MusiqueEntrevues
Crédit photo : Mathieu Huard
Un vendredi matin comme un autre, nous avons composé un indicatif régional qui nous est peu familier pour établir une connexion entre Montréal et Québec afin de pouvoir poser quelques questions à l’artiste de l’heure. À l’autre bout du fil, Hubert nous avoue d’emblée que lui non plus ne sait pas trop comment il vit ça, ce succès-là. «L’été passé, quand j’enregistrais, le monde à qui j’en parlais s’en foutait vraiment. Un opéra postmoderne multidisciplinaire… les gens étaient comme “Ouin, ok.”, raconte-t-il. J’avais un peu fait mon deuil que ça allait être un de ces projets qui passent sous le radar.» Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est tout le contraire qui s’est passé.
Après une longue tournée avec son groupe The Seasons, le retour à la maison avec sa copine (et gérante), Noémie D. Leclerc, qui était alors en pleine écriture de son premier roman, a été en quelque sorte l’élément déclencheur pour Darlène. Une volonté de créer quelque chose, de faire de l’art, et pas seulement des chansons, s’est manifestée dans le petit appartement qu’ils partageaient. Alors que Noémie écrivait Darlène, le roman, Hubert, lui, écoutait du motown, du soul et du jazz en continu et mijotait la trame sonore de cette histoire de coming of age et de liberté.
L’album en tant que tel a été très pensé et travaillé avant même l’entrée en studio. «J’avais mes petits cartons que je plaçais en ordre avec la progression que je voulais pour l’album.» Par exemple, pour la pièce «Fille de personne I», qui ouvre Darlène, le compositeur savait qu’il voulait une intro au piano dans un style en particulier, et ce qui se trouve sur l’album est en fait une improvisation dans le style voulu par le pianiste Vincent Gagnon. Il a également travaillé avec Alexandre Martel à la réalisation (Mauves, Anatole), Ben Shampouing (Keith Kouna, Tire le coyote) et Jean-Étienne Collin Marcoux du Pantoum.
S’il a parfois douté que le projet soit «trop pensé», cela n’a pas empêché Hubert de voir l’album comme un ensemble. «Il y a beaucoup de monde qui ne jure que par le feeling, l’authenticité, d’y aller sans réfléchir. Je comprends ce courant de pensée là, mais je trouve ça intéressant de savoir où tu t’en vas, un peu comme quand tu fais un film. Pour moi, la technique utilisée c’est juste un outil.»
Sans critiquer les artistes qui montent un album lorsqu’ils ont assez de morceaux de «prêts», Hubert préfère travailler en termes d’albums plutôt qu’en termes de chansons. «Pour moi, ce n’est pas primordial de servir la chanson à tout prix. J’aime ça mettre des bonnes chansons sur l’album, mais j’aime plus écrire un album que d’écrire des tounes, explique-t-il. Je trouve que dans un monde où les artistes savent plus trop où aller parce qu’il n’y a pas d’argent en musique, on devrait peut-être pas *juste* faire des albums, mais faire des oeuvres plus complètes, qui ont un impact sur la société.» Ce n’est peut-être pas la façon dont l’industrie voit la chose à l’heure des singles et des playlists, mais cela ne semble pas trop déranger le principal intéressé: «Moment donné, on n’est pas venu en musique pour être riche».
«T’es juste au début, t’es juste au milieu du début»
Cette histoire de jeunesse, d’émancipation, d’amour et de liberté vient réveiller quelque chose de bien particulier chez nous, mais Darlène, l’album, ce n’est que le début de quelque chose de plus grand, nous promet-on. Paraitront bientôt un film (qui n’est pas documentaire, mais plutôt autobiographique, précise Hubert) et une série d’illustrations par Gabriel Lapointe. Darlène, le roman de Noémie, est déjà sur les tablettes et se veut l’«âme soeur» littéraire de l’album. Hubert, lui, prépare déjà quelque chose pour l’automne. Une performance artistique qui s’interrogera sur la création musicale, mais dont on ne peut pas encore vraiment parler…