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Crédit photo : Michelle Boulay
Jo-Any, tu travailles dans le milieu du tatouage depuis quelques années déja et tu as un bon following sur les réseaux sociaux! D’où est née cette passion pour l’art du tatouage, et quand as-tu décidé d’en faire un métier? On est curieux!
«Je dois avouer que j’ai toujours adoré l’art en général. J’ai commencé très tôt à faire des maquillages à ma petite sœur! Dès mes 16 ans, j’ai commencé à faire de petits contrats comme maquilleuse pour les enfants, et un peu plus tard, je me suis intéressée aux body painting. En 2010, je suis allée me perfectionner et j’ai fait un cours en maquillage mode/beauté artistique. Par la suite, j’ai travaillé dans le domaine en décrochant quelques contrats de maquillage artistique avec divers photographes.»
«Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours apprécié les modifications corporelles. Les piercings sont apparus rapidement dans ma jeunesse, mais ce n’est qu’à 18 ans que j’ai eu mon premier tatouage, et à 22 ans, j’avais déjà les deux bras remplis!»
«Cependant, ma passion numéro un a toujours été la musique. À partir de 2012, j’ai fait partie d’un projet musical pendant quelques années, et j’ai commencé à avoir beaucoup de contrats un peu partout au Québec. Le maquillage a donc graduellement disparu.»
«Malgré les nombreuses tournées, c’est en 2014 que le tatouage a pris une plus grande place dans ma vie, plus précisément le hand poked, car je n’ai jamais tatoué à la machine. J’ai eu envie d’apprendre les bases du tatouage pour encrer quelques ami.e.s proches ainsi que moi-même (Merci à Marie-Phillipe Plante)!»
«Plus j’en faisais, plus je m’en faisais demander! Mais il n’y avait rien de très sérieux à ce moment-là, c’était plus un trip. Puis, un jour, Marie-Phillipe m’a proposé de partager une place dans son petit studio privé à Sherbrooke qui, par la suite, a fusionné avec un autre studio, pour ainsi devenir Le 116 Tattoo.»
«En prenant de l’expérience et en voyageant beaucoup grâce à ma carrière de musicienne, je me suis mise à mixer mes deux passions, la musique et le tatouage. Quand je partais faire de la musique loin de chez moi (surtout en Gaspésie), j’apportais mon matériel pour tatouer. À force de tatouer à la pointe est de la province, je me suis créé une clientèle, et je suis finalement déménagée à Percé en 2019 pour y ouvrir un petit studio privé, pendant un an.»
«Et finalement, il y a eu un revirement de situation, comme plusieurs! Beaucoup de choses ont changé dans la dernière année. J’ai donc pris la décision de revenir en ville. Depuis l’automne, j’habite à Montréal, et j’ai mon petit studio privé à la maison.»
En faisant nos recherches, on a appris que tu utilises la technique «hand poked». Peux-tu nous résumer les particularités de cette méthode et nous expliquer les raisons pour lesquelles tu as choisi cette façon de faire plus artisanale et non mécanisée?
«Le hand poked, c’est le principe de tatouer sans machine en favorisant le travail à la main. Je prends une aiguille de machine, que je trempe dans l’encre, puis je poke la peau, donc les lignes et les ombrages sont tous faits à la main, point par point.»
«C’est une technique qui prend naturellement plus de temps, mais qui est moins douloureuse, puisqu’il n’y a pas de vibration comme avec la machine. La peau est alors moins endommagée. La guérison est un peu plus rapide aussi en général.»
«Je ne me suis jamais vraiment posé la question à savoir si j’allais tatouer à la machine ou au poke. En fait, j’ai écouté plusieurs documentaires sur les modifications corporelles ancestrales, et un jour, je suis tombée sur la méthode bamboo stick. C’est la version traditionnelle japonaise et thaïlandaise de ce que je fais. Quand j’ai écouté ce documentaire, j’ai eu envie de l’essayer simplement pour le plaisir. J’ai alors découvert l’univers du hand poked à ce moment-là, et aussi grâce à Marie-Philippe, entre autres.»
«Quelques mois plus tard, j’avais fait mes premiers tatouages sur un très bon ami à moi et j’étais tombée en amour avec cet art.»
L’art du «stick and poke» évoque un aspect visuel assez différent, comparativement à la façon plus populaire de tatouer, avec des lignes plus épurées et une tangente plus marquée vers les illustrations en noir et blanc. Comment décrirais-tu ta signature visuelle et d’où vient ton inspiration lorsque tu prépares tes flashs?
