«Violet Bent Backwards Over The Grass» de Lana Del Rey – Bible urbaine

LittératurePoésie et essais

«Violet Bent Backwards Over The Grass» de Lana Del Rey

«Violet Bent Backwards Over The Grass» de Lana Del Rey

Un recueil de poésie nostalgique typiquement Del Rey!

Publié le 22 octobre 2020 par Vincent Gauthier

Crédit photo : Tous droits réservés / Site officiel de Lana Del Rey

Lana Del Rey, la chanteuse pop connue pour sa musique lente et sulfureuse, a dévoilé son premier recueil de poésie intitulé Violet Bent Backwards Over The Grass, paru le 28 septembre chez Simon & Schuster. Disponible également en livre audio depuis juillet, avec la musique du producteur Jack Antonoff, la version physique du livre permet à ses fans de porter un regard inédit sur son processus créatif.

«Thank you for bearing witness to my vastness», annonce la chanteuse-écrivaine au début du poème «The Land of 1,000 Fires». Composé de 30 poèmes et de plusieurs haïkus, ce recueil de poésie est une tentative pour l’auteure-compositrice de s’évader un temps de l’art contraignant de l’écriture de chansons, qui suit des codes stricts, avec des structures et des rythmes plus soutenus, afin d’obtenir un rapport à l’écriture plus libre et imagé.

Et le résultat est assez mixte: certains poèmes sont remplis d’imageries poignantes et d’introspection honnête, d’autres sont plutôt banales, voire superficielles.

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Une publication partagée par Lana Del Rey (@lanadelrey) le

«L.A. On My mind»

L’un des éléments les plus présents dans son livre, c’est la ville de Los Angeles, qui sert de métaphore à presque tous les éléments abordés. L.A. est un copain un peu froid et décevant qui fume à ses côtés dans son lit; L.A. et son trafic légendaire deviennent la trame sonore d’une histoire d’amour; L.A. est aussi le sujet principal de toutes les photographies captées par l’artiste pour illustrer son livre.

Le fait d’utiliser une ville pour parler de choses plus abstraites lui permet ici d’utiliser des manœuvres langagières intéressantes, mais parfois elle emprunte des clichés qui rappellent qu’aller droit au but, parfois, c’est plus poétique qu’emprunter des détours langagiers trop imagés.

«It’s just that I belong to no one, which means / there’s only one place for me / the city not quite awake / the city not quite asleep / the city that’s something else- something in between / the city that’s still deciding / how good it should be».

Ici, la tentative de l’autrice de décrire une révélation sur sa ville tourne un peu en rond. Et en se perdant ainsi dans ses pensées, c’est comme si elle ne disait plus rien, au final.

Plus loin, elle utilise des comparaisons entre des lieux mythiques de la cité des anges et certains états d’âme. Les émotions, invoquées de cette façon, deviennent forcément vagues pour ceux dont les endroits cités n’évoquent rien du tout.

Aimer avec un grand A

Comme sa musique en témoigne, Lana Del Rey est véritablement à son meilleur lorsqu’elle aborde le thème de l’amour et les relations complexes qu’elle entretient avec des hommes qui ne l’aiment pas à sa juste valeur.

Elle est capable de décrire avec brio les sentiments les plus complexes provoqués par le simple fait d’aimer quelqu’un sans aucune barrière. Et elle n’a jamais hésité à parler des aspects malsains qui surviennent inévitablement avec la passion amoureuse: «If I’m going to keep on living the way I’m living / I can’t do it without you. / My feet aren’t on the ground / I need your body to stand on / your name to define me / on top of being a woman / I am scared / and / ethereal / and […]»

L’une des qualités les plus impressionnantes de l’artiste, c’est d’être capable de mettre de l’avant le quotidien et d’en faire ressortir toute la beauté.

Que ce soit le moment de pur bonheur qu’elle ressent lorsqu’elle voit une jeune fille jouer toute seule dans un champ de fleurs, ou quand elle décrit une conversation téléphonique apaisante avec un amoureux, Del Rey est capable de faire briller chacun de ces moments furtifs dès qu’elle les aborde avec une vision directe, simple et ancrée dans son intériorité.

