement assez fou que j’ai réalisé au bout d’un an de stylisme, celui du défilé Essentia – Fashion & Art Show avec Geneviève Borne pour le Festival Mode et Design. J’ai proposé à Chantal Durivage, fondatrice du FMD, un projet clé en main, direction créative et stylisme, avec zéro expérience en runway et budget. Dans ma folie, je visualisais des coiffures atypiques et une scénographie artistique. Mon ami, Stéphane Scotto Di Cesare, Hair & Wig Artist, a embarqué dans le concept avec Geneviève.»
«En un mois seulement, et ce, en parallèle de mes contrats, un vidéoclip s’est tourné, trente styles se sont créés sans aucune idée des modèles jusqu’à ladite semaine du show, avec peu de contacts pour emprunter auprès de designers québécois et cette envie d’intégrer du vintage. Cette expérience était de l’adrénaline pure qui a marqué un défi très nourrissant pour moi. Vivement la fin de la pandémie pour revivre cette expérience!»
Pour terminer, si tu pouvais collaborer avec un styliste, un designer ou un artiste provenant de n’importe quel milieu, qui choisirais-tu, et pourquoi? On jase là!
«Si j’avais l’opportunité de collaborer avec Annie Horth, directrice créative et styliste d’Elle Canada et Elle Québec, un nouvel accomplissement et une heureuse découverte se dresseraient. Annie est une femme intrigante par sa discrétion et le rayonnement de son travail à l’international. Sa créativité et sa sensibilité soulignent un certain avant-gardisme en Amérique du Nord. Ses équipes artistiques sont incroyables et ses concepts novateurs. C’est une artiste inspirante avec laquelle je serai ravie de créer et d’apprendre de son expertise. Qui sait!?»
«Peut-être que ces mots atteindront une autre sphère que la toile gigantesque du monde des internet. L’univers me le soufflera.»
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