LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Estel
J.L., tu sembles être un homme animé par de nombreuses passions! On a notamment appris que, bien que féru d’histoire et de littérature, tu t’es dirigé vers une carrière dans le monde des technologies en lien avec le spectacle, la télévision et le cinéma. Qu’est-ce qui fait de toi une personne polyvalente et impliquée dans des domaines aussi nombreux que variés?
«Le dénominateur commun de mes différentes passions, c’est l’humain… Tout jeune, c’est d’abord celui-ci que j’ai retrouvé sous toutes ses facettes dans la littérature; c’est lui également que j’ai découvert en retraçant son histoire, quand j’ai emprunté les chemins qu’il a creusés de ses pas, ou quand j’ai déambulé au cœur des paysages urbains qu’il a façonnés.»
«C’est un peu le hasard qui m’a mené ensuite dans le monde des professionnels de l’audio, de la vidéo et de l’éclairage, mais ce n’est pas un hasard si j’y suis resté. C’est un monde qui grouille de vitalité, toujours à l’affût des dernières inventions, des plus récentes technologies pour mieux outiller les artisans du spectacle, de la télévision ou du cinéma. J’y ai fait des rencontres marquantes dans ma vie, tant chez les gens qui œuvrent dans l’ombre et développent ces outils, que chez ceux qui les utilisent pour mettre en valeur leur talent artistique ou celui des autres.»
«Prenez le théâtre, par exemple: voyez comme un artiste – tel que Robert Lepage – utilise admirablement cette boîte à outils technologique pour mieux nous atteindre, pour mieux nous faire voyager avec lui dans son univers intérieur.»
«L’humain inventif. L’humain créatif. L’humain inspirant.»
Cette ouverture d’esprit transparaît même dans tes écrits, visiblement, puisque tu as ramené des cahiers remplis de notes et de manuscrits issus de tes nombreux voyages. Parmi ces textes, on y trouve aussi bien des scénarios que des contes, ou encore des nouvelles! Aimes-tu tous les genres littéraires pareillement, ou as-tu quand même tes petits «préférés» lorsque tu écris?
«Mon propos étant d’abord de raconter une histoire, c’est généralement le sujet, ou plutôt le regard que je porte sur le sujet, qui détermine le chemin que je vais emprunter.»
«Le conte a ceci de particulier qu’il ouvre la porte à tous les possibles, à toutes les fabulations de l’esprit. J’adore ce genre! Et ce, autant quand il s’adresse aux jeunes que lorsqu’il vise un lectorat adulte (comme chez Italo Calvino, par exemple). Ceux que j’écris sont destinés à de jeunes lecteurs, et ont été inspirés parfois par mes enfants, parfois par mes petits-enfants.»
«J’ai écrit plusieurs nouvelles. La plupart relatent un moment charnière dans la vie d’un personnage, et le texte court me permet de mieux circonscrire ce moment. Un peu comme si j’utilisais l’effet Zoom d’une caméra. Un jour, je réunirai peut-être quelques-unes d’entre elles dans un recueil.»
«Quant au roman, il me donne la possibilité d’élaborer une intrigue plus complexe, mettant en scène des personnages qui “inter-réagissent” et créent une dynamique autour de laquelle l’histoire se développe. Une dynamique qui sollicite aussi constamment l’esprit du lecteur, et ça me plaît beaucoup…»
Ce 15 mars, ton premier roman Le silence des pélicans est paru aux Éditions Fides. Dans ce «polar divertissant», si on peut s’exprimer ainsi, tes lecteurs sont plongés «au cœur d’une intrigue policière ficelée sur fond d’humour et de satire sociale». Qu’est-ce qui prédomine, selon toi: le côté polar ou le côté burlesque? On est aussi curieux de savoir si ces différentes ambiances se sont imposées assez naturellement lors de ton processus d’écriture.
