«Querelle de Roberval» de Kevin Lambert chez Héliotrope – Bible urbaine

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«Querelle de Roberval» de Kevin Lambert chez Héliotrope

«Querelle de Roberval» de Kevin Lambert chez Héliotrope

Humanité et revendications écorchées vives

Publié le 18 février 2019 par Valérie D'Auteuil

Crédit photo : Éditions Héliotrope

Il faut du temps, après la lecture de ce deuxième roman de Kevin Lambert, avant de déposer le livre et d’en encaisser le coup. Les multiples coups, en fait. Ceux du langage et de ces récits personnels qui explosent de l’intérieur, puis d’une violence à la fois douce, charnelle puis horrifiante. Lecteurs, voici une œuvre qui marque l’esprit et qui ne laisse personne indifférent.

Le deuxième roman de Kevin Lambert, jeune romancier définitivement à surveiller, s’ouvre sur le chantier d’une scierie de Roberval en grève. Histoire chaude de passions et de revendications meurtries par le patriarcat et l’hétéronormativité dominants, on suit les travailleurs sur la ligne de piquetage, mais aussi dans l’intimité.

Les différents personnages sont – souvent littéralement – mis à nu afin de révéler leurs faiblesses, leurs contradictions. Plus le conflit s’intensifie, plus le jeu syndical prend des allures guerrières, qui escaladeront violemment vers des actes de violence insensés.

Querelle multiple

Vraisemblablement inspiré du roman Querelle de Brest de Jean Genet publié en 1947, on retrouve dans Querelle de Roberval plusieurs thèmes et des emprunts au style et à l’esthétique de l’auteur français. La fascination pour l’érotisme, la violence et la mort peut aussi être rapprochée de Georges Bataille, auteur notamment du débridé roman (publié clandestinement) Histoire de l’œil ,datant de 1928.

Le dernier roman de Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué, donnait dans la même veine cathartique et déconcertante. Est-ce que l’imaginaire du Lac-Saint-Jean provoque une rancœur chez l’auteur? Ceci dit, l’endroit s’affirme décidément comme mystique sous la plume de Lambert. 

Une narration parfois peu fluide

On retrouve ici la plume sans tabous et ténébreuse à laquelle l’auteur nous a accoutumés, mais qui, à l’occasion, déborde les marges et se perd en métaphores. Querelle de Roberval en devient parfois brouillon et certaines parties semblent moins bien ficelées.

La narration choque; quelquefois un peu artificiellement. L’auteur veut clairement provoquer et faire sourciller au moyen d’une écriture trash qui nuit par moments à l’intrigue, apportant une surenchère de vulgarité et de décadence un peu plaquée au roman.

Par ailleurs, les conquêtes amoureuses de Querelle sont mises en avant-plan. La sexualité homosexuelle y est explorée, racontée sans la moindre retenue, ce qui est nettement rafraîchissant et peu exploré dans la littérature québécoise.

Rencontres intimes au moyen d’applications et amours déchaînés se succèdent aux mains du magnétique protagoniste qui ne laisse personne indifférent au lit et partout à Roberval d’ailleurs. Le thème de la rumeur et du jugement est exploré dans le roman, sans que ne soit jamais affecté Querelle.

Personnage viscéral et plus grand que nature, rien ne l’empêche de vivre librement, d’être profondément lui-même. Il devient un véritable martyre de cette guerre dont on ne mesure plus lucidement l’impact.

Provocateur et irrévérencieux, Querelle de Roberval est un roman certes fascinant, qui fait à la fois grincer des dents et battre le cœur. On comprend donc sa place de finaliste du Prix littéraire des collégiens qui se déroule actuellement.

Reste à savoir si cette «fiction syndicale» mortifère saura charmer les jeunes âmes des cégépiens en quête d’aventure et d’émotions fortes.

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