MusiqueCritiques d'albums
Bob Dylan, aujourd’hui âgé de 71 ans, est sans contredit un monument dans l’histoire de la musique américaine. Son répertoire est tellement immense et son influence tellement significative qu’il est impossible de survoler son histoire sans consulter des biographies étoffées, des documentaires spécialisés ou des études sociologiques sur son œuvre. En 2012, il a fait paraître Tempest, son 35e album.
Une chose est certaine avec Tempest: Dylan n’ira pas chercher de nouveaux fans. À quoi bon de toute façon? Ceux qui n’aimaient pas sa voix dans les années 1960 l’aimeront encore moins en 2012. C’est un peu comme se plaindre qu’il pleut souvent en Angleterre: on fait avec et ça fait même partie du charme. Un autre point important à préciser est que Bob Dylan ne se réinvente pas. Dieu merci, car quelqu’un veut-il vraiment l’entendre expérimenter des sonorités du 21e siècle? Sur Tempest, Dylan y va du bon vieux mélange de country, folk, blues, rockabilly et rock n’ roll. Et le résultat est franchement, encore une fois, très solide.
Et c’est un Bob Dylan très sombre qui nous parle sur cet album: il y multiplie les références à la mort, à la colère, au meurtre, à la violence, aux catastrophes, etc. À l’opposé, son groupe et lui semblent en merveilleuse harmonie, affichant une assurance et une sérénité qui, lorsque placées avec les thèmes durs des chansons, laissent ressortir une ambiance assez étrange. La voix sale et usée, Dylan chante: «This is how I spend my days / I came to bury, not to praise / I’ll drink my fill and sleep alone / I pay in blood, but not my own». Septuagénaire cynique et toujours en colère, ce Dylan. Et sa prose est encore à la fois magnifique et percutante.
Mais il ne faut pas croire que l’album est sans fautes. À 68 minutes, Tempest aurait facilement pu être une quinzaine de minutes de moins. La chanson titre, surtout, est beaucoup trop longue avec ses quatorze minutes. Et bien que quelques compositions soient très fortes, on est évidemment très loin de ce qu’il a fait de mieux. De plus, «Early Roman Kings» est un copié-collé de la chanson «I’m a Man» de Bo Diddley (et de «Bad to the Bone» de George Thorogood), et devient rapidement lassante.
Pour le reste, Bob Dylan nous raconte des histoires qui tournent souvent au cauchemar. «Tin Angel» est une longue chanson folk qui décrit un triangle amoureux se terminant dans un bain de sang, ne laissant aucun survivant. C’est dans ces moments où Dylan est le plus efficace, car force est d’admettre qu’il est difficile de trouver un conteur aussi génial que lui.
La dernière chanson, «Roll on John», soutire des émotions un peu contradictoires. D’un côté, cet hommage à John Lennon nous replonge nostalgiquement dans les années 1970 et représente un clin d’œil musical à l’ex-Beatle avec sa mélodie piano/guitare acoustique. On peut se questionner sur la pertinence d’inclure une chanson hommage, 32 ans après l’assassinat de Lennon. D’un autre côté, d’entendre Dylan fredonner «I heard the News Today, Oh Boy», comme le chantait Lennon sur «A Day in the Life», représente tout de même quelque chose de spécial.
Tempest ne réinvente rien. Après tout, Dylan a déjà donné dans le domaine. Mais tant et aussi longtemps qu’il existera des artistes désirant raconter des histoires et faire vivre des personnages à l’intérieur de leurs chansons, Bob Dylan vaudra toujours le détour.
Appréciation: ***
Crédit photo: Sony Music
Écrit par: Mathieu St-Hilaire