«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Back To Black» d’Amy Winehouse – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Back To Black» d’Amy Winehouse

«Les albums sacrés»: le 10e anniversaire de «Back To Black» d’Amy Winehouse

L'insoutenable lourdeur de l'être

Publié le 24 novembre 2016 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Universal Records

Cette chronique a presque les allures d’une tragédie grecque, car nous connaissons tous le dénouement de cette histoire; la chanteuse soul a perdu la vie à l’âge de 27 ans et a laissé pour héritage deux excellents albums studio: Frank (2003) et Back To Black (2006). Une vie tumultueuse, un talent unique et une mort effroyable la consacreront parmi les grands de ce monde.

Amy Jade Winehouse vit le jour à Southgate (Londres) en 1983. Alors qu’elle est enfant, elle se découvre une affinité pour la musique et elle s’investit complètement. Son amour du jazz lui est inculpé par sa famille; ses parents en écoutaient à la maison et certains de ses oncles étaient des musiciens jazz. À l’adolescence, elle étudie la musique dans des écoles spécialisées. En 2002, elle obtient un contrat particulier, voire secret. Elle chantait dans des clubs et gagnait un salaire, mais elle ne pouvait pas travailler sur un album, car la maison de disque souhaitait la «développer» en tant qu’artiste. Ce n’est qu’un an plus tard qu’elle lança Frank, un disque qui a enchanté la critique et les amoureux du jazz.

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L’album fut réalisé par Salaam Remi, qui a travaillé avec The Fugees. Il sera de retour pour Back To Black, mais il y a également un nouveau collaborateur; Mark Ronson (Adele, Bruno Mars et Lady Gaga), un réalisateur-musicien-DJ et amoureux de la musique funk et rap. Je pense que c’est lui qui a permis à Winehouse d’aller plus loin et de mieux exploiter son talent. En fait, Ronson a dit, en entrevue, avoir été étonné de constater à quel point elle savait ce qu’elle voulait.

Et sa vision est probablement l’aspect le plus captivant de sa musique. Elle offre un amalgame de paroles franches (et même crue) qui contrastaient avec ses mélodies feutrées, très ancrées dans le soul, le motown et le jazz. Sa voix de contralto était le complément parfait. Sa musique n’était pas le fruit d’une expérimentation interminable ou d’un désir de créer quelque chose d’inédit. Elle a préféré embrasser les sons de sa jeunesse, avec des artistes tels que Frank Sinatra, Sharon Jones, Etta James, Billie Holiday, Sarah Vaughan et Dinah Washington.

Ce mélange des genres était aussi présent dans son apparence; bien qu’elle fût menue, elle arborait une perruque disproportionnée (beehive), un maquillage œil de chat très prononcé, portait des vêtements très féminins, les bras et la poitrine dénudés, ce qui nous permettait de voir ses imposants tatous. Elle s’était inspirée de Ronnie Spector, mais elle avait intensifié et modernisé le style de sa prédecesseure. Propulsée par le succès de «Rehab», elle devint une vedette de la musique contemporaine.

Une voix et une sensibilité uniques

Winehouse a, selon moi, créé l’un des meilleurs refrains qui soit, pour la chanson «You Know I’m No Good»: «I cheated myself / Like I knew I would / I told ya I was troubled / You know that I’m no good». Très simple par ses mots, mais terriblement lourd de signification. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une confession par rapport à sa nature, et pas seulement à propos de sa vie amoureuse. Mais, aussi, elle apparaît résignée. Elle sait qui elle est: une femme ayant une santé mentale fragile, terrassée par l’automutilation, la boulimie et la dépression. Elle était également toxicomane. Elle vivait un amour malsain qui la consumait.

Peut-être qu’inconsciemment, Winehouse savait qu’elle ne pourrait survivre à l’insoutenable. La chanson-titre de l’album, «Back To Black», fut accompagnée par un superbe vidéoclip en noir et blanc, où l’on aperçoit une Amy Winehouse endeuillée, suivant un cortège. On la voit, par la suite, se recueillir sur une tombe ayant pour épitaphe R.I.P. the Heart of Amy Winehouse (la version originale a été éditée suite à son décès et l’image de la pierre tombale fut censurée). L’histoire de cette pièce est inspirée par une rupture qu’a vécue la chanteuse. Son copain l’avait laissée pour reprendre avec une ancienne flamme. L’homme en question (Blake Fielder-Civil) et l’artiste ont eu une relation torride et chaotique; il l’a trompée, il a affirmé l’avoir initiée aux drogues dures. Elle se présentait intoxiquée sur scène et ne pouvait terminer ses spectacles; la police les a arrêtés pour violence conjugale… Et malgré tout, il était l’homme de sa vie et elle le mariera. Elle en divorcera aussi.

Lorsqu’elle chante «We only said goodbye with words / I died a hundred times / You go back to her / And I go back to / I go back to us», l’émotion dans sa voix est parfaite, jamais dramatique ou excessive. Ses textes sont d’une candeur incroyable, mais elle ne pleure pas; elle chante avec dignité. C’est cette façon d’interpréter qui donne tout son sens à sa musique. Et la beauté intemporelle de l’Anglaise est son authenticité, ses paroles sont vraies, tristes et pleinement senties. Le destin a été cruel envers elle et sa musique était le miroir de sa souffrance.

Elle mourut le 23 juillet 2011. Le coroner a établi la cause de son décès à une surdose d’alcool. Elle nous a quittés trop tôt, comme tant d’autres. Elle aurait été une musicienne fascinante à voir évoluer.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 15 décembre 2016. Consultez toutes nos archives au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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