Elizabeth Grant 

Le meilleur poème du recueil est sans aucun doute «SportCruiser», une histoire en prose où, pour une des rares fois de la carrière impressionnante de la chanteuse, nous avons un aperçu direct et sans artifice de qui elle est réellement. À travers ce poème, la vedette désire passer incognito. Elle s’inscrit à des cours pour être pilote d’avion et pour apprendre à faire du voilier en se servant de son vrai nom, Elizabeth Grant.

Ignorant totalement son travail de pop star internationale, Del Rey décrit ses efforts pour apprendre à naviguer et à voler aux côtés d’enseignants qui dévoilent un côté d’elle-même qu’elle n’avait pas encore tout à fait mis de l’avant: son insécurité. Lorsqu’elle est dans le ciel avec son instructeur, elle est remplie de doutes. Elle craint de perdre le contrôle, ce qui l’amène à faire une manœuvre plutôt dangereuse. Ce dernier lui dit, avec une honnêteté rafraîchissante, pour elle, puisqu’il ne la traite pas comme une célébrité, qu’elle ne se fait pas confiance, ce qui crée en elle une remise en question importante: «I was horrified. Feeling as though I had somehow been found out. Like he knew me – how weak I was.»

Les instructeurs lui apprennent alors une leçon importante: si elle souhaite naviguer dans ce monde en toute confiance, elle doit s’écouter et prendre le temps de suivre ses instincts, ce qu’elle tente de faire à travers l’écriture ici et partout ailleurs dans ses albums: «All of this circumnavigating the earth / was to get back to my life / 6 trips to the moon for my poetry to arise / I’m not a captain / I’m not a pilot / I write / I write

Lana-Del-Rey-Violet-Bent-Backwards-Over-the-Grass-poetry-Bible-urbaine

Au final, un résultat assez mitigé

Violet Bend Over Backwards Over the Grass présente un éventail de moments très forts, d’autres, moins impressionnants, et jusqu’à présent, Lana Del Rey n’a pas encore prouvé qu’elle était capable de transposer la magie évocatrice et envoûtante de ses paroles au sein dun travail poétique. Elle y arrive brièvement lorsqu’elle projette ses idées dans le réel plutôt que dans l’abstrait.

L’auteure tente tant bien que mal d’arriver à une clarté d’esprit en analysant sa vie et ses émotions propres, mais ici, elle emprunte une posture davantage abstraite, ce qui dilue la portée poétique de son écriture, qui devient alors moins évocatrice.

D’ailleurs, elle souligne elle-même ce «problème» dans un poème en illustrant la façon dont elle conçoit l’écriture, mais qui, chez elle, souligne un manque: «Maybe an artist has to function a little bit above themselves if they really want to transmit some heaven […] Did you ever read the lyrics to ‘’People Are Strange’’ [By Jim Morrison]? He made no sense.» Cette critique s’applique à certains de ses autres poèmes, et elle le prouve avec les textes qui s’éloignent trop d’elle.

Avec l’arrivée imminente de son prochain album Chemtrails Over the Country Club et un second livre de poésie intitulé Behind The Iron Gates – Insights From an Institution, Lana Del Rey démontre qu’elle est en train de vivre un essor créatif et que ses inspirations sont encore bien présentes et actives.

Même s’il ne s’agit pas de son travail le plus étoffé, elle démontre bien, avec ce recueil, que sa plume est ravissante et toujours poétique. Et avec toutes les surprises et les changements de direction effectués durant sa courte mais impressionnante carrière, nous avons bien hâte de découvrir la suite!

Et vous, qu’est-ce que vous lisez en ce moment? Pour lire toutes nos critiques de livres, rendez-vous ici.

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Critiques d'albums Critique-Lana-Del-Rey-Ultraviolence-Universal-Music-Born-to-Die-Paradise-Bible-urbaine-Une-e1403527601663

«Ultraviolence» de Lana Del Rey

Vos commentaires

Revenir au début