«Question intéressante… Et des plus pertinentes! Disons-le d’emblée: j’écris ce que j’aime, et j’écris avec ce que je suis. Ce n’est donc pas un hasard si l’humour n’est jamais bien loin.»
«Comme tous les auteurs, je suis d’abord un grand lecteur, et je constate que le roman en général (et le roman policier en particulier) s’est considérablement assombri au cours des dernières décennies. Je n’ai rien contre un bon thriller ou même une intrigue un peu tordue, mais je m’étonne de voir autant de tueurs en série à l’œuvre, alors que selon les statistiques il s’en trouve très peu à l’échelle mondiale.»
«Ceci dit, les amateurs de romans noirs ont déjà l’embarras du choix, et le Québec compte déjà de grandes pointures dans le domaine. J’avais donc plutôt envie d’aborder les choses d’un autre angle. De développer une trame narrative qui soit à la fois captivante pour les lecteurs, mais leur permette aussi de sourire, et même de se bidonner de temps en temps.»
«Certes, l’écriture d’un “polar humoristique” constitue toujours un défi, car il faut savoir doser et faire en sorte que l’humour ne tue jamais l’intrigue. Mais c’est un défi qui me stimule beaucoup. J’avoue d’ailleurs que la critique élogieuse qu’a faite Norbert Spehner de mon roman m’a fait grand plaisir et me conforte dans mes choix.»
En quelques mots, l’enquête tourne autour de la mort d’une charmante et jeune étudiante qui s’est fait écraser par un chauffard en fuite. On suit alors de près un duo d’inspecteurs antagonistes, Bonneau et Lamouche, aux caractères et aux parcours très différents. Veux-tu nous en dire un peu plus sur chacun de ces personnages?
«Le mot antagoniste est bien choisi! Ils sont en effet à l’opposé l’un de l’autre dans tous les aspects de leur vie. Un seul lien permet de maintenir l’équilibre fragile qui les réunit, mais je ne le dévoilerai pas ici, ce serait priver le lecteur du plaisir de le découvrir dans le roman!»
«Dans le cas de Bonneau, je voulais mettre en scène ce personnage que nous avons tous dans notre entourage: celui de la personne “pas trop brillante” mais parfaitement imbue d’elle-même, qui exaspère tout le monde sans même s’en rendre compte et qui se croit absolument essentielle dans le bon fonctionnement de l’univers.»
«Quant au personnage de Lamouche, il m’a été inspiré par un ami que je connais depuis plus de quarante ans. Dès nos premières rencontres, j’ai été séduit par cette capacité d’observation hors du commun, par ce flegme inhabituel chez un jeune homme et par ces réparties détonantes, souvent teintées d’un humour caustique.»
«Dans les deux cas, je voulais m’éloigner du stéréotype du policier sombre, souvent dépressif, à moitié alcoolo et dont le travail est la seule échappatoire à une vie merdique. J’avais envie d’un peu de lumière. Je suis donc particulièrement heureux que le duo Bonneau-Lamouche suscite autant de commentaires enthousiastes, tant dans le milieu littéraire que chez les amateurs de polars.»
Si tu devais te lancer dans l’écriture d’un prochain roman policier, quel en serait le sujet, cette fois-ci? Idéalement, ne réfléchis pas trop et laisse donc ton côté spontané s’exprimer!
«Difficile d’être tout à fait spontané, car ce travail d’écriture est déjà commencé. Comme le dit si bien le lieutenant Bonneau: “Comment voulez-vous que la justice prenne le temps de convalescer comme du monde quand le crime, lui, est en bonne santé?”»
«Disons simplement que Bonneau et Lamouche n’ont pas fini de se taper sur les nerfs et qu’on les retrouvera à nouveau dans des situations inusitées, parfois dramatiques, parfois cocasses. Mais nous ne pouvons en dire plus pour le moment, devant respecter le caractère hautement confidentiel de l’enquête en cours…»