LittératureRomans québécois
Crédit photo : L'Instant Même
Dans la quatrième et dernière partie de son plus récent ouvrage, François Blais prend le pari de s’adresser directement à la regrettée Mélanie Cabay. Il lui décrit alors les transformations imprévisibles que son manuscrit a connues au fil de sa rédaction: «[…] j’en suis réduit à écrire cette petite plaquette, qui est davantage un livre autour de toi». Cet échec autoproclamé tient pourtant de la réussite. Malgré sa brièveté, Un livre sur Mélanie Cabay aborde un vaste éventail de thèmes qu’un essai didactique n’aurait su évoquer. La portée de cet ouvrage sidère par son ampleur. C’est dire à quel point l’écrivain a su toucher à une corde sensible.
Avec cet hommage posthume à une inconnue, l’auteur signe une œuvre qui se définit par son hétérogénéité. Prenant tantôt la forme d’un exposé sur l’histoire criminelle du Québec, tantôt celle d’une autobiographie, elle alterne entre différents pôles dans l’espoir de résoudre l’affaire Cabay. Une résolution qui ne cherche pas à identifier un coupable, mais plutôt à comprendre l’obsession qu’un fait divers a pu provoquer dans l’esprit d’un jeune homme. Pour s’y faire, François Blais n’hésite pas à se positionner par rapport à cette disparition au dénouement tragique. Il se demande, par exemple, ce qu’il faisait au moment où la dépouille a été retrouvée par la police. Cette démarche fait en sorte qu’Un livre sur Mélanie Cabay porte également sur le paysage médiatique de 1994. Difficile de ne pas être empreint par la nostalgie lorsque l’auteur, entre deux anecdotes de beuverie, cite la mort de Kurt Cobain, l’arrestation d’O..J. Simpson, les débats autour des Expos ou encore des émissions locales comme 4 et demi ou encore Watatatow.
Au cœur de cette fresque dépeinte avec un humour cynique se trouve Mélanie Cabay, cette fille au visage de Mona Lisa qui demeure foncièrement inatteignable. Son histoire, Blais ne peut la raconter qu’à travers ses yeux, ce qui fait en sorte qu’elle lui échappe. Elle en vient néanmoins à incarner un symbole. Celui de la violence envers les femmes, du malheur auquel personne ne peut espérer échapper. Celui, surtout, de ces drames impossibles à comprendre. Voilà où réside la force de ce récit captivant, dans cette part d’humilité qui pousse à assumer la frustration de l’incertitude… et de tenter malgré tout d’y voir plus clair. Un livre sur Mélanie Cabay est génial parce qu’il est humain.
«Un livre sur Mélanie Cabay» de François Blais, L’instant même, 127 pages, 19,95 $.
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de la rédaction