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Crédit photo : Modular Recordings et www.facebook.com/tameimpala
D’une certaine façon, il a toujours été simple de comparer Tame Impala à la période psychédélique des Beatles comme leur style a constamment évoqué la plus belle folie musicale des années soixante, les cordes mises de l’avant. Avec son troisième album Currents, le groupe souhaite éviter de stagner et de se répéter musicalement en osant un bond en avant où un changement de décennie se fait ressentir. Désormais, exit les sixties; on semble ici s’ancrer davantage dans les années 70 et à sa plus grande diversité musicale.
Le disque met la table avec une pièce-fleuve de près de huit minutes intitulée «Let It Happen». Avec un air de déjà vu, on divague rapidement dans un très long jam des plus planants, donnant l’impression de se rediriger vers des horizons familiers. Il ne faut pourtant pas s’y fier puisque les chansons qui suivent n’hésitent pas à surprendre l’auditeur au détour. Après tout, qui aurait pu envisager une pièce disco aussi contagieuse que l’excellente «The Less I Know The Better»? Cette dernière semble tout droit sortie d’un disque de Foster the People, alors que la pièce «The Moment» commence exactement comme un tube de Pharrell! Une démonstration claire que leurs inspirations sont désormais des plus variées.
Il y aussi ce virage plus R&B qui ponctue la totalité de l’odyssée musicale de près d’une heure que le groupe nous livre. Si le court intermède «Gossip» pourrait s’être échappé d’un vieux disque de Daft Punk, «Nangs» va rejoindre les rangs de R. Kelly. De son côté, «Past Life» n’hésite pas à faire l’usage d’une voix modifiée où une tonalité grave évoquant la vision clichée qu’on a de l’enfer dicte des paroles qui hantent toute la chanson.
En revisitant les instruments utilisés, les membres du groupe diminuent significativement leur usage des guitares, qui étaient jusqu’ici leur signature principale. En virant de cap pour accentuer davantage l’utilisation des synthétiseurs, le groupe rend ainsi son psychédélisme toujours aussi planant, mais peut-être un brin plus aérien et moins agressif. Il faut en parler à la sublime «’Cause I’m a Man», hymne remarquable sur la simplicité, le regret et l’acceptation de ses défauts, qui priorise la voix de Kevin Parker et la batterie, qu’on avait tendance à reléguer à l’arrière-plan.
Il y a fort à parier qu’en aréna on n’aura pas à faire prier la foule pour clamer en coeur le sincère et crève-coeur refrain «Cause i’m a Man, Woman. Don’t always think before I do.». Une énorme évolution dans la perspective des propos quand on considère qu’il y a trois ans le groupe ne montrait aucune gêne à clamer «Keep on lying»!
Bien sûr, à l’instar de Mumford and Sons qui est passé du folk au rock à saveur pop, cet audacieux changement de cap ne sera pas nécessairement accueilli avec enthousiasme par tous. Ce passage «obligé» pour Tame Impala prouve toutefois l’ambivalence du groupe qui n’a pas peur d’explorer et de se réinventer sans surfer sur son propre succès. Après tout, la dévorante tentation d’offrir une démultiplication de leur tube «Elephant» de l’album précédent, qui a été utilisé à toutes les sauces, aurait été envisageable, piège de la renommée que le groupe semble avoir évité avec classe.
En effet, en explorant de nouveaux horizons, tout en ne manquant pas de nous donner encore assez de matériel pour se déhancher, fredonner et chanter à tue-tête, Tame Impala se réinvente avec brio. Avec des pièces comme «Eventually», «Reality in Motion» et «Yes I’m Changing», toutes plus accrocheuses les unes que les autres, le groupe prouve qu’il aura toujours ce petit quelque chose pour nous assurer que ses membres n’ont pas poussé leur dernière note.
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de la rédaction