LittératureDans la peau de
Crédit photo : Michel Dompierre (photo de Jean-Marc Massie)
1. C’est en août 1998 que tu as créé, aux côtés d’André Lemelin, les Productions du Diable Vert, un organisme sans but lucratif visant à faire la promotion des Dimanches du conte. Peux-tu nous raconter la genèse de ce projet et ce qui vous a convaincu de mettre sur pied cet évènement populaire?
«Notre but premier était de créer une scène dédiée principalement aux conteuses et conteurs en produisant l’évènement les Dimanches du conte, présenté à ses débuts dans la microbrasserie du Sergent recruteur à Montréal, en privilégiant tout autant le conte traditionnel que le conte de création. Cette initiative s’est révélée nécessaire à la suite d’une soirée de «racontage» organisée dans le cadre du Festival interculturel du conte de Montréal. Plusieurs conteuses et conteurs avaient alors manifesté le désir de se produire régulièrement dans un endroit propice, désir partagé par le public que nous retrouvions nombreux et de façon régulière aux Dimanches du conte. Claudette L’heureux et François Lavallée se sont donc joints à moi et André pour former la première vague des conteuses et conteurs du Sergent recruteur.»
«Au moment où mon mentor et ami André Lemelin est parti de son côté fonder les éditions Planète rebelle spécialisés dans la publication de recueils de conte, de mon côté, j’ai repris la direction générale de l’évènement tout en continuant à animer les soirées jusqu’en 2008. Puis, Francis Désilets a pris la relève en tant qu’animateur et directeur artistique de l’évènement alors que j’ai continué à en assumer la direction générale.»
«Au début, peu de gens croyaient à la viabilité de nos soirées, et je les comprends! Présenter des soirées de conte hebdomadaires, de surcroit le dimanche soir, et en plus dans une microbrasserie spécialisée dans la programmation de spectacles de rock alternatif, ce n’était pas gagné d’avance. Mais le propriétaire de l’endroit, Louis Régimbald, y a cru, ou plutôt il a cru au deux fous furieux qu’il avait devant lui. Étant lui-même un allumé de première, il nous a soutenus contre vents et marées et il ne l’a pas regretté. Très rapidement, les Dimanches du conte ont trouvé leur vitesse de croisière, et le Sergent Recruteur n’a pas désempli durant les années qui ont suivi. Cela fait maintenant 20 ans que nous faisons partie du décor montréalais. Et pour marquer notre 20e saison, ce ne sont pas les soirées spéciales qui manqueront!»
«Une réussite spectaculaire! Entreprise à laquelle nul ne croyait au début. Les initiateurs, Jean-Marc Massie et André Lemelin avaient pourtant vu juste.» Elle Québec
2. C’est Francis Désilets qui a repris le flambeau à titre de directeur artistique et animateur de l’évènement depuis 10 ans. Qu’y a-t-il à voir et à entendre aux Dimanches du conte?
«Il y a à voir et à entendre des raconteux seuls sur scène avec des contes et anecdotes d’une autre époque; des conteuses et conteurs qui privilégient une mise en scène plus élaborée; des narrateurs atypiques verbomoteurs du nouveau millénaire et adeptes de la parole transgenre, tel l’inimitable Ivy. Bref, aux Dimanches du conte, on y trouve de tout… même un ami!»
«Les Dimanches du conte font désormais partie des happenings incontournables de la vie montréalaise.» Voir Montréal
3. Peux-tu nous décrire le fonctionnement d’une soirée typique et l’ambiance qui règne au Jockey, lieu montréalais où se déroulent Les dimanches du conte?
«Chaque dimanche, le Monsieur Loyal de l’évènement, Francis Désilets, vient faire son homélie en début de soirée avant de faire place au sermon sur la montagne du conteur consacré. À l’entracte, les gens en profitent pour jaser sur les dits et non-dits dudit sermon, puis le conteur ressuscité vient reprendre sa place sur l’autel du jockey pour clore la soirée avec grâce et beauté. Bon, nos soirées ne sont pas aussi liturgiques que ma métaphore le laisse entendre, mais j’aime à croire que nos dimanches ont gardé ne serait-ce qu’un zeste de la liturgie de nos messes dominicales d’Antan.»
«Ceci dit, aux Dimanches du conte, le spectacle n’est pas que sur la scène. Dans la salle, que ce soit avant ou après la représentation, les spectateurs sont à la fois fébriles, enjoués et allumés. Il n’est pas rare de voir des gens discuter de vive voix entre deux Rasberry Field, le cocktail officiel des Dimanches du conte. Et le bar le Jockey y est pour beaucoup! Offrant un cadre à la fois dynamique et intimiste, le Jockey a redonné un second souffle à l’évènement. En réunissant tous les éléments ayant fait le succès des Dimanches du conte au Sergent recruteur, le Jockey a contribué à faire à nouveaux de la scène des Dimanches du conte, la Mecque du conte au Québec. Une Mecque dont la grand-messe attire de plus en plus les fidèles de l’autre grand-messe qu’est celle célébrés sur les ondes de la télé de Radio-Canada, tous les dimanche soir.»
