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Crédit photo : www.fatherjohnmisty.com
De par sa grande arrogance, Father John Misty tape probablement sur les nerfs de bien des gens. Tant mieux, car l’arrogance ou la prétention sont deux traits de personnalité malheureusement en voie de disparition dans la musique rock de nos jours. Avec la prétention vient souvent l’ambition, et Pure Comedy en est remplie. Pas nécessairement au niveau de la facture sonore, quoique les pièces soient superbement arrangées, mais bien en ce qui a trait aux grands thèmes abordés par le chanteur. La portée derrière cet album est très large, Misty jouant avec le drôle et le sérieux à travers des questionnements existentiels qui le préoccupent.
Et c’est ce qui le rend au fond très attachant en tant qu’artiste: bien que son image soit un tantinet condescendante, ses inquiétudes sont réelles et le rendent, par le fait même, hyper vulnérable. «I hate to say it / But each other’s all we got», réalise-t-il d’entrée de jeu sur la chanson titre, de la même façon que Bowie, ou encore Ziggy, en arrivait à la même constatation («I never thought I’d need so many people») sur «Five Years» en 1972. Et comme Ziggy, Father John sent la disparition de l’être humain sur la pièce suivante, «Total Entertainment Forever»: «A frozen smile on every face / As the stories replay / This must have been a wonderful place». Dans la vidéo, Kurt Cobain, joué par Macaulay Culkin, se fait crucifier pendant que Bill Clinton joue du saxophone avec un cigare entre les orteils.
Avec l’arrogance vient l’assurance, et Josh Tillman (son vrai nom) est encore plus confortable et assumé dans ses critiques et dans ses observations de cette planète sur laquelle nous vivons. Musicalement, il est aussi davantage confiant en ses moyens, comme il est possible de constater de par ses quelques pièces qui dépassent les dix minutes. Son sens de l’humour est tout aussi dévastateur, comme sur la brillante «Ballad of the Dying Man», où le protagoniste hyper-narcissique ne peut s’empêcher d’aller voir son fil de nouvelles sur Facebook avant de prendre son dernier respire.
Ailleurs, Tillman est capable de jouer la carte de l’autodérision tout en décochant des phrases assassines envers ceux et celles qui ont le reproche facile: «Oh great that’s just what we all need / Another white guy in 2017 / Who takes himself so goddamn seriously», chante-t-il sur «Leaving L.A.», avant de poursuivre en ajoutant: «She’s not far off, the strange thing is / It took me my whole life to learn to play the G». Et comme un certain Morrissey, Father John possède une prose à la fois hilarante et déprimante. D’ailleurs, ses titres de chansons ressemblent beaucoup à ceux de l’ex-chanteur des Smiths, tels «Things that would Have Been Helpful to Know Before the Revolution» ou «When the God of Love Returns There’ll be Hell to Pay».
Au niveau musical, rien n’est complètement différent de l’album précédent, ne serait-ce que Tillman pousse plus loin sur tous les aspects, question de bien s’épouser aux idées de grandeur de ses paroles. Ses inspirations demeurent bien ancrées dans les années 1970 et ses ballades épiques folk-piano font encore parfois penser à Elton John (impossible d’écouter «Ballad of the Dying Man» sans penser à Elton). «Smoochie» est davantage country et fait penser aux sonorités que l’on retrouvait sur le Sea Change de Beck (album important), où Misty parle ouvertement de sa dépression. D’après ses dires, Josh Tillman a arrêté de consommer drogues et alcool, qui devenaient un problème important dans sa vie.
Pure Comedy est donc un remède pour les cyniques un peu partout. Par contre, il prend du temps à faire effet dû à ses plus longues compositions qui donnent à l’album un aspect très linéaire et homogène. On a l’impression que Father John Misty a peut-être atteint la destination désirée: «The piano player’s playing ‘This Must Be the Place’ / And it’s a miracle to be alive», déclare-t-il à la toute fin de «In Twenty Years or So». Sauf que connaissant l’artiste, il y a de très fortes chances qu’il y ait plusieurs autres niveaux à ce genre de phrase. Alors on y retire ce que l’on veut.
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de la rédaction