«Les albums sacrés»: le 20e anniversaire de «Different Class» de Pulp

Le groupe se forme en 1978 (vous avez bien lu) et il se passera trois générations musicales avant que le public ne tombe finalement en amour avec eux au milieu des années 1990. On parle ici d’un parcours inhabituel pour un groupe qui a dû, selon leurs dires, développer un immense sens de l’ironie afin de composer avec tous ces insuccès. La vague britpop amènera finalement Oasis, Blur, Elastica et les toujours négligés Pulp au sommet des palmarès en Angleterre.

L’une des deux grandes forces de Pulp réside tout d’abord en Jarvis Cocker, leader charismatique à la plume formidable, lequel est constamment préoccupé par le sexe, la marginalité et les classes sociales en Angleterre. L’autre grande force de ses musiciens est cette aisance qu’ils ont pour écrire des chansons pop parfaites et qui ont le potentiel de devenir des hymnes. Different Class en est d’ailleurs rempli. Le premier single, paru bien avant la parution du disque, atteindra la deuxième position dans leur pays natal.

«Common People» est toujours aussi indispensable aujourd’hui qu’à sa sortie en mai 1995 et demeure sans doute l’une des meilleures pièces des années 1990. Cocker y raconte l’histoire de cette chic fille bourgeoise désireuse de vivre comme les «gens normaux» de la classe ouvrière, pour mieux se faire remettre la réalité en plein visage par son copain issu du milieu pauvre: «You’ll never fail like common people / You’ll never watch your life slide out of view / And then dance, and drink and screw / Because there’s nothing else to do». La chanson jouera en boucle en Angleterre et on demandera à Pulp de remplacer les Stone Roses comme têtes d’affiche à Glastonbury. Ils livreront l’une des meilleures performances de l’histoire du festival.

Different Class contient des pièces figurant parmi les plus délicieuses de l’histoire du groupe. «Mis-Shapes», qui ouvre le bal de brillante façon, est un cri de ralliement pour exclus et inadaptés qui se font tabasser le samedi soir par des voyous. Ailleurs, «Disco 2000» est une chanson disco-pop avec un refrain ridiculement accrocheur où Cocker revient sur un ancien amour qui ne s’est jamais concrétisé, laissant le narrateur avec un sentiment de regret devant ce constat de vide. «I Spy» est une longue chanson donnant dans la pop noire avec une ambiance ultravoyeuriste.

Jarvis Cocker et sa bande étaient les plus sophistiqués et théâtraux de toute cette vague de groupes britanniques. Et Cocker n’avait rien à envier aux attitudes imprévisibles et irrévérencieuses des frères Gallagher ou de Damon Albarn, allant même jusqu’à interrompre une prestation beaucoup trop léchée de Michael Jackson aux Brit Awards 1996.

Pulp produira deux autres albums par la suite: le sublime This Is Hardcore (1998) et le sous-estimé We Love Life (2001). Le groupe aura vendu plus de dix millions d’albums après sa séparation en 2003. Depuis, les membres se sont réunis à quelques reprises pour des concerts, mais il est fort probable qu’ils n’enregistrent plus jamais de nouveau matériel. Nous pouvons toutefois retourner à un album comme Different Class et réaliser que, parmi leurs pairs, ils étaient dans une classe à part.

La prochaine chronique à surveiller le 28 mai prochain: l’album «About Time» de Pennywise. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.