LittératurePoésie et essais
Crédit photo : Éditions Québec Amérique et www.fep.umontreal.ca
En effet, il suffit de suivre l’actualité pour constater que la sphère journalistique est en pleine mutation: coupures massives (La Presse et Radio-Canada), précarité du métier, percées technologiques (le téléphone intelligent et la tablette), et transformation des habitudes de consommation (la popularité croissante des médias sociaux).
Si vous souhaitez mieux comprendre ces changements d’envergure, ce livre constitue une excellente introduction et c’est en plus l’occasion de réfléchir au journalisme et à son rôle en tant que quatrième pouvoir.
Parmi les points forts, soulignons le fait que les écrivains ont sollicité l’opinion de vingt-et-un journalistes (et professeurs) qui sont à différentes étapes de leur carrière, des plus aguerris aux novices, dont le témoignage d’une auteure qui a choisi de mettre un trait sur la profession après un parcours scolaire des plus brillants. Mentionnons, entre autres, les contributions d’Alain Saulnier, Yves Asselin, Yves Boisvert, Maryse Tessier, Lise Millette, Florian Sauvageau et Thomas Kent. Par ailleurs, ce livre n’explore pas uniquement la réalité québécoise, certains moments marquants de l’histoire des médias, dont le fameux scandale d’écoute de News of the World et la vision inspirante derrière la création de Médiapart, sont évoqués.
Les passages qui traitent du journalisme d’enquête et du journalisme international sont réellement captivants. Le meurtre de James Foley, pigiste pour le Global Post, illustre à merveille comment la précarité du métier, causée en partie par les coupes budgétaires et le désintéressement de la part des grands médias à offrir une couverture de qualité, nuit à la sécurité des journalistes, spécialement ceux qui sont sur la ligne de feu.
Ce livre est aussi très actuel, s’inscrivant dans la foulée des grandes transformations qui affectent le paysage médiatique, dont le virage numérique privilégié par Le Devoir et La Presse, ainsi que les nouvelles responsabilités que doit assumer le journaliste, c’est-à-dire les connaissances techniques de plus en plus nombreuses à maîtriser, tout comme les habiletés marketing.
Les questions philosophiques par rapport au rôle du journaliste et à sa mission sont examinées, sans toutefois apporter un éclairage nouveau sur la problématique. Le code déontologique et l’idée d’un ordre professionnel obligatoire sont également explorés dans ce bouquin, certains des éléments présentés méritent que l’on s’y attarde en tant que société.
Or, ce livre peut également nous laisser sur notre faim; parmi les journalistes sollicités, plusieurs ont parlé des réseaux sociaux, du problème de l’instantanéité et du modèle d’affaires qui est largement dépassé pour certains. Les points de vue par rapport à ces enjeux sont similaires, ce qui devient redondant.
Il est vrai que le piège de l’instantanéité, celle de diffuser une nouvelle avant les autres et celle, surtout, de ne pas prendre le temps de vérifier l’exactitude des faits, cause un tort immense à la crédibilité des journalistes (l’exemple de François Bugingo est entre autres cité à quelques reprises).
Par contre, il aurait été intéressant de discuter plus en profondeur des nouveaux joueurs tels que BuzzFeed et VICE ainsi que de leur impact sur la toile médiatique.
De plus, il est regrettable que les concepts de branded content, sponsored content et native advertising (publicité intégrée) ne soient mentionnés qu’à la toute fin, comme en guise conclusion, alors que ce sont des thèmes qui auraient gagné à être abordés de façon plus exhaustive. Ceci étant dit, cet ouvrage offre une vision juste des conditions de travail liées à cette profession, il est donc tout à fait indiqué pour les étudiants en journalisme.
«Les journalistes: pour la survie du journalisme» est disponible depuis le 21 octobre dernier et il a été publié aux Éditions Québec Amérique.
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de la rédaction