«Je travaille principalement avec des lignes assez épaisses, des ombrages très contrastés, et un fini de pointillisme. Je dirais que mon inspiration provient majoritairement du style de tatouage traditionnel américain. J’aime bien mélanger le traditionnel et le pointillisme.»
«J’ai grandi dans les bois, alors, souvent, les thèmes de mes flashs sont inspirés par la forêt et par l’aspect magique de celle-ci. On peut dire que les saisons, les animaux, les plantes et les outils de travail sont mes thèmes de prédilection.»
Comme plusieurs artistes, tu acceptes de faire des tatouages customs (des demandes spécifiques de la part de tes clients), en plus de proposer tes propres créations. En général, qu’est-ce que tu préfères tatouer, et est-ce que tu dirais que la collaboration joue un rôle majeur dans ton approche artistique?
«En fait, j’adore faire des projets customs, c’est-à-dire prendre l’inspiration de mes client.e.s et la transformer avec mon style. Dernièrement, on retrouve un peu plus de fleurs et d’outils dans mes dessins, mais ça change souvent.»
«J’aime aussi particulièrement tatouer des endroits inhabituels, de même que le défi qui vient avec, par exemple la tête, le cou, le visage, les mamelons ou les parties génitales. J’aimerais en faire plus d’ailleurs!»
«Je suis une personne très ouverte d’esprit et j’aime entendre les idées des gens. Si un projet me convient moins, je suis généralement assez direct et je réfère à d’autres artistes qui m’inspirent.»
As-tu déjà vécu une expérience professionnelle qui t’a profondément marquée? Raconte-nous une anecdote sur un moment fort qui te vient en tête, ou même sur une demande un peu surprenante d’un client!
«C’était lors d’une journée flash à Percé. Un gars est venu me voir pour un petit tatouage walk-in (sans rendez-vous). Il avait une drôle de vibe. Il n’avait pas l’air de feeler du tout, mais j’ai pris le temps de l’écouter. Il m’a dit qu’il voulait un petit tatouage sur le ventre et m’a informé que c’était son premier tatouage. On s’est entendu sur le concept et je lui ai expliqué que le ventre est un endroit quand même douloureux et qu’il pourrait le faire ailleurs peut-être. Il m’a répondu: «De toute façon je ne peux pas souffrir plus que je souffre déjà!», et il a quitté, sans que j’aille le temps d’ajouter un mot.»
«J’ai quand même fait le dessin de son tatouage et je suis retournée le voir pour confirmer le tout. Une fois la séance commencée, on jasait de tout et de rien, et il a commencé à m’expliquer la signification de son tatouage, en mentionnant qu’il s’agissait d’un tatouage pour honorer son meilleur ami qui est décédé la veille dans un accident de la route lors d’un voyage à l’étranger. Il a commencé à pleurer, et moi de même, et c’est à cet instant précis que j’ai senti une connexion profonde avec cette personne. Et encore à ce jour, nous sommes de bons amis.»
«Les tatouages sont souvent des marques qui représentent des moments intenses de la vie. Je me sens privilégiée de pouvoir partager ces moments intimes avec les personnes qui, à mon grand plaisir, croisent ma route.»
Pour terminer, on aimerait que tu partages avec nos lecteurs et lectrices les artistes tatoueurs que tu admires beaucoup et qui t’ont influencée d’une certaine façon dans ta manière de tatouer ou dans ta façon d’approcher cette forme d’art!
«Pour l’apprentissage, Marie-Philippe Plante, Gabye Roy (Main Noire Tattoo) et Andréanne Paquet, elles travaillent toutes les trois au 116 Tattoo Club à Sherbrooke.»
«Lors de mes débuts en tatouage, ma plus grande inspiration en hand poked était Grace Neutral, une artiste originaire de l’Angleterre. Elle est aussi l’animatrice d’une série documentaire super intéressante sur les modifications corporelles de partout à travers le monde.»
«Également, j’admire beaucoup Clara Boo chez La Morsure à Rimouski, Jack Ankersen, The girl with the matchsticks, Philippe Fernandez et Davide_dw, pour ne nommer que ceux-ci.»
Vous pouvez consulter les oeuvres de Jam Martel en cliquant ici. Pour découvrir nos précédentes chroniques «En vogue avec…», visitez le labibleurbaine.com/En+vogue+avec…
Les tatouages de Jam Martel en images
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