Ashley Graham à la Fashion Week de New York – Bible urbaine

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Ashley Graham à la Fashion Week de New York

Ashley Graham à la Fashion Week de New York

La revanche des #curvy?

Publié le 19 octobre 2015 par Elise Lagacé

Crédit photo : Ashley Graham (Instagram)

De plus en plus, heureusement, la «mode ordinaire», le prêt-à-porter, tend à se détacher des normes paradées par les grandes maisons. Il est vrai qu’on observe une augmentation de la visibilité de femmes bien en chair dans les médias. Cela dit, rien ne nous permet de croire qu’il s’agit d’autre chose qu’une stratégie de marketing aussi orchestrée et factice que la campagne promotionnelle de Dove pour des «beautés naturelles» (assortie d’une généreuse liste de critères pour les participantes). C’est ainsi que pour le moment, il ne s’agit pas d’un grand changement de société qui aurait des racines profondes. On reste majoritairement dans la récupération commerciale.

En effet, en arrière-plan, des chaînes comme Jacob suppriment discrètement la taille XL avant de s’écrouler et derrière une pseudo acceptation, la plateforme Instagram censurait le mot-clé #curvy cet été. Malgré cela, ces empires demeurent puissants et plutôt que de déserter le média, les rondes contournèrent la question avec le #curvee. Le double discours quant aux rondeurs est omniprésent. Lorsque Khloé Kardashian interpelle Graham sur ce même média pour vanter ses courbes, il faut se rappeler que la starlette a passé les dix-huit derniers mois à se faire photographier en sortant d’un gym, paradant sa perte de poids extrême en couverture des feuilles de chou.

Qu’on ne se trompe pas, de «ghettoïser» les grosses dans leurs défilés distincts ne favorise aucunement la diversité et l’acceptation, mais renforce plutôt une certaine marginalisation. Dans la même optique, les quelques figures «ethniques» qui pointent dans les groupuscules essentiellement whiteswashés qui arpentent les podiums ne contribuent pas à valoriser la diversité. Au mieux, ça aide au branding d’une maison. Comme la crise de conscience de Jane Birkin d’il y a quelques semaines à propos des crocodiles maltraités et qui s’est réglée à coups de promesses et de bons sentiments.
En attente de la réponse d’Hermès, la liste d’attente pour les Birkin Bag n’avait pas baissé. Cela parce que les canons mis en place par le milieu de la haute couture ne sont pas près de s’ébranler dans ce qui est l’une des industries les plus lucratives de la planète.

En restant sur la question des rondeurs, il faut voir le portrait global. Que pour un défilé aux mannequins charnues à New York, Victoria Beckham se fait interpeler pour les figures maigres qu’elle parade à Londres et qu’à Paris, Gigi Hadid se fait pointer la cellulite du doigt par les internautes puristes (pour info, elle a vingt ans et n’a pas plus de cellulite que de cellules adipeuses). Parce qu’en fait, que ce soit la question du poids, de la race ou de la provenance (Kendall Jenner n’est que «tolérée» et demeure une outsider parce qu’elle vient du milieu de la téléréalité), le milieu de la haute couture se doit de rester élitiste pour ne pas cesser de représenter un idéal à atteindre et perdre ainsi l’une de ses raisons d’être. À travers la mode, on retrouve les échos tenaces de l’idée qu’une race peut être supérieure à une autre, les contours du concept de hiérarchie et mêlé à tout ça, cette pulsion d’écraser l’autre pour se requinquer le caquet bas. C’est vieux comme le monde de diviser la race humaine en classes qu’on dispose dans une échelle que ceux d’en bas voudront grimper.

La haute couture est assez haute pour que jamais les marginaux ne grimpent jusqu’à elle. Pour ma part, je souhaite continuer à les regarder d’en bas. Pour eux, la mode c’est primordial et pour moi c’est festif, ce n’est qu’un moyen de décorer mon existence, de jouer en étant adulte. Ça m’allume tous ces motifs en mouvement, ces agencements nouveaux, ces couleurs qui viennent avec une date de péremption. Parce qu’après de longues années vécues dans un sentiment d’inadéquation totale, à feuilleter tous les magazines de mode que je pouvais trouver, à regretter le temps où j’avais le tour de taille de Martine, j’ai fini par comprendre que l’acceptation ne viendrait jamais du milieu de la mode, mais des individus.

C’est ce qu’on voit dans les médias sociaux où vraiment, c’est la revanche des grosses, qui s’assument et resplendissent autant que les minces, toutes dans le même moule, le moule de la femme épanouie.

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