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Crédit photo : Bonsound et Jerry Pigeon
Elle n’est pas perdue, la touche magique de Groenland qui nous envoûte encore grâce à ses hands claps, ses claviers chaleureux et la voix si particulière de sa chanteuse et principale parolière, Sabrina Halde, dès la pièce d’ouverture, «Nothing Personal». Les cordes sont présentes, les cuivres aussi, et on est tout de suite plongé dans une ambiance assez festive et enveloppante, malgré le rejet évoqué dans les paroles.
Mais dès «Distractions», on la sent généreusement soulignée, la nouvelle influence: le début très électro et les synthétiseurs gras, les sonorités de boîte de nuit, accentuées au refrain, créant un morceau très dynamique malgré les nuances apportées par les cordes graves. Groenland sort de sa zone de confort, mais est-ce que ça sort des sentiers battus pour autant? On en doute.
Et ça se poursuivra notamment avec les batteries électroniques de «Times of Survival» et le premier extrait radio, «Healing Sun», qui est enlevante, dynamique, et représente effectivement une bonne carte de visite en donnant le ton des nouvelles sonorités de l’album. Néanmoins, il faut saluer le magnifique travail d’arrangements et d’instrumentation, puisque les différents instruments se répondent et se complètent à merveille, en plus de créer une diversité plus que bienvenue dans le son.
Impossible, toutefois, de ne pas remarquer que presque chaque morceau de A Wider Space débute avec une introduction musicale originale et jolie, prometteuse, qui inclut plusieurs instruments, mais que dès que la voix de Halde se fait entendre, le préambule instrumental se tait. Soit celui-ci perd alors de ses instruments pour créer un soutien plus doux et délicat à la voix, soit il se transforme carrément en une ambiance complètement différente, ce qui fait que l’introduction n’est parfois même pas un bon indicateur du ton du morceau.
Faut-il leur en vouloir pour ce manque de cohérence? Ou faut-il plutôt célébrer cette liberté totale dont fait preuve Groenland, qui ne semble pas vouloir épouser les règles et évite d’ailleurs de s’empêtrer dans des formules préétablies de couplets et de refrains? On dirait que chacune de leur composition est presque ad lib, la sublime voix de Sabrina Halde allant là où elle veut, là où on ne l’attend pas forcément. Et même si on sent parfois que ces envolées libres servent plutôt à pouvoir placer une longue phrase dans les rythmes plus imposés par la musique, on se demande si ça n’est pas exactement là que réside toute l’unicité de Groenland?
On reste d’ailleurs complètement ébahis devant «Appalaches», qui comprend un revirement inattendu vers la fin, alors que les sonorités deviennent presque latines, très vivantes, avec des cuivres et des percussions omniprésentes. Il s’agirait certainement d’un moment d’anthologie en soit si ça ne détonnait pas autant avec le reste de la pièce qui est davantage dans un registre solennel, même grave, avec ses cordes tragiques. On n’aurait pas cru que c’était le temps à la fête, mais on salue tout de même l’inventivité. Les nouvelles explorations de Groenland ne sont donc pas toujours tout à fait réussies, mais il n’en demeure pas moins que cet opus s’écoute bien et est agréable à l’oreille dans son ensemble.
Pour le reste, on écoute «The Weather» pour retrouver les sonorités plus joyeuses et festives du premier album, ainsi que de magnifiques trompettes; la ballade pleine d’émotions «Cabin», qui nous fait dresser les poils sur les bras avec son introduction solennelle au piano, ses magnifiques cordes majestueuses, et sa belle sensibilité; puis, en finale, la chanson-titre «A Wider Space» pour sa douceur, sa voix enveloppante accompagnée d’abord uniquement d’un ukulélé – tiens, on le retrouve, lui! –, auxquels s’ajoutent de douces percussions, puis de belles cordes graves, pour créer une finale magnifique qui nous fait passer par toutes les gammes d’émotions, toutes les nuances et tous les instruments qui ont fait la richesse de ce nouvel album.
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de la rédaction