SortiesDans la peau de
Crédit photo : Jean-François Brière
1. Patrice, décris-nous brièvement ton rôle au sein de l’organisation des GAMIQ et les responsabilités que ça implique.
«Je suis président de l’association qui présente le gala et j’assume le rôle de producteur délégué pour celui-ci. Je suis responsable de ce qui permet de le présenter: du financement à la collusion des inscriptions, l’organisation du vote, les communications avec les participants, la mise en ligne du site web, ainsi que la gestion des réseaux sociaux. Je fais aussi la mise en scène et la programmation musicale du gala, de même que plusieurs autres tâches connexes.»
2. Quel(s) autre(s) rôle(s) joues-tu dans l’industrie de la musique?
«En parallèle du GAMIQ, nous avons mis sur pied une plateforme de diffusion de contenu musical québécois qui s’appelle Papineau, une alternative locale aux plateformes comme Spotify et autres. C’est toujours un «work in progress», mais ça occupe pas mal de mon temps.»
«Je suis pas mal impliqué avec CIBL, un peu dans le trouble depuis un an, comme bénévole. Surtout pour le site web et le contenu musical, et comme producteur d’une émission qui fait la belle place aux groupes de rock d’ici.»
«Je fais aussi de la gérance pour un band de covers des Ramones en québécois, un peu de relations de presse, et de la consultation dans le domaine. J’étais directeur général du Musée du Rock’n’Roll du Québec pendant sept ans, mais on est train de le fermer, avec tout ce que ça implique comme opérations. Ce n’est pas vraiment «dans» l’industrie, mais ça m’a donné une perspective historique de celle-ci et ça va peut-être me servir un moment donné, notamment avec Papineau.»
3. Certains des artistes nominés au gala sont représentés par des maisons de disques bien connues, on pense à Les Louanges (Bonsound) ou à Choses Sauvages (Audiogram). Qu’est-ce qui fait qu’un artiste est considéré comme «indépendant» pour le GAMIQ?
«La démarche artistique, l’approche face à l’industrie, la diffusion, la notoriété et le réseau dans lequel ils évoluent. À la base, 95 % de ce qui se fait au Québec est indépendant, si on prend les quatre majors comme référence, mais avec les Spotify et autres, ça ne veut plus dire grand-chose; même ceux qui veulent être indépendants ne le sont plus, à moins de ne pas être sur ces plateformes.»
«Donc, pour le GAMIQ, c’est plus un état d’esprit qu’une situation juridique ou économique. Il y a certaines règles, comme être en nomination dans certaines catégories de l’ADISQ, la position sur les palmarès et autres, qui excluent certains artistes, mais aussi notre approche, qui fait qu’on n’a jamais eu de soumissions d’Isabelle Boulay ou de Mario Pelchat.»
«Le jury fait une sélection aussi, et dans la plupart des cas, ses décisions sont en phase avec la philosophie de l’initiative. On s’ajuste continuellement à l’évolution de l’industrie et on se pose des questions existentielles typiques de l’organisation depuis le début, comme: qu’est-ce qui fait qu’un artiste est considéré indépendant pour le GAMIQ?»
4. Pourquoi est-ce toujours important d’avoir un gala pour la musique indépendante, selon toi?
«Parce que le Gala de l’ADISQ représente une fraction de ce qui compose la richesse culturelle du Québec et, pour que son industrie soit en santé, son ensemble doit être connu et soutenu.»
«L’ADISQ fait un travail nécessaire, mais elle représente les producteurs avant tout. Pour le GAMIQ, il n’y a pas cet aspect, et le focus est mis sur les artistes. 75 % de ceux qui soumettent leurs candidatures au scrutin du GAMIQ ne sont pas affiliés à aucune structure, et ceux qui le sont n’ont pas la notoriété ou le succès qui pourrait justifier l’inscription onéreuse à l’ADISQ.»
«Le GAMIQ est soit une étape vers cet objectif ou la seule opportunité pour plusieurs de se faire voir hors de leurs réseaux habituels, comme la scène métal ou le post-punk. C’est aussi la seule soirée où tout ce monde-là se retrouve ensemble, ce qui permet de voir l’étendue et la variété de cette industrie, qui n’est pas ce que l’on voit à la télé. C’est une fenêtre sur le futur musical du Québec et une bouffée d’air frais qui alimente le feu nécessaire pour poursuivre un projet qui peut parfois sembler irréalisable dans un marché particulier comme le Québec.»
5. Quand tu penses aux galas des années précédentes, qu’est-ce qui a été un moment particulièrement marquant pour toi?
«Le départ du directeur de scrutin Sébastien Charest, qui était pratiquement l’un des co-fondateurs, qui nous a forcé à revoir notre démarche quasiment de A à Z. Vu le peu de moyens que nous avons, nous sommes très dépendants de l’implication de chacun, qui va toujours au-delà du salaire accordé pour telle ou telle tâche. Comme il en menait très large, c’était impossible de reprendre exactement tout ce qu’il faisait. On a même songé à abandonner le gala à ce moment-là.»
«L’automatisation des inscriptions a été primordiale dans la poursuite de l’initiative, et le site web est devenu par la force des choses l’assise pour pouvoir continuer à être ce que nous voulions être. On échappe probablement encore quelques artistes, les limites de notre réseau obligent, mais ce n’est plus le fait d’un seul homme. La structure actuelle permet à de nouveaux collaborateurs de s’impliquer sans être responsables de la survie du gala ou de son bon fonctionnement. Ça nous a forcés à pérenniser le processus.»
«Il y a encore énormément de travail nécessaire pour la tenue du GAMIQ, mais on a développé des outils qui rendent la chose plus réalisable sans avoir à sacrifier une partie de sa vie pendant six mois. Il y a encore place à l’amélioration, mais l’évolution du GAMIQ est plus en phase avec ce qui le compose. Moins d’aspirations à devenir «mainstream», et un certain confort à être nous-même, malgré les critiques de ceux qui n’ont pas compris qu’on ne veut pas être autre chose. On est DIY, fiers de l’être et on s’assume.»