SortiesConcerts
Crédit photo : Pierre Bourgault
Comme sur chacun de ses deux disques, Agnes Obel a commencé sa prestation avec une pièce instrumentale, mais c’est un morceau issu de son premier opus, Philharmonics (2010), qui a été préféré. Accompagnée de la violoncelliste Anne Müller et de la violoniste canadienne Mika Posen, l’artiste a effectivement commencé avec quelques pièces plus anciennes pour bien se mettre dans le bain. «Je m’appelle Agnes, je ne parle pas français… but I know dirty words in Québécois», a-t-elle introduit avec timidité avant d’interpréter «Beast», ce qui a immanquablement fait rire. On apprécie l’effort.
C’est «Pass them by» qui a ouvert le bal des pièces plus récentes, issues d’Aventine (2013). Les cordes pincées du violoncelle ont tout de suite ravi, mais la rapidité d’exécution a donné une impression d’empressement, alors que «Fuel to Fire», qui suivait, a réussi à être bien ancrée et à déployer son plein potentiel. Ses accords plaqués au piano et ses cordes très solennelles ont donné une intensité peu commune au morceau. Mais il y a tout de même lieu de se questionner à savoir si le son du piano d’Obel était assez fort vis-à-vis les instruments à cordes, puisqu’à de nombreuses reprises, les subtilités du jeu de la musicienne, surtout dans les basses, étaient presque inaudibles.
Qu’à cela ne tienne, Obel a offert de très beaux numéros qui ont malgré tout réussi à aller captiver son public et à générer de fortes réactions. «On powdered ground» (Philharmonics), à la fois d’une intensité dramatique et aussi entraînante, a offert la première de ces envolées instrumentales en finale qui ont ravi. Avec différentes pédales et consoles, les musiciennes ont tour à tour usé du procédé de répétition en boucle et de la superposition d’effets et de lignes mélodiques aux cordes pour créer un crescendo des plus captivants. Suscitant vifs applaudissements et même cris du public, une toute nouvelle chanson, au titre provisoire de «Spinet Song», a fait le même effet, ajoutant même à l’équation de sublimes éclairages à contrejour, plongeant Agnes Obel et ses acolytes dans la quasi-noirceur.
Après une «Aventine» sur rythme préprogrammé, Obel a fait rire la foule en décrivant une espèce de chiffon qu’elle utilise sur les cordes de son piano pour créer des effets. Ça n’était cependant pas voulu, elle qui s’est empressée d’ajouter «That was really not meant to be funny», créant une sorte de petit malaise, comme lorsqu’elle parle danois sans prendre la peine de traduire. Est-ce de la timidité ou encore de la maladresse? Agnes Obel n’a pas semblé communier avec son public de l’Olympia, en tous les cas, et la fréquence à laquelle elle se tournait du côté opposé aux spectateurs pour manipuler la console à sa gauche n’a pas aidé.
Néanmoins, sa musique demeure la même, et les gens se sont malgré tout laissé envoûter par la douceur des instruments comme sur «Between the bars», un cover d’Elliott Smith, ou encore sur «Run cried the crawling», qui a été offerte avec plus de vitalité que sur disque, grâce à un alliage d’éclairages qui supportent à merveille, de jeux avec les harmoniques du violon, et de jolie finale a capella en harmonies.
«Dorian» a trouvé une profondeur nouvelle, «Riverside» a été livrée avec plus de liberté, «Words are dead» s’est révélée plus sentie et très poignante…mais c’est véritablement «The Curse», offerte en finale – une finale parfaite! – qui a montré tout le grandiose de la musique d’Agnes Obel. La rythmique, créée par les archets frappés sur les cordes du violon et du violoncelle, puis reproduite en boucle tout au long de la pièce, a tout de suite saisi, mais c’est l’envolée instrumentale à la toute fin qui a permis d’entrer dans une intensité jusqu’alors pas atteinte, et qui a fait spontanément se lever la foule pour applaudir et tout de suite demander un rappel.
«Ok, i’m moving to Montreal», a laissé tomber l’artiste, ravie de la réaction du public et un peu plus à l’aise, allant même jusqu’à raconter une anecdote de son dernier passage dans la métropole, en février dernier, avant d’offrir sa reprise de «Close Watch» de John Cale, puis «Smoke & Mirrors», seule au piano mais tout aussi touchante et grandiose.
Agnes Obel sera en spectacle au Palais Montcalm de Québec le jeudi 13 novembre, avant de s’envoler vers l’Australie pour continuer sa tournée.
Jennifer Castle
Seule avec sa grosse guitare électrique aux allures blues, la Torontoise Jennifer Castle s’est présentée sur scène en première partie d’Agnes Obel et a offert une performance intéressante, mais pas très fluide. Son accompagnement à la guitare consistant presque uniquement à jouer entre les lignes chantées, laissant son chant presque a capella, s’est révélé peu efficace, créant un chant saccadé et des pièces très peu mélodieuses. Heureusement, quelques pièces issues de son plus récent opus, Pink City, ont eu davantage de succès, révélant une certaine habileté à la guitare et une belle liberté de la part de l’artiste, ne s’emprisonnant pas dans des rythmes trop précis et mêlant les envolées lyriques au chant mi-parlé. Offrant une musique presque aussi apaisante que celle d’Agnes Obel, Castle a aussi charmé avec sa chanson finale, complètement a capella, mais la maladresse de ses mouvements et ses enchaînements rapides entre les morceaux, sans laisser la foule applaudir, ont révélé une artiste trop dans sa bulle qui ne réussit pas totalement à atteindre son public.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Louretta
2. Philharmonics
3. Beast
4. Pass Them By
5. Fuel to Fire
6. On Powdered Ground
7. Aventine
8. Between the Bars (reprise d'Elliott Smith)
9. Run Cried the Crawling
10. Dorian
11. Riverside
12. Spinet Song (titre provisoire)
13. Words are Dead
14. The Curse
Rappel
15. Close Watch (reprise de John Cale)
16. Smoke & Mirrors