«Les albums sacrés»: les 20 ans de Is This It des Strokes – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: les 20 ans de Is This It des Strokes

«Les albums sacrés»: les 20 ans de Is This It des Strokes

New York, à la bonne franquette

Publié le 26 août 2021 par Édouard Guay

Crédit photo : RCA Records

Pour récolter les grands honneurs, certains artistes doivent sortir l’artillerie lourde, se munir d’une armée de producteurs, faire des pétarades, ou bien nous lancer de la poudre aux yeux. Mais d’autres tirent leur épingle du jeu en restant d’une simplicité déconcertante, parfois même en étant nonchalants, très lo-fi, sans flafla ni ego. Inutile de vous dire que The Strokes fait partie de la deuxième catégorie. C’est particulièrement vrai avec Is This It, le premier long jeu mythique de la formation new-yorkaise, sorti il y a (déjà) 20 ans.

Paru quelques mois à peine avant le grand bouleversement du 11 septembre 2001, Is This It allait lui aussi causer un grand bouleversement (musical celui-là) en redéfinissant le son garage rock qu’on croyait mort et enterré à l’époque.

Julian Casablancas et sa bande y évoquaient l’ère moderne de la jeunesse new-yorkaise de l’époque pré-9/11, sur fond de sexe, de drogue, de rock ’n’ roll… mais aussi de désillusion.

Quand le passé rencontre le futur

Recréant des sonorités rappelant les drum machines (ou boîte à rythmes en bon français) et reproduisant l’énergie brute d’un concert live, Is This It était une vraie bouffée d’air frais pour le rock du début du millénaire. Mais ça n’empêchait pas The Strokes de puiser dans plusieurs influences du passé pour s’inspirer: de Television à The Velvet Underground, en passant par The Cure ou Guided By Voices.

«On voulait sonner comme un groupe du passé qui fait un voyage temporel dans le futur pour faire son album», expliquait d’ailleurs Julian Casablancas lors d’une entrevue. Il ne pouvait pas mieux décrire la production de l’album, signée Gordon Raphael, qui s’avère être une parfaite harmonie entre la nostalgie du passé et la volonté de proposer quelque chose de nouveau.

Le groupe (Casablancas en particulier) allait s’avérer particulièrement insistant, pour ne pas dire intransigeant, quant à cette ligne directrice, quitte à donner quelques sueurs froides à RCA, la maison de disques qui les avait fraîchement signés. Quitte aussi à refuser de travailler avec le grand Gil Norton (architecte de Doolittle des Pixies) parce qu’il ne cadrait pas avec la vision du groupe.

C’était une proposition à prendre ou à laisser (pardonnez-moi ce clin d’œil peu subtil à «Take It Or Leave It», la dernière chanson de l’album).

La dégaine Casablancas

Dépeigné, flanqué de souliers Converse et de jeans troués, beau gosse mais négligé, Julian Casablancas allait, dès ses premières apparitions sur scène, imposer un charisme, un look et une dégaine bien à lui. Une attitude et un style qui cadrent parfaitement avec l’esprit garage et sans prétention des Strokes.

Malgré leur apparente nonchalance et leur volonté de garder les choses simples, le quintette nous a proposé un album où tout est parfaitement calculé: la batterie de Fabrizio Moretti est précise comme un métronome, chaque note de guitare de Nick Valensi et d’Albert Hammond Jr est à sa place, et les lignes de basse de Nikolai Fraiture, malgré leur simplicité, enrobent le tout avec panache. Le deuxième morceau «The Modern Age», en est d’ailleurs un bon exemple.

Ce dernier vient trancher avec le morceau d’ouverture, la ballade pop «Is This It», qui prête son nom à l’opus.

Par la suite, on assiste à un feu roulant de bon rock ’n’ roll moderne, fougueux et accrocheur qui allait faire la renommée des Strokes. Pensons à des titres comme «Last Nite» ou «Hard to Explain», qui allaient devenir des incontournables dans le répertoire du groupe.

La Grosse Pomme… pour le meilleur et pour le pire

Même si New York et les histoires qui la composent sont au cœur même des thématiques de Is This It, l’album a tardé à être commercialisé en sol américain. C’est que The Strokes avait choisi de le sortir par vagues, c’est-à-dire au fil des pays que le groupe visitait en tournée.

Ainsi, Is This It est d’abord sorti en Australie en juillet. Puis, ce fut le Japon et le Royaume-Uni qui ont pu le découvrir en août, ensuite les États-Unis en… septembre 2001. Inutile de vous dire que la sortie américaine de l’album a été quelque peu perturbée par les attentats.

Cette grande tragédie a d’ailleurs incité le groupe à modifier quelque peu la composition de l’album. Le morceau «New York City Cops», qui se moque ouvertement de la police new-yorkaise, sera retiré de la version américaine au profit de la plus méconnue «When It Started».

Le groupe a fait ce choix en signe de respect pour l’héroïsme des premiers répondants lors de ce jour funeste.

Bien vu, parce qu’on imagine bien qu’avec des paroles comme «New York City Cops, they ain’t too smart», le scandale aurait été grand! C’est avec ce genre de décision que le groupe prouve tout le grand amour et le respect qu’il voue à sa métropole, malgré les critiques et les railleries qu’ils peuvent étaler au fil des compositions.

Ponctué de multiples vignettes du quotidien dans la ville qui ne dort jamais, Is This It nous transporte dans tout ce que New York a de plus beau et de plus laid à offrir. Et, vingt ans plus tard, force est de constater que les compositions et les thématiques de ce long jeu majeur n’ont pas pris une ride et que, comme la ville qui l’a inspiré, il ne dormira jamais.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 9 septembre  2021.  Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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