«Gesamtkunstwerk» des Dead Obies – Bible urbaine

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«Gesamtkunstwerk» des Dead Obies

«Gesamtkunstwerk» des Dead Obies

Jubilation totale

Publié le 7 mars 2016 par Édouard Guay

Crédit photo : Bonsound et www.facebook.com/deadobies

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la parution de Montréal $ud, l’excellent premier album des Dead Obies, en 2013. Outre le débat sur la langue qui en a découlé, les six membres du groupe ont propulsé le rap québécois à un autre niveau, plus expérimental et libre. Portés par leur flow unique, aux textes franglais-créoles teintés d'humour et de surréalisme, les gars des Dead Obies ont su tirer leur épingle du jeu de brillante façon, n’en déplaise à tous les Christian Rioux de ce monde.

Très loin de se laisser abattre par les discussions sur la nature «colonialiste» de sa musique, le groupe continue d’avancer, explorant de nouveaux horizons sur Gesamtkunstwerk («œuvre d’art totale» en allemand), un disque moins sombre et plus accessible, qui risque forcément de leur ouvrir un nouveau public, tout en conservant les amateurs de première heure. Le tout est livré avec un plaisir contagieux tel que symbolisé par la dernière phrase de l’album: «If you ain’t here to play, then why you came in the first place?»

«Dead-O on the road again!», lance d’entrée de jeu 20Some sur «Do 2 Get». Le groupe est de retour, et plus en forme que jamais. Après une tournée à travers le Québec, Yes McCan, Snail Kid, 20Some, Joe RCA, OG Bear et VNCE ont décidé de mettre l’énergie du concert au centre de leur démarche artistique, inspirée par le concept de «spectacle social» de l’essayiste Guy Debord.

Enregistrées lors de trois séances d’enregistrements live au Centre Phi en octobre dernier, les nouvelles compositions sont très bien rendues et l’ambiance de grand-messe devant public donne à l’ensemble une couleur toute particulière, qui rappelle un peu «Les Fourmis» de Jean Leloup, où des pièces retravaillées en studio gardent le côté vivant d’une foule qui jubile.

L’ajout de musiciens et de choristes donne une profondeur à la proposition et confère un plaisir d’écoute plus vif que sur Montréal $ud. Les fans prennent une place centrale, alors qu’on les entend chanter et commenter au fil des pièces. Même seuls dans nos salons, on a l’impression d’être avec eux et d’assister au spectacle. On ressent ce grand travail d’équipe où chaque personne a son importance.

Gesamtkunstwerk est donc bien plus qu’une œuvre matérielle et marchande: c’est une manière de penser où l’auditeur est partie prenante. Ainsi, les Dead Obies sont en parfaite cohérence avec le titre de l’album, à mi-chemin entre studio et live, entre collectif et individuel, entre cœur et tête, visuel et audio, vrai et faux… Cette approche hybride fonctionne très bien en cette ère des selfies et des réseaux sociaux au sein de laquelle le spectateur est plus que jamais un membre à part entière d’un groupe musical.

Contrairement à Montréal $ud, qui se consommait comme un tout, ce nouvel album peut aisément s’écouter à la pièce, et dans le désordre; l’expérience musicale s’en retrouve ainsi améliorée pour ces mélomanes qui ont du mal à être attentifs durant 80 minutes. En ce sens, l’album aurait gagné à être resserré. Il y en a pour tous les goûts sur Gesamtkunstwerk, bien qu’on aurait pris un peu plus de mordant par moments.

Le groupe passe allègrement d’hymnes accrocheurs un brin pop, comme «Waiting, «Jelly» ou «Wake-Up Call», à des morceaux plus sauvages («Where They @», «Moi pis mes homies», «Aweille!») et d’autres plus sombres («Lil’ $», «Oh Lord», «Explosif»). 

N’allez pas croire, par contre, que les Dead Obies ont vendu leur âme pour autant. Gesamtkunstwerk, bien que plus accessible, ne fait pas de concessions: «On ne fera jamais d’argent avec cet album-là», disait récemment Yes McCan lors d’une entrevue accordée à Voir. Au diable les subventions, les textes sont toujours aussi originaux et hybrides, et le flow particulier de chaque membre est plus fort que jamais.

Les productions de VNCE sont plus discrètes mais diablement efficaces. Les cuivres et les chœurs viennent agrémenter la facture sonore.  La voix d’OG Bear, à la A$AP Rocky, se révèle excellente pour des hooks accrocheurs, comme sur l’irrésistible «Waiting». Yes McCan est toujours aussi doué, tandis que Snail Kid et Joe RCA nous offrent plusieurs des meilleures lignes de l’album.

Tant pis pour les haters et les puristes de la langue: les Dead Obies sont plus vivants que jamais et n’ont plus besoin de se justifier: «J’ai pas de réponses pour tes questions, j’ai pas de leçons à donner à personne», tranche RCA sur «Everyday»En bons guerriers, ils tracent leur propre chemin, gagnant de nouveaux adeptes au passage.

Avec ce deuxième album varié et vivant, puissant et mélodieux, ils avancent dans la bonne direction et n’ont aucun regret, confirmant le côté assumé de la proposition, qui saura forcément prendre toute sa signification sur scène.

L'événement en photos

Par Bonsound et www.facebook.com/deadobies

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