«Victor Hugo vient de mourir» de Judith Perrignon – Bible urbaine

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«Victor Hugo vient de mourir» de Judith Perrignon

«Victor Hugo vient de mourir» de Judith Perrignon

Un peuple en deuil de son monument littéraire

Publié le 10 décembre 2015 par David Bigonnesse

Crédit photo : www.editions-iconoclaste.fr et Frédéric Stucin

Ils l’entendent et le lisent, mais personne ne veut faire face au tragique. La mort approche pour l’homme de lettres engagé, c’est inévitable. Et puis arrive la fameuse phrase qui scelle sa destinée hors du monde: Victor Hugo vient de mourir. Titre du roman de l’auteure et ancienne journaliste au Libération Judith Perrignon, la phrase renvoie à tout ce que le livre renferme. Un récit qui se déroule autour de la mort et de l’enterrement d’Hugo, son écho ainsi que son importance dans la société française du XIXe siècle.

D’emblée, l’auteure nous fait pénétrer dans les derniers moments de la vie de Victor Hugo, alors que le peuple ne veut pas croire qu’il mourra d’ici peu. Leur voix, leur immense plume, ne peut disparaître. Qui parlera en leurs noms, ces gagne-petit, pauvres travailleurs qui revendiquent des conditions de travail décentes et du pain sur la table? La fébrilité est dans l’air, les multiples groupes militants et classes sociales s’agitent, bien sûr différemment. Est-ce le moment de faire la révolution? songent les uns d’un côté, alors que de l’autre, on veut à tout prix éviter les débordements et envolées anarchistes.

Il faut dire que Judith Perrignon met tout en place pour nous faire plonger dans ce récit. Les crieurs de journaux s’activent dans les rues, la diversité humaine et professionnelle de l’époque est peinte assez rapidement, sans qu’elle soit réduite à l’esquisse, voire la caricature: les ouvriers, les républicains, les socialistes, les parlementaires, les prostituées et autres. Toute une galerie de personnages se présente au lecteur. Bien évidemment, la famille du créateur de Notre-Dame-de-Paris est présente à ses côtés, tels Jeanne et Georges, les enfants de son fils Charles décédé ainsi qu’Alice, veuve, désormais épouse d’Édouard Lockroy, entre autres.

On découvre dans Victor Hugo vient de mourir, parmi plusieurs, Féger, chef de la brigade du 16e arrondissement de Paris, Maxime Lisbonne, à la tête du journal L’Ami du peuple et Lissagaray, directeur de La Bataille. Des hommes au cœur d’une sphère publique qui bouillonne intensément. De surcroit, ces personnages ont bel et bien existé à l’époque du dramaturge.

Judith Perrignon, journaliste, écrivaine et essayiste. Cession de droit presse pour les Éditions Les Arènes jusqu'à mars 2018, hors achat d'espace. Paris, le 14 avril 2015 ©Frédéric STUCIN

Quant à l’histoire, elle se déroule en plusieurs pans, c’est-à-dire découpée par les étapes habituelles qui précédent et suivent le décès d’une personne; sauf qu’ici, il s’agit de Monsieur Hugo. Les décideurs politiques de la République ont entre leurs mains le sort du type d’obsèques de l’auteur des Misérables aura droit. Pendant ce temps, tous ceux qui tenaient l’homme en haute estime laissent couler des larmes sur leurs joues.

Afin d’illustrer l’importance de Victor Hugo dans la société française (et de son décès imminent), l’auteure nous fait suivre ce que les journaux écrivent, ce que les rapports faits par la police relatent, et varie ainsi la façon de déployer son récit. On retrouve les titres de la presse française comme Libération, Cri du peuple, Rappel et L’Intransigeant qui offrent une nouvelle perspective au lecteur. On se rend bien compte que tout se passe par les canaux de communication, de l’oral à l’écrit, des ouï-dire aux articles de journaux en fait. Comme aujourd’hui, à la différence que d’autres médiums n’existaient pas.

Les tensions et débats de la société sont aussi mis en relief grâce aux combats et convictions du poète, tels que l’anticléricalisme – Hugo ne veut point qu’un prêtre vienne à son chevet –, la justice sociale, les conditions de travail, etc. s’incarnent à travers des personnages et mouvements portant toujours ces causes que l’on sait intemporelles.

Au final, Perrignon a réussi à créer un bon roman, bien écrit, avec une utilisation de la description bien dosée et des personnages intéressants. Malgré tous ces éléments, à la fin de la lecture du livre, on ne reste pas marqué par Victor Hugo vient de mourir. On ne se sent pas imprégné de l’atmosphère qui entoure la mort de ce géant des lettres, de ce poète magistral. Avons-nous trop en tête justement la littérature de l’écrivain français avec son souffle et sa captation si fine de l’humain au cœur de sa société? Peut-être. Reste que le lecteur passera vite à autre chose, malheureusement.

«Victor Hugo vient de mourir» de Judith Perrignon, Éditions de L’Iconoclaste, 2015, 256 pages, 29,95 $.

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