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L’écrivain Dominic Bellavance tombe à pic, dans un monde où la téléréalité domine la plupart des chaînes de télévision, avec la parution de son septième roman, intitulé Roman-réalité. L’auteur de Toi et moi, it’s complicated, qui a étudié en création littéraire et en littérature québécoise à l’Université Laval, nous propose ici une aventure rocambolesque au pays de la superficialité et de l’égo démesuré, avec un récit convaincant et fort à-propos. Après Occupation double, Loft Story et Jersey Shore, voici Roman-Réalité.
Un récit tordu
Julien Ponton est un étudiant en création littéraire à l’Université Laval. Un jour, Christian Barré, un parfait inconnu, le contacte par téléphone afin de solliciter sa participation dans une grande aventure littéraire qu’il souhaite mettre sur pied. Son projet, supposément fort prometteur, a même obtenu un financement de la part des gouvernements provincial et fédéral, ce qui signifie, en d’autres mots, que Christian Barré dispose d’un budget substantiel. Julien, s’il accepte de se plier aux règles, empochera un salaire décent pour sa participation passive au jeu.
«Voici donc son idée : il souhaitait expédier quatre jeunes étudiants (deux hommes et deux femmes) dans un chalet isolé au cœur de Charlevoix, et ce, dès cet été, du 14 au 25 juillet. Ces aspirants écrivains rédigeraient chaque jour un texte d’au moins 300 mots pour nous raconter leur quotidien, nous faire état de leurs émotions et de leurs rapports avec les autres.»
En outre, l’unique tâche de Julien est d’avoir des yeux tout le tour de la tête et de retranscrire, avec l’aide d’une dizaine de webcams et de micros dissimulés un peu partout, les moindres faits et gestes des quatre participants. Félix, Xavier, Élizabeth et Lauranne, au début du jeu, les quatre « victimes » semblent retirer un certain plaisir de ce dépaysement momentané. Cependant, plus les jours passent, et plus leur réserve de nourriture s’amincit dangereusement. En plus, aucune règle n’est dictée; les jeunes doivent eux-mêmes résoudre les différentes énigmes et messages codifiés. Il semble que personne n’ait rencontré Christian Barré depuis le début du processus. Et si toute cette mise en scène n’était qu’une grosse supercherie?
Les téléréalités d’aujourd’hui
Il ne faut pas nécessairement être un adepte de la télévision pour réaliser que les téléréalités sont en train de monopoliser la plupart de nos chaînes préférées. Et il n’est pas nécessaire d’avoir un Q.I. aussi élevé que celui d’Einstein pour comprendre que ce genre télévisuel ne dominera pas les cotes d’écoute éternellement, quoique l’on peut toujours être surpris. Par contre, il est tout à fait permis d’en rire et d’utiliser les différents mécanismes du genre (la voix hors champ, les règles débiles, les énigmes, etc.), afin de divertir le spectateur et de plaire au jeune lectorat d’aujourd’hui, qui en mange, pour sa part, tous les jours.
Dominic Bellavance a fait un pas de géant dans l’originalité, puisqu’il nous propose avec Roman-réalité un roman épistolaire fort bien ficelé et un suspense éminemment bien dirigé. Étant un subtil clin d’œil aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et aux Pauvres gens de Fiodor Dostoïevski en raison de sa forme épistolaire, le récit de Dominic Bellavance prend profit d’un genre populaire, la téléréalité, et lui insuffle un second souffle, le roman-réalité, où les participants sont jugés non pas sur les actions commises, mais sur la qualité de leurs écrits.
Si de nombreuses répétitions alourdissent parfois la légèreté d’un tel récit, à cause des différents points de vue des personnages, il va sans dire que Roman-réalité frappe aussi fort que le poids d’une brique tombée du ciel. Le style d’écriture est simple, épuré, sans fioriture et apporte un dynamisme incroyable à l’histoire qui nous est racontée. Dominic Bellavance a réussi avec brio à dresser des portraits de personnages très stéréotypés, mais toujours près de la réalité, ce qui trahit en quelque sorte sa sublime « connaissance » des téléréalités.
Roman-réalité est un roman qui plaira davantage aux jeunes adolescents et aux jeunes adultes de ce monde, puisque la forme épistolaire du récit reflète fort bien la «vie virtuelle» que mènent les jeunes d’aujourd’hui. C’est un livre à déguster rapidement, pendant qu’il est encore chaud.
Appréciation générale: ****
Crédit photo: Coups de tête
Écrit par: Éric Dumais