LittératurePoésie et essais
Crédit photo : Éditions Québec Amérique
Conseiller de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, Jean-François Lisée passe énormément de temps dans son nouvel essai, publié aux Éditions Québec Amérique, à rendre hommage et à défendre la vision et les actions de son proche allié.
Mais ce qui frappe avant tout, c’est qu’il refuse d’endosser entièrement la déclaration sur «l’argent et les votes ethniques» de Parizeau, concernant les causes de la défaite du référendum. Il qualifie même cette déclaration «d’énorme demi-bêtise».
À la vue du caractère incendiaire et extrêmement controversé de cette déclaration, il n’est pas étonnant que Jean-François Lisée, actuellement député de Rosemont pour le Parti Québécois, refuse d’endosser complètement cette déclaration. La qualifier «d’énorme demi-bêtise» est une autre affaire. Lisée entreprend de déboulonner le mythe des «votes ethniques». Selon lui, Parizeau savait pertinemment que les souverainistes ne pouvaient pas compter sur le vote des communautés culturelles. Il accrédite toutefois la thèse de l’accélération des certificats de citoyenneté délivrés par Immigration Canada, mais là n’est pas la seule cause de la défaite.
En affirmant qu’il avait à moitié tort, Lisée affirme aussi implicitement que Parizeau avait à moitié raison, sur le dépassement des dépenses autorisées par le gouvernement fédéral dans le cadre de la campagne référendaire. Encore une fois cependant, Lisée n’attribue pas à ce point la cause unique de la défaite. En somme, l’auteur refuse de rejeter la faute sur d’autres, ouvrant la porte à une introspection importante pour le Parti québécois. À ce chapitre, il fait preuve d’une remarquable quiétude.
Le seul moment où l’auteur semble vraiment s’emballer est à propos de l’ancien premier ministre canadien Jean Chrétien. Manifestement, Jean-François Lisée entretient encore un certain mépris envers Chrétien. Il écrit que celui-ci a menti sciemment à la population en affirmant que si le résultat du référendum était OUI, il en accepterait les conséquences, alors qu’il avait déjà décidé de contester un tel résultat. Il classe ce «mensonge» parmi les plus importants de l’histoire politique canadienne.
De minutieuses préparations
Grâce à ses archives, Jean-François Lisée reconstruit le fil des évènements menant au fatidique soir du 30 octobre 1995. Il décrit avec précision comment, sachant que Chrétien nierait un OUI, il s’était arrangé pour obtenir la reconnaissance de la France et celle de 100 personnalités associées au camp du NON. Il dresse également un tableau du fin stratège qu’était Parizeau, qui sut rallier les forces souverainistes alors que tous voulaient reporter le référendum aux calendes grecques. Ses explications sont éclairantes.
Même s’il élabore sur les stratégies que devrait mettre en place le mouvement souverainiste pour éviter les erreurs de 1995, Lisée ne souffle pas mot sur les figures péquistes actuelles. Sa proposition d’imposer un délai de douze mois avant d’accorder le droit de vote aux nouveaux citoyens canadiens a comme il était prévisible créé la controverse. À l’évidence, ce n’est pas une stratégie retenue par ses collègues.
Vingt ans après le référendum de tous les espoirs et tous les chagrins, une telle réflexion sur les erreurs de ce moment charnière du mouvement souverainiste est probablement salutaire pour celui-ci, mais on se demande qui saura tendre l’oreille au sein de ce camp déchiré sur la stratégie à adopter pour raviver la flamme. Ils sauront toutefois peut-être déceler ce monument déguisé à la mémoire de «Monsieur».
«Octobre 1995 – Tous les espoirs, tous les chagrins» de Jean-François Lisée, Éditions Québec Amérique, 19,95 $.
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de la rédaction