«Chanson douce» de Leïla Slimani chez Gallimard – Bible urbaine

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«Chanson douce» de Leïla Slimani chez Gallimard

«Chanson douce» de Leïla Slimani chez Gallimard

5 raisons pour lesquelles vous devez absolument lire ce roman

Publié le 17 août 2017 par Éric Dumais

Crédit photo : Éditions Gallimard et www.nonfiction.fr

À l’automne 2016 paraît Chanson douce aux Éditions Gallimard, la seconde offrande de l’auteure franco-marocaine de 35 ans Leïla Slimani. À peine trois mois plus tard, celle dont le prénom signifie «la nuit» en langue arabe se voit décerner le prestigieux prix Goncourt, devenant ainsi la douzième femme en cent-treize ans à le remporter. Sombre, glacial, vif, intense et tumultueux, ce roman que l’on a dévoré d’une traite vaut le détour, et c’est la raison pour laquelle nous vous invitons à le lire aussitôt ces lignes consumées de votre mémoire.

Pour son acte d’ouverture qui prend aux tripes

Deux pages et demie. Le ton de Chanson douce, ce roman de 227 pages, est donné en l’espace de deux petites pages et demie, qui suffisent à nous laisser les yeux ronds de stupéfaction et la bouche pendante, comme soufflé par une situation que l’on n’avait pas du tout venue venir. Et, certes, c’est à une tragédie contemporaine à laquelle nous assistons, hélas! Avec du retard. Car le drame a eu lieu, le mal a été fait. Certes, il y a eu des morts; des traces de lutte, un tapis recouvert de sang, un corps désarticulé, une mère en état de choc; il s’est passé un évènement terrible, tragique, d’une violence ineffable, impardonnable, et c’est sur ce lever de rideau que Leïla Slimani nous souhaite la bienvenue dans son univers.

Pour son écriture laconique et concise

Clairement, l’auteure n’a pas été influencée par la plume balzacienne et ces torsades de phrases qui forment une spirale de mots. Ses phrases sont plutôt laconiques, brèves, succinctes, lapidaires; tant d’adjectifs pour décrire une écriture qui va droit au but, mais surtout qui dégage une impression de fatalité qui s’intensifiera tout au long de la lecture, et ce, jusqu’au point de chute. Si ce n’était de la richesse du vocabulaire choisi, et de certaines métaphores fortes qui esquissent une image acoustique en tête, on pourrait presque croire à une plume scénaristique tellement l’ensemble est d’une telle concision. Mais on s’y perd et on s’y glisse, car Chanson douce est un page turner: on veut savoir ce qui a bien pu arriver.

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Leïla Slimani

Pour le portrait de ses personnages «adulescents» et modernes

Paul et Myriam, deux Parisiens habitant dans le dixième arrondissement, rue d’Hauteville, sont des «adulescents», des jeunes adultes pas tout à fait sortis de l’adolescence, encore, des jeunes adultes qui ont deux enfants en bas âge, Adam et Mila. Lui, c’est un producteur de musique, elle, c’est une avocate qui a mis un stop sur sa carrière pour s’occuper de ses enfants. Tous deux, ils sont pris dans le tourbillon boulot-travail-dodo dans lequel tout un chacun se retrouve pieds et mains liés dès l’âge adulte. Leïla Slimani nous dépeint ici une Myriam dont le reflet peut faire penser à Mme Bovary, alors que son mari s’offre cette liberté de sortir et de rencontrer des gens, alors qu’elle, elle souffre d’être quotidiennement enfermée chez elle. Le lecteur, alors qu’il apprend à connaître les membres de cette famille de «bobos», assiste alors à une évolution, voire une révolution dans le foyer: il est temps pour eux d’avoir une nourrice, une baby-sitter.

Pour la profondeur de la nourrice nommée Louise et les flashbacks récurrents

S’il y a bien un élément fort dans la chaîne constituant la trame narrative de Chanson douce, c’est bel et bien, et sans aucune hésitation, le portrait du personnage de Louise, cette nourrice tout ce qu’il y a de plus professionnelle et aimable auprès des enfants. Et ce que Myriam et Paul admirent par-dessus tout chez elle, c’est sa capacité à se mettre en mode caméléon, c’est-à-dire à vivre entre les quatre murs de la maison sans même qu’on ne s’aperçoive de sa présence. Là où l’auteure marque ses points, c’est dans l’esquisse de ce halo de mystère qui brille autour de la tête de Louise, elle que l’on apprend à connaître petit à petit au fil des jours qui passent, et plus loin encore grâce à des flashbacks qui retracent son enfance miséreuse, et marquante.

Pour sa trame narrative riche et hautement révélatrice

À première vue, l’histoire d’une nounou qui se voit chargée de prendre soin de deux enfants en bas âge, alors que les deux parents désirent s’investir davantage dans leur vie de couple et dans ces moments d’intimité devenus rares, pourrait en quelque sorte être d’une platitude telle que l’on aurait envie de refermer le livre aussitôt ouvert. Sauf que c’est le piège que l’écrivaine a désiré éviter, en jouant avec la forme afin d’offrir à la fois une histoire punchée dès le drame d’ouverture, et en permettant à son lecteur d’être témoin d’une histoire de laquelle il connaît peu à peu tous les détails au fur et à mesure de son avancement, information que le couple ne détient pas.

Avec cette histoire au premier abord banale, voire répétitive, Leïla Slimani et ses doigts de fée ont réussi à transformer une tragédie humaine et contemporaine en histoire intéressante et poignante. Bonne lecture.

«Chanson douce» de Leïla Slimani, Éditions Gallimard, 227 pages, 32,95 $.

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