LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Dana Lim
Diya, d’aussi loin que tu te souviennes, à quand remonte ton premier coup de foudre pour la littérature, et plus spécialement pour l’écriture d’histoires? Étais-tu une petite fille rêveuse, dans la lune, qui aimait inventer des histoires?
«Les images, plutôt que les mots dans les livres, m’avaient séduite depuis ma tendre enfance. Je ne comprenais pas l’histoire complètement, car je ne savais pas encore lire, et cette soif de découverte m’a aidée à apprendre le sens des mots quand j’ai commencé l’école. Puis, en 4e année du primaire, j’étais tellement excitée de pouvoir enfin rédiger de courts récits basés sur quatre illustrations en noir et blanc! (Heureusement, les élèves d’aujourd’hui n’ont pas besoin d’attendre jusqu’à la 4e année!)»
«Enfant, j’inventais des petites histoires drôles dans ma tête. Mes enseignantes disaient souvent que je rêvassais trop en classe! À l’adolescence, mes histoires avaient pris une allure plutôt romantique. J’ai toujours aimé la liberté associée aux rêves.»
À ton actif – on a fait le calcul! – tu as déjà écrit une belle douzaine de romans jeunesse et pour les préadolescents, dont la série Amandine pour les jeunes de 7 ans et plus! Wow. Qu’est-ce qui t’a donné le déclic pour ce genre, et quelles sont tes principales influences sur la scène littéraire actuelle?
«La maternité m’a poussée vers la littérature jeunesse! Chaque jour, je lisais un livre à voix haute à mes filles. Cette pratique m’a branchée sur la littérature jeunesse d’aujourd’hui, différente de celle que j’avais connue dans ma propre enfance. Puis, mes filles sont devenues des lectrices autonomes, mais moi je n’ai pas lâché les livres pour enfants!»
«J’œuvre dans ce monde peuplé d’enfants avides de nouveautés. Les goûts et les tendances changent sans cesse. J’essaie de proposer des sujets qui pourraient répondre aux attentes des jeunes ainsi que des écoles. Pour cela, je reste à l’écoute des élèves et des pédagogues, en faisant des rencontres en milieu scolaire ou dans des bibliothèques publiques, en participant à certains salons du livre et en collaborant étroitement avec mes éditeurs.»
«Grâce à mes publications, je contribue à faire propager non seulement l’amour pour la lecture, mais aussi pour l’imaginaire, la nature, la poésie, la cuisine ou même les mathématiques! En tout cas, je l’espère.»
Le 7 novembre dernier, les Éditions L’interligne publiaient La marchande, la sorcière, la Lune et moi, un livre qui s’adresse aux jeunes de 9 à 12 ans et qui raconte l’histoire d’une fillette de 10 ans aux prises avec des sautes d’humeur qui confie ses états d’âme à la lune. Peux-tu nous résumer, avec tes couleurs, les grandes lignes de l’histoire et nous dire d’où t’est venue l’idée d’une telle histoire?
«La source provient de mon admiration pour les poupées russes que j’avais ramenées d’un voyage en Russie, il y a 25 ans. Je me suis dit qu’elles évoquent trois choses: la maternité/la grossesse, la croissance/le changement corporel, et une personne âgée au cœur d’enfant. J’ai donc concocté mon manuscrit autour de ces trois piliers.»
«Ensuite, j’y ai ajouté des saveurs russes: matriochkas (poupées russes), Baba Yaga (sorcière des contes d’origine slave) et Babouchka (grand-mère russe). La lune, très présente dans le livre, m’a permis d’aborder le thème de la résilience de façon simple à comprendre pour les jeunes, et d’agrémenter le tout d’une touche poétique.»
«En gros, c’est l’histoire d’une fillette, Mara, un peu trop responsable qui oublie qu’elle est encore une enfant. C’est parce qu’elle veut aider ses parents aux prises avec des problèmes financiers. Il y a eu perte d’emplois, vente de biens familiaux, déménagements successifs et la famille de cinq est sur le point de s’agrandir avec la maman enceinte de jumeaux!»
Et il y a sûrement une thématique centrale, n’est-ce pas? On imagine aussi que tu souhaitais partager, grâce au pouvoir de la littérature, un message aux préadolescents?
«Le message principal du livre se trouve en quelques mots aux pages 41 et 42. Dans la vie, il y a des moments de bonheur et de malheur, et c’est comme ça pour tout le monde. Les bonnes choses ne sont pas éternelles et les mauvaises choses non plus. Une jeune lectrice m’a déjà dit que le message clé d’après elle serait «même si la vie semble parfois dure, ce n’est pas la fin du monde.» C’est tout à fait ça!»
On a été très heureux d’apprendre que tu es en lice pour le Prix du livre d’enfant Trillium à l’occasion de l’édition 2019 du prestigieux Prix Trillium, qui vise à récompenser les écrivaines et écrivains francophones de l’Ontario et leurs éditeurs. Félicitations! Comment as-tu accueilli la nouvelle et qu’est-ce que cette belle reconnaissance va t’apporter pour les années à venir?
«Avec une profonde gratitude envers Ontario Créatif (l’organisation derrière la remise de ce prix) et les Éditions L’interligne, qui ont publié quatre de mes livres, dont La marchande, la sorcière, la lune et moi.»
«Être sélectionnée pour le Prix du livre d’enfant Trillium une deuxième fois (j’étais aussi finaliste en 2015 pour Larouspiol suivi de Les enfants du ciel) m’indique que je suis sur le bon chemin et m’encourage à continuer à écrire en français. La couverture médiatique autour de cet évènement signifie une plus grande prise de conscience par le public ontarien quant au travail des auteur(e)s qui œuvrent en français en Ontario. En outre, pour moi personnellement, cette reconnaissance permettrait de valoriser mes projets littéraires auprès de mes éditeurs actuels et auprès de futurs éditeurs.»
En guise de mot de la fin, peux-tu nous dire quels sont les défis d’écrire en français en Ontario, une province majoritairement anglophone, et d’y trouver son public, son cercle de fans?
«Les défis sont multiples. Les fonds sont minimes quand il s’agit d’investissements faits chaque année par le secteur d’éducation dans l’achat des livres comme les miens. L’Ontario est grand, les écoles de langue française et les écoles anglophones qui offrent le programme d’immersion en français ne savent pas toutes que mes livres existent! Si elles le savent, certaines pensent que j’habite au Québec! Les pédagogues de ma région sont souvent surpris d’apprendre que je ne suis pas loin d’eux.»
«Il y a beaucoup d’écoles dans des régions éloignées où il n’y a pas d’accès facile à des librairies. En Ontario, il n’y a pas beaucoup de librairies indépendantes comme au Québec. De plus, il y a en circulation un grand nombre de livres qui sont traduits vers le français et non écrits en français. Il y a une différence à faire, d’après moi. Mais pour beaucoup, c’est du pareil au même. Si j’écrivais en anglais, c’est sûr que je trouverais un plus grand marché. Mais il n’y a pas de barrière infranchissable si le cœur veut poursuivre sur ce chemin. Comme vous le savez, je suis rêveuse ;-)»