LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Gracieuseté Marise Gasque
Marise, tu es traductrice et professeure de français et de littérature, et on a découvert que ta passion pour les mots ne date pas d’hier puisque, dès ton plus jeune âge, tu as passé ton temps à lire et à écrire des poèmes et des nouvelles. On est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour les livres?
«Toute petite, je me souviens que ma grande sœur, qui a cinq ans de plus que moi, me lisait des livres, et je l’arrêtais toujours dans sa lecture pour lui demander ce que les mots que je voyais signifiaient. Les livres m’ont toujours attirée, et surtout la façon dont ils en arrivent à raconter une histoire. Mes parents ont toujours encouragé la lecture, et il n’était pas rare que je revienne de l’école pour constater que ma mère était passée à la librairie pendant la journée et m’avait acheté de nouveaux livres.»
«Je vous dirais que la période de ma vie où j’ai le plus lu et écrit, c’est à l’adolescence. Je restais seule dans ma chambre, parfois pendant tout un après-midi, à écrire quelques mots sur un bout de papier ou à dévorer des romans. Je lisais ou j’écrivais les aventures d’un jeune adolescent ou d’une jeune adolescente qui me ressemblait sous certains aspects, mais qui vivait des aventures qui s’éloignaient de ce que je vivais… et c’était comme une façon de voyager, de voir autre chose que mon quotidien. Puis, après le secondaire, il était clair pour moi que j’allais m’inscrire en lettres à l’université pour continuer de lire… et ô combien j’ai lu dans le cadre de ce programme!»
En novembre dernier, ton premier roman La Neva pour se retrouver est paru aux Éditions L’interligne. Dans ce livre pour adolescents de 14 ans et plus, on suit le périple de Méganne et de ses amies à Saint-Pétersbourg, où la jeune fille est fascinée par la ville et ses monuments, ses festivités… et un certain Valery, dont les yeux lui font tourner la tête. Peux-tu nous révéler ce qui t’a donné l’envie d’écrire ce tout premier roman jeunesse?
«Mes études en lettres m’ont plongée dans toutes sortes de lectures obligatoires touchant à des époques différentes (Moyen Âge, classicisme, siècle des Lumières, etc.) et à des genres différents (poésie, théâtre, contes, etc.). C’était très enrichissant, très stimulant, mais je ne lisais plus du tout ce que j’avais tant lu à l’adolescence. Alors pour moi, lire pour le plaisir remonte toujours à l’adolescence.»
«C’était donc tout naturel que j’écrive quelque chose qui me rendait heureuse et qui me ramenait à cette période de ma vie. En fait, je m’y suis tellement replongée qu’en cours d’écriture, j’ai constaté que j’écrivais pour les adolescents de 2005, à l’époque où j’étais moi-même adolescente, parce qu’il manquait à mon roman un aspect important: les innovations technologiques des dernières années. J’avais oublié les cellulaires et les médias sociaux qui ne faisaient pas partie de ma vie au secondaire.»
Au fil des pages, tu abordes la grande question de la quête de soi et de l’identité chez les adolescents. Quelles réflexions – ou quels messages – as-tu souhaité faire passer à tes jeunes lecteurs à travers l’histoire de Méganne?
«Je n’ai pas écrit mon roman avec l’intention précise de faire passer un message aux lecteurs, mais je traite de plusieurs sujets importants, dont l’amour sous toutes ses formes: amour entre amis, relations amoureuses, amour paternel, amour de sa patrie, amour de soi… Dans le roman, Méganne réfléchit beaucoup, et j’espère qu’elle encouragera les jeunes à se questionner sur leurs amitiés, leurs relations amoureuses ou leurs objectifs après le secondaire.»
«Avec le personnage de Dmitry, il s’agit davantage d’un questionnement sur soi-même: y a-t-il des choses que l’on devrait régler, pardonner, oublier afin de mieux avancer, afin d’être heureux? On comprend, à la fin du roman, que l’histoire que l’on a lue est en fait le manuscrit de Méganne qui, à son retour de voyage, a dû “mettre des mots sur ses souvenirs” pour éviter d’oublier ce qu’elle a vécu. J’espère donc inciter les jeunes à écrire… pour soi ou pour les autres, mais juste écrire!»
Et alors, pourquoi avoir choisi le décor de la Russie pour faire évoluer tes personnages?
«La Russie est un endroit spectaculaire. J’ai eu la chance d’y mettre les pieds, il y a quelques années, et je me suis sentie toute petite parmi les énormes bâtiments. Il y a quelque chose qui est difficile à décrire… C’est vraiment un autre monde! Je suis revenue chez moi avec des photos et des souvenirs, mais il m’a semblé que tout cela ne rendait pas justice à ce que j’avais vu là-bas. J’ai donc voulu mettre des mots sur mes souvenirs… décrire l’indescriptible, finalement!»
«Pour mon personnage de Méganne, le fait qu’elle se retrouve dans un pays si loin de chez elle lui permet d’évoluer, d’observer une culture qu’elle ne connaît pas et qu’elle découvrira avec les musées, les palais, la nourriture et les nuits blanches de Saint-Pétersbourg. Tout le côté mystérieux, que j’ai voulu montrer à la fois à travers le personnage de Valery et l’ambiance de la ville, très différente de celle que Méganne retrouve chez elle au Canada, permettra à cette dernière de réfléchir.»
La Neva pour se retrouver fait partie des œuvres en lice pour le Prix du livre d’enfant Trillium 2021, qui vise à récompenser les écrivaines et écrivains francophones de l’Ontario et leurs éditeurs. Toutes nos félicitations et la meilleure des chances! Comment as-tu accueilli la nouvelle et, selon toi, qu’est-ce que cela peut t’apporter pour la poursuite de ta carrière d’autrice?
«C’est un grand honneur, parce que mes écrits ont toujours été personnels: toute petite, je remplissais des cahiers de poèmes, de nouvelles, de contes, mais je ne les faisais lire à personne. Il y avait même un avertissement sur la première page de mes cahiers: “Ne pas ouvrir sans le consentement de l’auteure”.»
«J’écrivais donc pour moi, pour le plaisir que ça m’apportait de trouver les bons mots et de raconter une histoire. Et il faut dire que La Neva pour se retrouver a commencé un peu de manière personnelle, puis, à un certain moment, j’ai voulu partager l’histoire de Méganne. Je me suis dit: “Eh bien pourquoi pas!” Cette nomination pour le Prix d’enfant Trillium me confirme donc que j’ai pris la bonne décision de partager mon roman. Je ne sais pas ce qui m’attend pour la suite, mais je sais que je vais continuer d’écrire et d’être fière d’écrire en Ontario!»