«Cette grand messe fait compétition à Tout le monde en parle…» Le Journal de Montréal
4. Le 7 janvier 2018, un hommage sera rendu au conteur et chanteur traditionnel Francis Désilets pour souligner ses 10 ans à la barre des Dimanches du conte à titre d’animateur. Une soirée hommage toute spéciale où «Ce soir, c’est ta fête mon Francis, touttte se peut…!», pour reprendre vos propres mots. Que peut-on espérer de ce spectacle?
«On peut tout espérer! Une série de numéros plus surréalistes les uns que les autres. Imaginez une performance inédite du Charbonnier de l’enfer Michel Faubert, qui serait habillé pour l’occasion en Dalida période Gigi L’Amoroso; un conte de Fred Pellerin à la fois gore et trash sur les problèmes érectiles d’un lutin à la malsaine barbe pubienne; ou encore Francis Désilets suspendu à un trapèze nous faisant un numéro de contorsionniste tout en nous racontant à quoi ressemblerait un surprise party organisé par Kim Jong-un pour Donald Trump. On peut toujours rêver…»
«Blague à part, cette soirée sera l’occasion pour nous d’inviter sur scène des intimes de Francis Désilets qui en profiteront pour nous raconter des anecdotes croustillantes sur Le fabuleux destin de Francis Poulain. Ici, point de censure. Francis et moi n’aurons absolument aucune idée de ce qui sera raconté ce soir-là. Assurément, un moment à ne manquer sous aucun prétexte.»
5. À qui, surtout, s’adresse cet évènement et, si tu avais à nous parler de tes 5 activités coups de cœur à venir au cœur de votre programmation 2017-2018, quelles seraient-elles? Donne-nous l’eau à la bouche!
Cet évènement s’adresse aux plus jeunes comme aux plus vieux, à tous ceux qui, l’âme à vif, continuent malgré tout à ré-enchanter leur quotidien afin de lui donner des contours magiques à même de vaincre l’ironie ambiante des imbus d’eux-mêmes, de résister au cynisme des Tout-Puissants enrobé de complaisances malsaines.
Voici mes 5 coups de cœur de la saison:
A) Le 24 septembre sera présenté Un siècle de solitudes, la nouvelle création de Luigi Rignanese et moi-même. Ici, tout commence en Bretagne sur une Samba de coco exécutée avec brio au Magic Mirror de Mythos par une Brésilienne aux origines incertaines. Ce moment de grâce sera à l’origine de l’improbable rencontre entre un italien pur-sang et un italien de sangs mêlés. Depuis, un océan les sépare alors qu’une mère les relie sur la piste des héros lancés au grand galop. À l’aube de la cinquantaine, devenus maîtres dans l’art de jouer avec les masques, l’un fidèle comme l’ombre de son cœur, l’autre volage comme Pégase, à eux seuls nos deux ritals cumulent un siècle de solitudes, un jubilé séculaire à brûler la chandelle par les deux bouts devant les projecteurs du bonheur avant de se retirer vidés au fond du canapé. On meurt toujours seul sur un dernier souffle de vie menant inexorablement à la poussière cristallisée des cendres étoilée.
B) Depuis déjà 20 ans, on présente les nouveaux visages du conte qui ont retenu l’attention du Diable Vert aux quatre coins de la province. Cette soirée, la plus courue année après année, sera présentée cette saison le 5 novembre.
C) Le 12 novembre une soirée hommage sera dédiée à Joséphine Bacon, une magnifique poète-conteuse Innue. Il faut venir assister à son intronisation au temple de la renommée des conteuses et conteurs étoilés! Pour ce faire, Rodney Saint-Éloi, Violaine Forest, José Acquelin, Andrée Levesque-Sioui et André Lemelin lui rendront un vibrant hommage le tout sous la direction artistique de Laure Morali.
D) Après plus de dix ans d’absence, le 21 janvier, l’incontournable et talentueux slameur Ivy sera de retour au Dimanches du conte pour nous présenter S’armer de patience, sa dernière création où il nous dévoile sa grande habilitée à déclamer sur de sublimes trames musicales. Ce spectacle a été encensé par la critique et le public. «Émouvant! Quasiment génial!» (Joel Le Bigot-SRC).
E) Enfin, pour terminer, je ne pouvais passer à côté de la Soirée de clôture des festivités du 20e anniversaire qui sera présentée le 27 mai. Les cofondateurs des Dimanches du conte, André Lemelin et moi-même, secondés par nos bras droits Claudette L’Heureux et François Lavallée, reprendrons du service en compagnie des Conteuses et Conteurs du Sergent recruteur, ces haut-parleurs de la première heure sans lesquels les Dimanches du conte ne seraient jamais devenus ce qu’ils sont aujourd’hui. Tous seront réunis l’instant d’une représentation où s’entremêleront contes, anecdotes et autres surprises. Assurément, un spectacle marqué au fer rouge de leurs flamboyantes et altières nostalgies!
«Cette manifestation a été sans contredit l’une des bougies d’allumage du renouveau d’intérêt pour le conte au Québec.» La Presse
Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…
*Cet article est une présentation des Dimanches du conte.
L'événement en photos
Par Tshi, Mary Fontaine et Laure Morali