«L’entrevue éclair avec…» Lucie Joubert et Catherine Voyer-Léger, autrices ancrées dans la non-fiction – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Lucie Joubert et Catherine Voyer-Léger, autrices ancrées dans la non-fiction

«L’entrevue éclair avec…» Lucie Joubert et Catherine Voyer-Léger, autrices ancrées dans la non-fiction

Un collectif rassemblé autour de l'oeuvre de Suzanne Jacob

Publié le 2 novembre 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Chloé Charbonnier

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, on a jasé avec Lucie Joubert et Catherine Voyer-Léger, qui ont co-dirigé le livre «Suzanne Jacob: La pensée comme espèce menacée», à paraître le 9 novembre aux Éditions du remue-ménage. Découvrez-en plus sur leurs réflexions autour d'une artiste québécoise multidisciplinaire à l'oeuvre riche, complexe et (parfois) déroutante!

Lucie, Catherine, quel plaisir de pouvoir échanger avec vous! On est curieux de savoir: d’où est née votre passion pour la littérature, et comment l’avez-vous entretenue au fil des ans? 

L.J.: «J’écrivais des “livres” à neuf ans: à la main, au crayon de plomb, avec des illustrations en couleurs (!?!), brochés au centre avec une couverture en carton. Il y avait même une page intitulée “du même auteur”, énumérant mes plus grands titres: Casse-Noisette en voyage, Casse-Noisette et le cerf-volant magique… Par la suite, j’ai tout fait pour échapper à la littérature: de la musique, de la danse, du basket-ball, mais elle m’a rattrapée pour de bon à l’université.»

C.V-L.: «J’aurais envie de répondre: de ma rencontre avec Lucie, mais ce serait un peu exagéré! J’ai toujours été une grande lectrice, mais ma passion pour la littérature vient d’un détour que j’ai fait par la science politique. Pendant mes études, je me suis beaucoup intéressée à la façon dont la politique s’appuie sur des récits, et c’est de là qu’est né mon intérêt pour la forme en littérature. Pour ce qui est de Lucie, je lui dois une grande partie de mon envie d’aller faire une maîtrise en littérature.»

Toutes deux, vous avez publié plusieurs ouvrages s’inscrivant dans divers genres littéraires. Lucie, vous avez notamment rédigé trois essais et co-écrit un recueil de chroniques; et vous, Catherine, vous avez publié sept livres, dont un essai et un recueil de microrécits. Qu’est-ce qui explique votre ouverture à créer dans des styles aussi variés, selon vous?

L.J.: «Tout comme Catherine, je suis résolument dans la non-fiction. L’essai m’apparaît comme un genre de la transparence, où on ne peut pas se cacher derrière la fiction et où on peut afficher une liberté par rapport aux études plus universitaires. D’autre part, je tente désespérément d’écrire des romans. J’en ai un en chantier depuis 8 ans qui compte 12 pages. J’y arriverai peut-être un jour.»

C.V-L.: «Honnêtement, je ne les vis pas comme des styles variés. Peu importe ce que j’écris, je suis toujours dans la non-fiction. Si je devais distinguer mes livres, il y aurait ceux où j’ai une approche plus intimiste ou autobiographique, et ceux où j’ai une approche plus intellectuelle (comme c’est évidemment le cas dans ce nouvel ouvrage). Mais mon livre idéal sera celui qui bâtira un pont entre ces deux mondes. J’y travaille fort.»

Couverture_SuzanneJacob_La-pensée-comme-espèce-menacée_Remue-ménage

Le 9 novembre, le livre Suzanne Jacob: La pensée comme espèce menacée, que vous avez co-dirigé ensemble, va paraître aux Éditions du remue-ménage. Pouvez-vous nous parler de l’angle sous lequel vous abordez le parcours de cette artiste québécoise multidisciplinaire – écrivaine, poète, romancière, chanteuse et scénariste, entre autres? On aimerait bien que vous nous en disiez un peu plus sur les réflexions menées autour de cette femme et de son œuvre! 

L.J.: «Je tente, dans mon texte, de montrer les stratégies humoristiques et ironiques de l’œuvre de Jacob. Ce n’est pas une mince affaire parce que le style jacobien a pour caractéristique principale, à cet égard, de s’amuser à dérouter sans cesse son lectorat. Il faut accepter de se faire éconduire quand on lit Jacob.»

«C’est la raison pour laquelle je suis si contente de ce collectif: toutes les collaboratrices, avec des visées et des sensibilités différentes, nous ouvrent des portes pour entrer dans l’œuvre. C’est rare et c’est précieux. On parle très peu de Jacob l’écrivaine, malgré la place énorme qu’elle occupe dans la littérature; on parle encore moins de la chanteuse, l’artiste picturale, la comédienne.»

