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Crédit photo : Gadi Dagon
Des images captivantes
Difficile de comprendre comment les paysages que produit une œuvre peuvent tous être aussi forts. Offrant tout d’abord l’image d’une coureuse sur un tapis roulant, on s’accoutume à cette personne se dirigeant vers une destination inconnue, pour une raison inconnue, et qui portera cette tâche tout au long du spectacle. On apprivoise le rythme d’une pièce qui bientôt éclatera dans toutes les directions.
Last Work propose des moments de lenteur et de douceur, d’autres plus agités et brûlants d’énergie. Malgré le temps plus court alloué à certaines actions, on peut facilement apprécier le dosage fait par Naharin dans chaque «partie» du spectacle. Curieux de constater comment une chorégraphie qui semble évoluer de façon si naturelle et sans effort peut avoir, en sous-texte, un calcul aussi précis.
Tout est dans le timing
Le rapport au temps suscite l’intérêt, car en plus du mouvement de course perpétuel installant une tension entre constance et évolution, on passe rapidement d’un tableau à un autre, et cela dit, sans s’en rendre nécessairement compte. Le terme tableau est plus ou moins approprié, parce que la signature de Naharin implique une sorte de magie qui permet de faire avancer une chorégraphie sans nécessairement imposer de transition notable d’une idée à l’autre; une magie qui fait voyager le spectateur sans qu’il ne soit conscient des lignes tracées dans le schéma de la conception chorégraphique.
La philosophie de Mr. Gaga
À travers le spectacle, on peut apprécier les couleurs de la technique Gaga, créée par Ohad Naharin. Au même titre que le Gaga encourage une recherche personnelle à travers la danse, une écoute du corps et de ses possibilités, Last Work comporte cette intimité gestuelle envoûtante. Il est émouvant de voir des corps bouger dans une maîtrise totale de leurs moyens et de les voir exploser dans un laisser-aller des plus virtuoses.
Toutefois, le corps est impliqué au-delà du contrôle que chaque danseur a sur le sien. On voit que la danse transcende l’enveloppe corporelle, qu’elle dépasse les physiques et les genres. «Dance itself is above gender», dit Naharin dans le documentaire Mr. Gaga, qui raconte son histoire. De plus, chaque danseur détient un rôle important dans l’œuvre: en effet, on peut remarquer dans l’entièreté du spectacle que malgré le grand nombre d’interprètes sur scène, chacun y détient sa place. À tous moments, on peut voir ce que chaque artiste a à donner; il suffit de voir où notre regard se pose instinctivement.
À l’inverse des compagnies de ballet où les danseurs font partie d’une hiérarchie, la Batsheva donne l’impression que les danseurs sont sur un pied d’égalité. Bref, si la pièce aborde la politique en s’opposant au gouvernement israélien actuel, elle s’y frotte aussi en affichant des couleurs féministes et démocratiques.
En conclusion
Last Work est une œuvre que l’on peut apprécier de différentes manières. Que l’on aime la danse pour ce qu’elle a d’esthétiquement beau à donner, cette œuvre charme par l’harmonie des décors, des costumes et de la musique, additionnée à l’admirable image des corps en mouvement. Last Work satisfait également un besoin de voir des corps libres et expressifs bouger avec une motivation commune.
Cette dernière s’annonce avec assez d’indices pour donner une signification aux choses sans gaver le spectateur avec les propos de l’auteur, laissant ainsi place à l’interprétation et à l’expérience personnelle de l’œuvre.
«Last Work» est présentée au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts les 20 et 21 janvier à 20h. Le documentaire Mr. Gaga sera à l’affiche au cinéma Beaubien à partir du vendredi 20 janvier 2017.
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Par Gadi Dagon
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