LittératureRomans québécois
Crédit photo : Les Éditions La Semaine
L’histoire débute à Montréal, en août 1983. Nous nous retrouvons en compagnie de Marc Saint-Jean, avocat de profession, lequel se retrouve parmi les parfums des hommes du Manigances, le bar gai de Montréal, à la recherche d’une proie pour finir sa soirée. Un rituel qui le tient en vie depuis sa rupture avec Pierre Couture, et une activité prisée aussi de tout homme du Village. Ce sont les deux personnages principaux du roman, parmi d’autres qui seront également rois de leur propre histoire.
Ensuite, nous nous retrouvons au Lac Vert, en juillet 1979, où nous assistons à une scène sexuelle aride entre Marc et Pierre, puis le roman se poursuit de cette façon jusqu’à la fin, passant d’une histoire à l’autre, d’une époque à l’autre. Cette façon d’écrire est audacieuse, d’une part, puisque cela permet aux lecteurs d’avoir l’impression de suivre réellement plusieurs récits en même temps, mais peut devenir, d’autre part, un peu difficile à suivre. Seul bémol de ce roman de Chabot, si ça en est bien un.
Parmi les autres histoires du livre, nous retiendrons particulièrement celle des deux personnages principaux, qui développeront une relation amour-haine l’un envers l’autre. Marc sera également pris dans un tourbillon de procès, soupçonné de la mort d’un agresseur, et victime de jugements et de gestes désobligeants à l’égard de son orientation sexuelle, à une époque où l’homosexualité n’était pas aussi acceptée qu’aujourd’hui… L’un d’un sera également atteint du sida comme plusieurs autres personnages du roman et de l’époque, ce qui donne droit aux lecteurs de survoler des scènes plus qu’émouvantes.
Cette maladie fait partie du cœur du roman. Chabot nous fait un juste portrait de la réalité de celle-ci, au cœur de la ville de Montréal, laquelle a déjà tué des milliers de personnes et qui, encore aujourd’hui, ne cesse d’éliminer des gens. Nous accompagnerons des personnes sidatiques, passant de l’annonce du diagnostic à la détérioration de leur santé et, surtout, à la frustration vécue d’avoir eu tant de plaisir à «baiser» des milliers d’hommes sans s’être protégé…
L’auteur a une plume de taille et se place sans doute parmi les écrivains de renom. Sa façon d’écrire est, à la fois, d’une douceur et d’une sensualité remarquables, d’une brutalité accablante. Notamment, une scène de viol et de meurtre qui met en mots (et presque en images, tellement c’est bien écrit!) l’agresseur et sa victime, ainsi que toutes les scènes de sexe du roman, sans exception: «De tout son poids humide, Pierre s’enfonce en Marc. Chaque coup de bassin le rentre un peu plus dans le sol. La Bible raconte que Onan préférait se masturber plutôt que de faire un petit à la veuve de son frère. À cette époque, on croyait aussi fertiliser la terre en y éjaculant. […] Avec toute leur sueur et les quelques gouttes de la semence de Pierre qui atterrissent au sol, on verra peut-être naître une forêt!»
En lisant ce roman qu’est Rue Sainte-Catherine Est – Métro Beaudry, vous serez possiblement heureux d’apprendre qu’il serait le premier d’une série de deux. L’auteur nous offrira donc la chance de nous replonger dans des histoires touchantes, mettant en vedette des gens de la communauté gaie, afin de continuer à nous sensibiliser à leur réalité, parfois triste, parfois joyeuse, mais surtout bouleversante.
«Rue Sainte-Catherine Est – Métro Beaudry», Les Éditons La Semaine, 352 pages, 29,95 $.
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de la rédaction