C.V-L.: «Avant d’entrer dans un séminaire de maîtrise proposé par Lucie au sujet de l’œuvre de Jacob, je la connaissais surtout de réputation. J’avais lu L’obéissance, que j’avais bien aimé tout en ayant le sentiment de ne pas l’avoir bien compris, et je lisais ses chroniques dans Liberté. Quand j’ai commencé à la lire plus attentivement sous l’impulsion de Lucie, c’est son humour qui m’a le plus frappé, et ses trois essais auxquels je consacre mon texte dans le collectif.»

«Pour bâtir le collectif, nous avons d’abord travaillé avec les étudiantes qui étaient dans ce séminaire si riche et, ensuite, nous avons cherché des collaboratrices pour tenter d’aborder différents angles de son travail multidisciplinaire. Je suis très fière qu’il y ait dans ce collectif un texte sur son travail de parolière – que je ne connaissais pas comme beaucoup de gens plus jeunes –, mais aussi sur son œuvre picturale.»

«Chaque autrice était complètement libre de son approche. Notre collectif ne défend pas une thèse quant à l’œuvre de Suzanne Jacob, si ce n’est que c’est une œuvre extrêmement riche qui mériterait qu’on s’y attarde beaucoup plus.»

Outre vos propres textes – et ceux de Suzanne Jacob elle-même, bien sûr –, des écrits de neuf chercheuses et une comédienne ponctuent cet ouvrage. Sur quels critères avez-vous réuni les participantes, et comment décririez-vous leur contribution à l’élaboration de ce livre?

L.J.: «Nous avons contacté, outre les étudiantes de mon cours, des personnes dont on savait qu’elles s’intéressaient déjà à Jacob. L’achèvement du collectif a été très long pour des raisons souvent indépendantes de notre volonté, mais je suis très reconnaissante envers ces femmes qui nous ont accordé leur confiance et qui ont fait preuve de patience à chacune des étapes du processus. Merci aussi aux filles de Remue-ménage qui ont cru à ce projet depuis le début.»

C.V-L.: «Ce livre s’est construit sur plusieurs années. Dans un premier temps, nous avons travaillé avec les étudiantes qui étaient inscrites au séminaire portant sur l’œuvre de Suzanne Jacob, proposé par Lucie à l’Université d’Ottawa. Nous avons fait différents suivis pour vérifier quelles étudiantes souhaitaient participer au projet de publication.»

«Les autres collaboratrices ont été choisies en fonction de leur intérêt pour l’une ou l’autre des facettes du travail de Jacob. Nous voulions un ouvrage qui traiterait le plus de dimensions possible. Mais soyons claires: l’œuvre est beaucoup trop multiple pour qu’un seul collectif suffise. Il faudra que nous continuions à la lire, à réfléchir avec elle et à écrire à propos de son travail.»

En tant que femmes à l’agenda bien rempli – rappelons d’ailleurs que vous, Lucie, vous êtes directrice de l’Observatoire de l’humour de Montréal, et vous, Catherine, directrice générale du Conseil québécois du théâtre –, quels projets et/ou missions occupent vos journées ces temps-ci?

L.J.: «Mon essai L’envers du landau. Regards extérieurs sur la maternité et ses débordements, paru en 2010, devrait paraître à l’hiver en format poche chez Triptyque. Je termine actuellement avec Emmanuelle Walsh-Viau un essai sur les filles en improvisation. C’est une collaboration d’écriture un peu inusitée.»

«Emmanuelle était mon étudiante et travaillait d’arrache-pied à sa thèse de maîtrise sur ce sujet quand elle a dû abandonner pour toutes sortes de (bonnes!) raisons. Je ne pouvais pas croire que tout ce passionnant travail allait être perdu. Comme j’arrivais à la retraite, je lui ai fait une offre qu’elle pouvait refuser, mais qu’elle a acceptée. Je suis devenue son écrivaine fantôme: j’écris l’essai, elle me corrige. Je m’amuse comme une petite folle. Le premier jet est achevé.»

C.V-L.: «Outre mon travail qui est très prenant, je dois dire que 2021-2022 sera une année faste pour moi. L’hiver prochain, ce n’est pas un, mais bien deux livres qui sortiront, cette fois plutôt dans le volet intimiste de mon travail. Un premier livre qui s’intéresse aux questions de culpabilité, particulièrement dans la relation mère-fille; et un second qui s’intéresse à la notion de mouvements dans nos vies souvent éclatées et hyperactives. Nous en sommes aux touches finales.»

«En parallèle, je travaille sur deux projets d’essai qui, eux, relèvent plutôt de la facette intellectuelle de mon travail. J’espère pouvoir vous présenter ça en 2023-2024.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions du remue-ménage.

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