SortiesConnaissez-vous l'histoire de
Crédit photo : Affiche du film Barbe-Bleue réalisé par Étienne Arnaud (1907). Photo: Henri Gray
Rafraîchissons-nous la mémoire!
Barbe bleue est un homme riche, laid et repoussant. Plusieurs fois marié, le géant à la barbe bleue vit seul et personne ne sait ce que sont devenues ses précédentes femmes. Il propose tour à tour à ses voisines de l’épouser, mais il essuie refus sur refus avant que l’une d’entre elles, séduite par sa fortune, finisse par accepter.
Quelques semaines après la célébration du mariage, Barbe bleue annonce alors à sa nouvelle femme qu’il doit partir en voyage, et c’est ainsi qu’il lui confie les clefs du château. Or, il pose une condition très claire: il lui est formellement interdit de pénétrer dans un cabinet en particulier.
Évidemment, piquée par la curiosité, celle-ci se laisse tenter et ouvre la porte de la petite pièce où elle découvre les cadavres des précédentes épouses égorgées. Sous le choc, elle laisse tomber la clef dans le sang qui recouvre le sol…
Après avoir retrouvé ses esprits, elle se dépêche de nettoyer la clef tachée, mais celle-ci est magique: le sang est incrusté et s’avère impossible à enlever. Quand Barbe bleue revient sans prévenir, il se rend compte du méfait et s’apprête à lui destiner le même sort qu’à ses ex-femmes… Mais heureusement pour elle, la victime – qui attend justement la visite de sa famille – négocie quinze petites minutes pour prier.
C’est juste assez de temps pour qu’elle arrive à prévenir sa sœur Anne, qui va à son tour faire intervenir leurs frères: ces derniers surgissent à la dernière minute pour la sauver en tuant Barbe bleue à coups d’épée.
Adaptation chorégraphique par Pina Bausch
En 1977, la chorégraphe allemande Pina Bausch surprend le monde culturel en créant un ballet de Barbe bleue…
Et, autant le dire, on est très loin des autres adaptations chorégraphiques du conte auxquelles on a été habitués jusqu’à présent – notamment celle de Marius Petipa qui en avait fait un ballet-féérie à Saint-Pétersbourg à la toute fin du XIXe siècle.
Dans sa version, la chorégraphe allemande casse les codes et présente un ballet qui crée d’abord une controverse avant de devenir un véritable classique de la danse moderne. En partant de l’opéra Le château de Barbe-bleue créé par Béla Bartók en 1918, elle imagine un concept de danse-théâtre où un magnétophone diffuse la musique du compositeur qui est parfois rembobinée ou arrêtée au profit de la performance chorégraphique.
Quarante-cinq ans plus tard, son œuvre continue d’inspirer la génération de créateurs actuelle: on pense notamment à la troupe du Tanztheater Wuppertal (dirigée depuis la fin de 2021 par le chorégraphe français Boris Charmatz), qui a présenté l’été dernier un spectacle créé avec l’héritage de Pina Bausch au Théâtre du Châtelet.
Du cinéma à la musique, Barbe bleue se décline
Outre la danse, plusieurs disciplines artistiques se sont laissé inspirer par l’ogre s’attaquant à ses femmes: alors que le cinéma muet en est à ses balbutiements, le réalisateur Georges Méliès crée une courte adaptation cinématographique du conte (9 minutes environ) en 1901.
Six ans plus tard, en 1907, un film d’Étienne Arnaud met encore en vedette Barbe-bleue.
Du côté de la littérature, on se sert de l’histoire pour la revisiter avec une approche féministe: c’est le cas d’Amélie Nothomb, notamment, qui a sorti sa propre version sous forme de roman en 2012, et où Saturnine (jouant le rôle de la femme qui vit chez Barbe bleue) est assez autonome et vive d’esprit pour se déprendre toute seule du pendant de l’ogre (Don Elemirio), sans l’intervention de qui que ce soit – et surtout pas d’hommes.
Plus récemment, un album jeunesse également réécrit d’un point de vue féministe est paru chez Albin Michel en 2021: intitulé À l’ombre de Barbe Bleue, celui-ci a été écrit par Charlotte Moundlic et illustré par François Roca.
Enfin, la musique n’a pas été en reste non plus puisque le compositeur Jacques Offenbach a fait de Barbe bleue un opéra-bouffe en 1886 (livret de Meilhac et Halévy), et l’auteur-compositeur-interprète Maxime Le Forestier s’en est inspiré dans sa chanson «La septième femme de Barbe Bleue» (présente sur son album After Shave en 1986).