«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Whatever People Say I Am, That's What I am Not» d'Arctic Monkeys – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Whatever People Say I Am, That’s What I am Not» d’Arctic Monkeys

«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Whatever People Say I Am, That’s What I am Not» d’Arctic Monkeys

Ascension instantanée

Publié le 21 janvier 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Gracieuseté http://ryanstilla2.tumblr.com/

Don’t believe the hype, lançait le groupe Public Enemy à la fin des années 1980. Il est bien connu que la presse aime souvent faire monter les attentes envers un groupe en y allant d’un battage médiatique complètement démesuré. Le quatuor de Sheffield Arctic Monkeys est passé par ce ridicule tourbillon il y a dix ans maintenant, à la sortie de son premier album Whatever People Say I Am, That’s What I Am Not. À une époque où les revues musicales tentent de trouver les sauveurs du rock chaque semaine, les singes de l’Arctique deviennent instantanément la cible de choix: des comparaisons absurdes avec les Beatles, des allusions fréquentes au meilleur album britannique de tous les temps, une couverture abusive et obsessive dans les pages des hebdomadaires musicaux, etc. Tout y est. Plutôt incroyable, et surtout admirable, que le groupe ait réussi à survivre malgré toute cette pression.

En effet, si plusieurs les portent aux nues, l’effet inverse est tout aussi réel: nombreux sont ceux qui les condamnent dès le départ, suspicieux devant tout ce tabac journalistique. Et après tout, de nombreux groupes se sont effondrés dans de pareilles conditions, alors pourquoi serait-ce différent avec les Monkeys? La réponse à cette question est très simple : parce que le groupe a plusieurs cartes dans son jeu.

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Tout d’abord, malgré leur jeune âge, les membres du groupe sont plutôt futés. Ils nomment d’ailleurs leur premier album en référence à un roman d’Alan Sillitoe, Saturday Night and Sunday Morning, qui emprunte sensiblement les mêmes thèmes que les paroles du chanteur Alex Turner, soit les sorties nocturnes des jeunes Anglais. D’ailleurs, ce Turner est une force en soi: il est un fin observateur préoccupé par les récits du quotidien, particulièrement les relations gars-fille. Cliché, mais intemporel.  «Anticipation has a habit to set you up / For disappointment in evening entertainement», lance-t-il d’emblée sur «The View from the Afternoon», qui témoigne intelligemment des attentes irréalistes avant une sortie en boîte de nuit. Il est même possible de faire un parallèle avec les éloges disproportionnés que reçoit le groupe. Des singes avec de la bonne matière grise, en somme.

Autre élément à ne pas négliger avec les Arctic Monkeys: le groupe joue très très bien. Et ils sont à leur meilleur lorsqu’ils foncent à cent mille à l’heure. Leurs riffs mordants et urbains sont tricotés de manière très serrée avec la section rythmique. Musicalement, ils sont les enfants adoptifs du groupe punk irlandais The Undertones. Le premier single est d’ailleurs sensationnellement irrésistible: «I Bet You Look Good On the Dancefloor», au titre assez explicatif, est une bourrée d’énergie de trois minutes qui injecte juste la bonne dose de testostérone. «Just banging tunes and DJ sets… / And dirty dancefloors and dreams of naughtiness!», rêvasse Turner. «Dancing Shoes», qui sonne drôlement et sûrement délibérément comme Franz Ferdinand, emprunte les mêmes planchers de danse.

Malgré les thèmes intemporels, le groupe est indiscutablement de son époque. En effet, les Monkeys utilisent à merveilleux escient cette chose que l’on appelle Internet. Par le biais de leur site MySpace, le groupe offre gratuitement leurs chansons à leurs fans, question de séduire davantage les amateurs. Ils s’assurent de cette manière un suivi beaucoup plus large et beaucoup plus direct que la couverture des gros magazines britanniques peut offrir. Le résultat ne ment pas: Whatever People Say I Am, That’s What I Am Not devient l’album dont les ventes s’écoulent le plus rapidement pour une première offrande d’un groupe en Angleterre (détrônant Elastica).

Impossible de parler du premier disque des Arctic Monkeys sans faire mention de l’une de leurs meilleures compositions, la vibrante «A Certain Romance», qui met un terme à l’album de glorieuse façon. Musicalement, la pièce est non seulement la plus achevée et la plus spectaculaire du lot, mais le texte d’Alex Turner reflète à la fois une critique d’une partie de la jeunesse anglaise et également un retrait de cette critique à la toute fin, réalisant que plusieurs d’entre eux sont en fait ses amis. «There’s only music, so that there’s new ringtones», exprime Turner avec un certain dédain à propos d’un manque de profondeur de plusieurs jeunes fêtards anglais. Et à la fin, malgré leur douchebagisme évident, le chanteur ne peut les détester complètement: «And they might overstep the line / But you just cannot get angry in the same way». Un petit chef-d’œuvre de chanson.

Aujourd’hui, Arctic Monkeys est l’un des groupes les plus constants et respectés de la planète. D’ailleurs, alors que l’histoire nous a fait connaître une panoplie de bons groupes rock britanniques à toutes les générations depuis plus de cinquante ans, force est d’admettre qu’il manque cruellement de bons groupes rock anglais depuis une dizaine d’années. Les Monkeys se démarquent vraiment du peloton dans la dernière décennie et à en juger par leur dernier album AM paru en 2013, tout indique qu’ils demeureront une force imposante du Royaume-Uni au cours des prochaines années. Nombreux sont ceux qui les ont qualifiés de stars d’un soir dû à leur ascension instantanée. Avec le recul, Whatever People Say I Am, That’s What I Am Not prouve que certaines paroles doivent être ravalées.

La prochaine chronique à surveiller le 28 janvier prochain: l’album «Endtroducing…..» de DJ Shadow. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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