LittératurePoésie et essais
Crédit photo : Manuel Gasse (image tirée de son compte Twitter)
Bien sûr, papa adore ses enfants et les petits frères s’aiment aussi entre eux, ça se sent… comme le velours d’une patte entre deux coups de griffes. Et Gasse, qui s’est lancé le défi que chaque lecteur, au terme de son ouvrage, ait envie d’avoir des bébés, est loin de faire dans la dentelle ou le mielleux, lorsqu’il parle de ses quatre merveilles. On y découvre les enfants qui pleurent, se chamaillent et négocient jusqu’à l’extrême limite de la patience de papa… qui semble avoir la mèche assez courte, par moments. Celui-ci, en se rappelant ses souvenirs, ne manque d’ailleurs pas d’évoquer quelques mots pas très châtiés qui sont sortis de sa bouche.
Et pour mener à quelle intrigue? Disons qu’à la base, il ne s’agit pas vraiment d’un roman, mais plutôt d’un florilège des raisonnements et réactions un peu magiques ou inopinés, entendus par un père qui réalise que l’enfance passe vite et que chaque moment est unique. Les anecdotes et réflexions enfantines sont entrecoupées des commentaires du papa et chapeautées, presque à chaque page, par de grands titres qui, en plus de guider la lecture, font souvent sourire par leurs calembours bien sonnants. Le graphisme et les illustrations ne manquent pas, non plus, de maintenir le lecteur dans cette ambiance enfantine.
Le résultat dépasse toutefois l’aspect qui frappe et la phrase qui sonne: on y retrouve aussi l’expression, souvent maladroite, de la tendresse, autour de cette nouvelle génération de pères, plus près de leurs enfants, dont on n’entend pas toujours beaucoup parler, lorsque tout va plutôt bien. Mais plus on avance, plus une interrogation, d’abord discrète, prend de l’ampleur chez le lecteur: comment se fait-il que, à travers ces maux et ces moments toujours imparfaits, on en vienne à s’attacher aux jeunes personnages et à leur père au point de redouter l’arrivée de la dernière page? Un phénomène que Gasse explique lui-même ainsi:
«Une journée dans la vie d’un papa de quatre garçons, c’est comme une journée à porter un t-shirt «Je suis touriste» dans un marché marocain, en plein été. Il faut négocier. Tout. C’est une prise d’otages de bonbons. Une partie de poker avec des jetons en chocolat. […] Mais à la fin de la journée, on survit. On trouve cela drôle, même. On les regarde et on les trouve brillants. Oh que oui. Surtout, on sourit en se disant que quatre petits renards, c’est bien plus cute que quatre gros mollusques.»
Mais cet humour attendrissant fidélise-t-il vraiment le lecteur solitaire au point de lui donner envie de voir ainsi grandir toute une couvée de renardeaux dans sa propre tanière? Il ne faut pas exagérer: on peut aussi y trouver l’envie de ne pas trop se casser sa propre p’tite tête tout en continuant à profiter, par la lecture, du fait que d’autres adultes aient la vocation et l’inspiration qu’il faut pour vivre à 200% et partager le meilleur d’eux-mêmes entre le travail, la paternité et l’écriture.
«Les p’tites têtes» de Manuel Gasse, illustrations de Mathieu Potvin, Québec Amérique. 24,95 $.
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de la rédaction